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Revisitez les 50 ans d’évolution de la BEAC de A à Z par Aboubakar SALAO, ancien cadre dirigeant

La BEAC, une méconnue essentielle , 50 ans d’évolution

DE LA BANQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE (1972-2022)

Par Aboubakar SALAO, ancien cadre dirigeant

 

Monsieur Aboubakar SALAO, de nationalité centrafricaine, a effectué 35 ans de sa carrière au sein de la BEAC, de novembre 1986 à octobre 2021. Il y a occupé de nombreux postes de responsabilité. C’est par conséquent un témoin privilégié des grandes étapes qui ont jalonné l’histoire de cette institution.

L’auteur tient à porter un témoignage avisé de l’évolution de cette institution.

Face à la richesse en événements et anecdotes de cinquante ans de vie de la BEAC, l’éclairage qu’il apporte est forcément partiel, mais il se veut impartial. Il couvre les origines de la BEAC (partie I) ainsi que les principales évolutions depuis sa création (partie II) et délivre le sentiment général de l’auteur (partie III).

Le lecteur sera saisi de la contribution essentielle de la BEAC à la stabilité monétaire et financière des Etats membres de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), qui participe à la préservation du pouvoir d’achat et à la création de conditions favorables à l’investissement public et privé, et par conséquent à l’intérêt général des populations et des pays de la sous-région. 

 

I – Création de la BEAC

 Jusqu’au 22 novembre 1972, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique Equatoriale et du Cameroun (BCEAC) émettait le Franc des Colonies Françaises d’Afrique, le franc CFA. La BCEAC était sous le contrôle exclusif de la France. Son siège était en France, à Paris. Le personnel d’encadrement et les dirigeants de la BCEAC étaient essentiellement des Français.

En novembre 1972, à l’initiative de cinq Etats d’Afrique Centrale, furent créés conjointement :

  • le Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale, le franc CFA (une nouvelle monnaie avec une nouvelle appellation, mais l’acronyme CFA a été conservé afin notamment de profiter de l’effet de notoriété dont bénéficiait alors cet acronyme) ;
  • la Banque Centrale émettrice de cette monnaie, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale,

Deux textes fondamentaux

Deux textes fondamentaux, dont la République du Congo est dépositaire, régissent depuis cette date la BEAC et le nouveau Franc CFA :

  • la Convention de coopération monétaire, exclusivement entre les Etats africains ;
  • la Convention de coopération entre la France et ces Etats

 

  1. La Convention de coopération monétaire signée le 22 novembre 1972 à Brazzaville par le Cameroun, la République Centrafricaine, le Congo, le Gabon et le Tchad, consacre, d’une part, la création d’une Banque Centrale commune à ces 5 pays, dénommée Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) et, d’autre part, la création d’une monnaie commune, dénommée franc de la Coopération Financière en Afrique centrale (Franc CFA). La BEAC détient le privilège exclusif de l’émission des billets et monnaies métalliques ayant cours légal et pouvoir libératoire dans les Etats membres. Les Statuts de la BEAC lui confèrent par ailleurs plusieurs autres missions : définir et conduire la politique monétaire de l’Union Monétaire ; conduire la politique de change de l’Union Monétaire ; détenir et gérer les réserves officielles de change des Etats membres ; promouvoir les systèmes de paiement et de règlement et veiller à leur bon fonctionnement ; promouvoir la stabilité financière dans l’Union Monétaire.

La Guinée Equatoriale a intégré ce groupe de pays, constituant, à l’époque, l’Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC), le 1er janvier 1985. L’adhésion de la Guinée Equatoriale, pays non-membre de la sphère francophone de surcroît, à la BEAC et à l’UDEAC constitue à n’en point douter la preuve du dynamisme et de l’attractivité de cet espace de communauté de destin. L’UDEAC a été transformée en Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) en mars 1994, devenue effective en juin 1999.

La France n’est pas partie prenante à cette Convention qui ne concerne que les pays africains entre eux. La BEAC et le Franc CFA sont donc la banque centrale et la monnaie communes des pays africains signataires. Le siège de la BEAC a été transféré à Yaoundé au Cameroun le 1er janvier 1977. Depuis lors, naguère essentiellement français, le personnel et les dirigeants de la BEAC ont été entièrement africanisés.

