Dérive de mission au Cameroun : La Camwater, une entreprise publique qui embouteille sa propre crise
Mission Drift en Zone CEMAC : quand les entreprises publiques fuient leur mission au lieu de la corriger [ Chronique ]
En Afrique centrale, beaucoup d’entreprises publiques sont créées pour assurer des services essentiels : l’eau, l’électricité, le logement, les routes… Ce sont des domaines sensibles, qui touchent directement la vie des citoyens.
Mais depuis quelques années, on observe un phénomène inquiétant : ces entreprises s’éloignent de plus en plus de leur mission de départ.
Elles se lancent dans d’autres activités — souvent commerciales — qui n’ont rien à voir avec leurs missions statutaires.
On appelle cela un “mission drift”, une dérive de mission.
Pourquoi est-ce grave ?
Parce que ces entreprises sont financées avec l’argent public : subventions, prêts d’État, taxes, ou redevances payées par les usagers.
Quand elles délaissent leur mission de base pour se lancer dans des projets secondaires :
• elles utilisent mal les ressources disponibles,
• elles remplissent encore moins leur devoir
• elles prennent des risques financiers inutiles.
Si les fonds publics sont utilisés pour autre chose que la mission prévue par les textes, cela peut être assimilé à une faute de gestion ou pire un détournement de fonds.
L’exemple CAMWATER : une entreprise publique qui embouteille sa propre crise
CAMWATER a pour mission de distribuer de l’eau potable au Cameroun. Et au lieu de concentrer ses efforts sur la réparation du réseau et l’extension de la couverture, l’entreprise a lancé un projet d’eau en bouteille.
Cela pose plusieurs problèmes :
• C’est une activité coûteuse,
• C’est un marché concurrentiel,
• Les familles attendent l’eau à domicile.
En résumé : l’entreprise veut vendre un produit, alors qu’elle peine à rendre le service.
Un malaise dans toute la zone CEMAC
D’autres entreprises publiques de la sous-région suivent le même chemin.
La logique est la même : on fuit la difficulté de la mission de base, pour chercher une activité plus visible.
Mais cette stratégie aggrave les déficits de service public, désorganise les budgets.
Il est urgent de revenir à l’essentiel
Les entreprises publiques doivent être recentrées sur leur mission, évaluées sur leur efficacité réelle, et rendre des comptes sur l’usage de chaque franc public.
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Voici cinq mesures simples à adopter dans tous les pays de la CEMAC :
1. Interdire toute activité commerciale qui n’est pas prévue dans les statuts d’origine;
2. Auditer les dépenses et investissements de ces entreprises;
3. Fixer des objectifs clairs et mesurables liés à leur mission de base;
4. Publier régulièrement les résultats et les indicateurs de performance;
5. Associer les citoyens et les usagers au suivi du service rendu.
Conclusion : ne pas confondre agitation et efficacité
Une entreprise publique ne doit pas chercher à “faire du chiffre” comme une société privée. Elle doit bien faire ce pourquoi elle existe.
L’efficience, ce n’est pas faire plus de choses.
C’est faire mieux ce qu’on a à faire.
Par Charles Menye | Président du Comité Citoyen de Vigilance Financière – CEMAC
Passionné par la finance durable et la transformation ESG (Environnement, Social, Gouvernance), avec une expertise en gestion de projets de développement, en finance et une expérience multiculturelle à l’intersection de l’Afrique et de l’Europe, mon ambition est de bâtir des partenariats solides, et favoriser un impact systémique durable.