Le Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale est donc l’expression de la volonté des cinq Etats membres fondateurs de la BEAC, auxquels s’est jointe la République de Guinée Equatoriale en janvier 1985, de renforcer les liens de solidarité qui les unissent et de promouvoir une coopération monétaire mutuellement profitable.

 

  1. La Convention de coopération monétaire entre la France et les pays membres de la BEAC signée le 23 novembre 1972. Elle institue la garantie de convertibilité illimitée de la monnaie émise par la BEAC, le Franc CFA, par la France. En contrepartie, les pays membres de la BEAC acceptent de déposer une partie de leurs « réserves des changes » dans le Compte d’Opérations ouvert auprès du Trésor public français. De 100 % à l’origine, la fraction des réserves des changes sur ce Compte est actuellement fixée à 50 %. Par ailleurs, les avoirs extérieurs déposés sur ce Compte sont rémunérés, avec un taux plancher de 0,75 %.

Les liens avec la France sont conservés, dans la mesure où elle continue d’apporter sa garantie illimitée à la convertibilité du Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale émis par la BEAC. Cependant, il est stipulé que, en toute souveraineté, les pays signataires peuvent se retirer de cette convention à leur guise et à tout moment.

Fleuron de la coopération en Afrique Centrale, la BEAC est gérée par un Gouverneur, assisté d’un Vice-Gouverneur, d’un Secrétaire Général et de trois Directeurs Généraux. Six Directeurs Nationaux, à raison d’un par Etat, douze Directeurs Centraux au Siège, une vingtaine de Directeurs d’Agence et environ deux mille six cent cinquante cadres et agents répartis dans les six Etats, pour la plupart compétents et dévoués, accompagnent cette équipe dirigeante.

 

La BEAC est dotée d’un Conseil d’Administration, d’un Comité d’Audit, de deux commissaires aux comptes et d’un Collège des Censeurs. Le Comité Ministériel de l’Union Monétaire en Afrique Centrale (UMAC) et la Conférence des Chefs d’Etat de la CEMAC sont les organes suprêmes de la BEAC.

 

II – Principales évolutions de la BEAC depuis sa création le 22 novembre 1972

 De novembre 1972 à février 2022, la BEAC a changé six fois d’équipe dirigeante : l’ancien Directeur Général Christian JOUDIOU, qui a assuré le transfert du siège de Paris à Yaoundé le 1er janvier 1977, a passé le relais à Monsieur Casimir OYE MBA le 1er avril 1978, premier Gouverneur de l’Institut d’Emission. Se sont ensuite succédés à la BEAC Messieurs Jean-Félix MAMALEPOT, Philibert ANDZEMBE, Lucas ABAGA NCHAMA et actuellement ABBAS MAHAMAT TOLLI. A noter que de 1978 à 2010, les Gouverneurs de la BEAC étaient tous de nationalité gabonaise, en vertu du « consensus de Fort-Lamy », ancienne appellation de N’Djamena, qui consistait à répartir les sièges et les postes de direction des institutions de la Communauté entre les Etats membres. Ce principe a été remis en cause en janvier 2010. Depuis cette date, une règle de rotation des pays à la tête des institutions de la CEMAC a été instituée.

 ETAPE 1

 Africanisation de la BEAC, transfert du Siège de la BEAC de Paris à Yaoundé, modernisation de l’outil de travail … 

Monsieur le Gouverneur Casimir OYE MBA (mars 1978 – mai 1990)

 Monsieur OYE MBA, de nationalité gabonaise, a gouverné la BEAC du 1er mars 1978 au 3 mai 1990, date de sa nomination au poste de Premier Ministre de la République gabonaise. Il était le tout premier Africain à diriger la Banque Centrale commune et le tout premier Gouverneur de la BEAC. Il était assisté d’un Vice-Gouverneur, Monsieur Jean-Edouard SATHOUD, de nationalité congolaise. Il avait donc plusieurs défis à relever, dont deux majeurs : réussir le transfert du siège de la Banque Centrale de Paris à Yaoundé et entreprendre l’africanisation du personnel de la BEAC.

En résumé, l’on peut retenir les principales réalisations ci-après de l’ère OYE MBA :

  • la réussite du transfert du siège de la Banque Centrale de Paris à Yaoundé, en assurant une continuité sereine de service ;
  • la création des Directions Nationales, des Agences et Bureaux de la BEAC dans les cinq Etats membres fondateurs, puis en Guinée Equatoriale à partir de 1985 ;
  • une politique active d’africanisation du management et des cadres de la BEAC, fondée sur un processus de recrutement rigoureux et un effort soutenu de formation, à travers notamment l’ouverture, le 1er mars 1980, du Centre de formation et de perfectionnement de la BEAC qui forme toutes les nouvelles recrues et assure le perfectionnement et le recyclage du personnel de la Grâce à cette politique, le personnel de la BEAC a été entièrement africanisé ;
  • le renforcement et la modernisation de l’outil de travail de la BEAC, à travers notamment la construction d’immeubles modernes abritant le Siège (la tour d’Elig-Essono, inaugurée en 1988, demeure à ce jour la plus prestigieuse de la CEMAC), les Directions Nationales et les Agences de la BEAC ainsi que l’acquisition de matériels et équipements de bureaux à la pointe du progrès ;
  • la construction et la mise en service d’un Complexe culturel et sportif à Yaoundé pour encourager la pratique du sport et la promotion des événements culturels à la BEAC ;
  • le début de l’informatisation des tâches à la BEAC, avec pour corollaire l’amélioration des performances de l’Institut d’Emission dans plusieurs domaines, notamment l’émission monétaire et la comptabilité.

 

Monsieur OYE MBA a donc posé les fondements d’une Banque Centrale communautaire solide, ancrée pleinement dans l’environnement économique et social de la Communauté.

ETAPE 2

Modernisation de la politique monétaire et des systèmes de paiement, harmonisation de la politique des changes, ancrage de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) comme véritable organe de supervision bancaire dans la CEMAC, réforme du Conseil d’Administration de la BEAC, création de la caisse de retraite des agents de la BEAC (CRBC)…

 Monsieur le Gouverneur Jean-Félix MAMALEPOT (juillet 1990 – avril 2007)

Nommé Gouverneur de la BEAC le 24 juillet 1990, Monsieur Jean-Félix MAMALEPOT, de nationalité gabonaise, a été officiellement installé le 16 octobre 1990 et rappelé par son pays le 25 avril 2007. Il aura donc passé près de dix-sept ans à la tête de la BEAC. Il était assisté d’un Vice- Gouverneur de nationalité congolaise (successivement MM. Jean-Edouard SATHOUD, Rigobert Roger ANDELY et Pacifique ISSOIBEKA) et d’un Secrétaire Général à partir de 1998, Monsieur GATA NGOULOU, de nationalité tchadienne.

Le passage de Monsieur MAMALEPOT, personnage au caractère bien trempé, aura marqué la BEAC. Outre l’affirmation forte de l’indépendance de la Banque Centrale, sur laquelle il était particulièrement intransigeant, plusieurs réalisations sont à mettre à son actif, dont les principales portent sur :

  • la modernisation de la politique monétaire à partir de 1991, avec principalement l’instauration de la programmation monétaire permettant la détermination des objectifs monétaires et du crédit sur une base macro-économique, la libéralisation des taux d’intérêt applicables par les banques, dont la fixation, naguère administrative, dépend désormais du libre jeu du marché, et la mise en place du marché monétaire en juillet 1994 en remplacement des plafonds globaux de refinancement fixés administrativement ;
  • le lancement des activités de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) en 1992, créée en octobre 1990, investie de la plénitude des pouvoirs de supervision bancaire dans la CEMAC et qui a activement contribué à la réhabilitation, à la stabilisation et au développement du secteur bancaire dans les six pays membres ;
  • le pilotage du Groupe de travail sur la nouvelle approche de l’intégration économique et sociale, ayant abouti à la création de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) en 1999, en remplacement de l’Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC) ;
  • l’harmonisation de la Réglementation des changes dans les pays de la CEMAC en l’an 2000, qui a permis de clarifier les règles d’exécution des transferts et de rapatriement des recettes d’exportations pour une meilleure gestion des réserves de change de la Communauté ;
  • les réformes de l’émission monétaire initiées à partir de l’an 2000, avec en particulier la mécanisation des opérations de tri des billets qui a accru considérablement le rendement des salles de tri, réduit les coûts et permis l’amélioration de la circulation fiduciaire ;
  • la création de la Salle des marchés en 2001 pour améliorer la gestion des avoirs en devises et en or placés en dehors du Compte d’Opérations. Les résultats enregistrés par cette salle sont aujourd’hui significatifs ;
  • la création de plusieurs agences de la BEAC dans les six Etats membres pour accompagner les zones économiques dynamiques et contribuer à l’inclusion financière d’une population faiblement bancarisée ;
  • la modernisation des systèmes de paiement à partir de 2007, à travers la mise en production du Système des Gros Montants Automatisés (SYGMA) et du Système de Télé- compensation en Afrique Centrale (SYSTAC). Ces deux systèmes, qui ont abouti à l’instauration d’une seule place financière pour l’ensemble des six pays de la CEMAC, ont apporté la rapidité et le gain de temps (règlements instantanés), la sécurité et la fiabilité des virements, la réduction des coûts des transactions ainsi qu’une nette amélioration des délais d’encaissement des virements et des chèques (de 7 jours à 1 jour) ;
  • la modernisation du système d’information comptable de la BEAC, avec le passage à un système centralisé (SYSCOBEAC), mettant en relation directe et en temps réel les Services centraux et tous les centres de la BEAC ;
  • le lancement du processus de création du Comité de Politique Monétaire (CPM), dont les textes ont été adoptés en septembre 2007. Nouveau cadre de prise de décisions en matière de politique monétaire dans la CEMAC, le CPM regroupe les six Directeurs Nationaux de la BEAC et les représentants des six Etats membres, choisis en raison de leurs compétences. Cette innovation a induit la séparation des tâches entre les instances opérationnelles et décisionnelles pour une meilleure efficacité dans la conduite et la mise en œuvre de la politique monétaire ;
  • la généralisation à tous les métiers de l’informatisation des tâches à la BEAC ;
  • la création de la Caisse de Retraite de la Banque Centrale (CRBC) en 1999, pour rétablir les droits de retraite complémentaire des agents de la BEAC qui n’étaient plus garantis dans l’ancien système. La CRBC a parfaitement réussi sa mission ;
  • la poursuite de la rénovation du cadre de travail et l’intensification de la diversification des compétences et de la formation du personnel ;
  • la réforme du Conseil d’Administration de la BEAC, afin de le dépolitiser, avec la sortie des ministres de cet organe, et d’accroître son efficacité, les représentants des Etats membres étant désormais des hauts fonctionnaires choisis en fonction de leurs compétences. Cependant, selon les textes de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC), entité de la CEMAC, les ministres en charge de l’économie, de la monnaie et des finances, orientent et contrôlent les activités de la Banque Centrale commune dans le cadre du Comité Ministériel qui supervise l’UMAC.

 

Tout en poursuivant les actions de son prédécesseur, s’agissant notamment de l’ancrage de la BEAC dans son environnement économique et social, Monsieur MAMALEPOT a modernisé sa gestion, ce qui lui a permis de remplir pleinement ses missions statutaires.

 

ETAPE 3

Une période de césure et un mandat tumultueux …

 Monsieur le Gouverneur Philibert ANDZEMBE (juillet 2007 – janvier 2010)

 Nommé le 24 juillet 2007 en remplacement de Monsieur Jean-Félix MAMALEPOT, Monsieur ANDZEMBE, de nationalité gabonaise, est le premier Gouverneur de la BEAC à expérimenter une gestion du Gouvernement de celle-ci élargi de trois à six membres, afin, d’une part, de permettre une représentation de chaque Etat membre et, d’autre part, d’instituer la collégialité comme principe de gouvernance en son sein. Outre le Gouverneur, le Gouvernement de la BEAC comprenait ainsi un Vice-Gouverneur (Monsieur Rigobert Roger ANDELY, de nationalité congolaise), un Secrétaire Général (Monsieur ABBAS MAHAMAT TOLLI, de nationalité tchadienne) et trois Directeurs Généraux, MM. Lucas ABAGA NCHAMA (Guinée Equatoriale), René MBAPOU EDJENGUELE (Cameroun) et Théodore DABANGA (RCA).

Le mandat de Monsieur ANDZEMBE fut tumultueux et entaché, d’une part, par la difficulté qu’il éprouvait à conduire la nouvelle gestion collégiale de l’équipe gouvernementale de la BEAC, entraînant une cohabitation houleuse et, d’autre part, par deux scandales qui ont secoué la BEAC, à savoir : i) la découverte d’importantes malversations financières à travers le Bureau Extérieur de la BEAC à Paris, évaluées à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA, imputables à certains membres de l’équipe précédente et ii) un placement hasardeux d’une somme de cinq cents millions d’euros effectué sous l’autorité de Monsieur ANDZEMBE, soit environ 328 milliards de francs CFA, ayant occasionné en quelques mois seulement une perte de vingt-cinq millions d’euros, soit 16,4 milliards de francs CFA.

Le climat n’était par conséquent pas propice à une gestion sereine de la BEAC, encore moins à des innovations. Cependant, deux réformes importantes dans le domaine de la politique monétaire et des marchés de capitaux ont abouti en 2008. Celles-ci ont débouché, d’une part, sur le démarrage effectif des activités du Comité de Politique Monétaire et, d’autre part, sur l’institution du marché des titres publics dans la CEMAC en substitution des avances directes de la BEAC en faveur des Etats membres, afin de renforcer la lutte contre l’inflation et d’inciter les Etats à une meilleure gestion des finances publiques.

Tirant les conséquences de tout ce qui précède, les Chefs d’Etat de la CEMAC ont pris deux décisions importantes le 17 janvier 2010 : la révocation du Gouverneur ANDZEMBE et du Vice- Gouverneur ANDELY ainsi que l’instauration de la rotation des Etats aux postes du Gouvernement de la BEAC, avec effet immédiat. En conséquence, le poste de Gouverneur de la BEAC est revenu à la Guinée Equatoriale. C’est ainsi que Monsieur Lucas ABAGA NCHAMA fut nommé Gouverneur de la BEAC le 17 janvier 2010.

Le passage de Monsieur Philibert ANDZEMBE à la tête de la BEAC fut éphémère, de surcroît jalonné de nombreuses difficultés. Il n’a donc pas pu déployer sa vision pour la BEAC, exprimée dans le Plan Stratégique d’Entreprise (PSE) qu’il avait élaboré.

Cinq gouverneurs, cinq étapes dans l’évolution de la BEAC

ETAPE 4

 Rétablissement de la crédibilité de la BEAC, vastes programmes de réformes de la politique monétaire, création et lancement des activités du Groupement Interbancaire Monétique de l’Afrique Centrale (GIMAC), renforcement du dispositif du contrôle interne de la BEAC, promotion de l’activité de recherche au sein de la BEAC, l’élargissement des missions statutaires de la BEAC à la promotion de la stabilité financière, lancement de la construction de plusieurs édifices modernes devant abriter les services de la BEAC dans les pays membres, soutien financier massif à la BDEAC, réalisation de bénéfices substantiels …

 

Monsieur le Gouverneur Lucas ABAGA NCHAMA (février 2010 – février 2017)

 C’est dans une atmosphère délétère que débute le mandat de Monsieur Lucas ABAGA NCHAMA, de nationalité équato-guinéenne, qui l’exercera de février 2010 à février 2017. L’image de la BEAC était fortement ternie par la révélation par Jeune Afrique, en septembre 2009, du scandale des détournements massifs des fonds par certains anciens dirigeants de cette institution, tandis que le climat de travail était très troublé.

La nomination de M. ABAGA NCHAMA fut complétée par celle de cinq nouveaux membres du Gouvernement au titre de leurs pays respectifs : pour le Tchad, TAHIR HAMID NGUILIN, Vice-Gouverneur ; pour le Congo, Daniel NGASSIKI, Secrétaire Général ; pour le Cameroun, le Gabon et le Centrafrique, respectivement Jean-Michel MONAYONG NKOUMOU, Joachim LEMA OKILI, Yvon SONGUE puis Aboubakar SALAO, tous Directeurs Généraux.

Les défis à relever par Monsieur ABAGA NCHAMA et son Gouvernement étaient nombreux : satisfaire aux prescriptions des Chefs d’Etat de la CEMAC contenues dans sept Actes Additionnels adoptés lors du Sommet de janvier 2010 ; rétablir la confiance du public et des partenaires de la BEAC ; mettre en œuvre les vingt et une mesures contenues dans « le Plan d’Actions de la BEAC » adopté par le Conseil d’Administration de la BEAC en décembre 2009, sur recommandation du FMI, et faire la lumière sur les détournements ayant gravement terni l’image de la BEAC. La Banque Centrale était par ailleurs soumise aux nombreuses mesures de sauvegarde du FMI qu’il fallait implémenter.

Afin d’assainir l’environnement de travail et restaurer l’image de la BEAC et sa crédibilité internationale, son nouveau Gouvernement avait mis en œuvre la feuille de route des Chefs d’Etat de la CEMAC, le Plan d’Actions de la BEAC ainsi que son propre Plan de Réforme et de Modernisation. L’objectif recherché était d’arrimer les méthodes de gestion de la BEAC aux meilleurs standards internationaux de gestion des Banques Centrales. De nombreux partenaires de la BEAC ont à cet effet activement soutenu les actions de son redressement, principalement le FMI, la Banque Mondiale et la Banque de France.

Les réalisations du Gouvernement ABAGA NCHAMA sont contenues dans l’ouvrage intitulé « BILAN  DU  GOUVERNEUR  DE  LA  BEAC  (2010-2016) »,  publié  en  juillet  2016.  Les principales réalisations concernent :

  • la réussite de la gestion collégiale de la Banque Centrale commune ;
  • le rétablissement de la crédibilité de l’Institut de l’Emission, grâce notamment à la mise en œuvre satisfaisante des mesures de sauvegarde du FMI, des sept Actes Additionnels des Chefs d’Etat de la CEMAC, du Plan d’Action de la BEAC et du Plan de Réforme et de Modernisation de la BEAC ;
  • la récupération de 10,4 milliards de francs CFA sur les pertes de 16,4 milliards de francs subies sur le placement hasardeux de 500 millions d’euros sur les marchés financiers;
  • le lancement des activités du marché des titres publics de la CEMAC en novembre 2011 ;
  • la réalisation d’un vaste programme de réformes de la politique monétaire de la BEAC entre 2012 et Dans ce cadre et afin d’améliorer et d’accroître le financement des économies des Etats membres de la CEMAC, à travers notamment la dynamisation du marché interbancaire et la rénovation des interventions de la BEAC, le marché monétaire a été restructuré, avec la création des titres de créances négociables (TCN) et de nouveaux instruments de la politique monétaire de la Banque Centrale ont été créés pour répondre efficacement aux besoins du système bancaire (facilités permanentes, opérations structurelles, opérations de maturités longues et opérations de réglage fin). Par ailleurs, de nouvelles procédures d’intervention de la BEAC sur le marché ont été adoptées ; la pension- livrée interbancaire a été instituée pour faciliter la prise de garanties sur le marché interbancaire ; la régulation de la liquidité bancaire à partir des prévisions de ses facteurs autonomes a été consacrée ; la gamme des actifs admis en garantie du refinancement de la BEAC a été élargie ; l’analyse des coûts et conditions de crédit bancaire a été renforcée à la faveur de l’instauration du calcul du taux effectif global (TEG), etc. ;
  • l’amélioration à partir de 2011 de la gestion des réserves de change en vue de minimiser les risques et d’accroître les gains de la salle des marchés, grâce notamment à l’institution d’un taux plancher de rémunération des avoirs logés au Compte d’Opérations, fixé à 0,75 %, et à l’accroissement substantiel du portefeuille d’investissement ;
  • l’adoption en 2011 et la mise en œuvre d’un cadre réglementaire spécifique à l’activité de la monnaie électronique dans la CEMAC, dans l’optique de la saine diversification et promotion de l’usage des moyens de paiement électroniques ainsi que du renforcement de l’inclusion financière ;
  • l’élargissement des missions statutaires de la BEAC à la promotion de la stabilité financière. De 2010 à 2012, plusieurs actions ont été mise en œuvre pour rendre effective cette nouvelle mission de la Banque Centrale : modification des Statuts de la BEAC ; création d’une Direction des Etudes et de la Stabilité Financière (DESF) ; création du Comité de Stabilité Financière en Afrique Centrale (CSF-AC), regroupant tous les acteurs des marchés bancaires, des assurances, de la prévoyance sociale et la BEAC, dont le secrétariat est assuré par la DESF de la BEAC ;
  • la création en juin 2012 et le lancement des activités du Groupement Interbancaire Monétique de l’Afrique Centrale (GIMAC), en remplacement des deux anciens organes chargés de gérer la monétique dans la CEMAC, en l’occurrence l’Office Monétique de l’Afrique Centrale (OMAC) et la Société Monétique de l’Afrique Centrale (SMAC), qui avaient échoué dans leurs missions. Les cartes GIMAC et l’interopérabilité des réseaux de téléphonie mobile sont devenues aujourd’hui une réalité dans la CEMAC ;
  • la promotion des activités de recherche au sein de la BEAC, s’étant traduite par la publication de quinze articles de recherche en 2015 et en 2016 ;
  • l’adoption en juin 2010 et la mise en œuvre du Code des marchés et du Manuel des procédures de gestion des marchés de la BEAC, consacrant la transparence, l’égalité de traitement des prestataires et la mise en concurrence systématique ;
  • le renforcement du dispositif du contrôle interne de la BEAC à partir de 2010, afin de remédier aux insuffisances à l’origine des malversations financières et des mauvaises décisions de gestion ayant occasionné de lourdes pertes. A cet effet, plusieurs mesures ont été mises en œuvre : consécration de l’autonomie d’initiatives de la Direction Générale du Contrôle Général (DGCG), rattachée fonctionnellement au Comité d’Audit ; création de départements en charge, d’une part, du contrôle spécifique des entités du Siège (non contrôlées auparavant) et, d’autre part, de la prévention des risques ; accroissement des effectifs de la DGCG ; élaboration d’un statut particulier des inspecteurs ; mise à jour de la charte d’audit ; renforcement du rôle des commissaires aux comptes ;
  • l’adoption en 2011 et la mise en œuvre du Code de déontologie et du Code d’éthique ;
  • le lancement de la construction de plusieurs édifices modernes devant abriter les services de la BEAC à Malabo et à Ebebiyin en Guinée Equatoriale, à Bangui en Centrafrique, à Abéché au Tchad et à Oyo au Congo ;
  • le soutien financier massif octroyé à la BDEAC en 2016, d’un montant de 400 milliards de francs, en vue de renforcer les capacités de la Banque de Développement communautaire ;
  • la réalisation d’importants résultats bénéficiaires, soit 514,4 milliards de francs CFA au total en sept ans, de 2010 à 2016, après avoir absorbé les pertes de 30 milliards de francs CFA de l’exercice 2009 et apuré des suspens comptables inextricables et des non-valeurs hérités du passé, évalués à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA. Grâce à ces résultats, les fonds propres nets de la BEAC sont passés de 359,5 milliards francs CFA à fin décembre 2009 à 583,5 milliards au 31 décembre 2015, soit une hausse de 62,3 %.

En présentant son bilan, Monsieur ABAGA NCHAMA concluait : « Bien évidemment, au regard de l’ampleur des défis à relever et de la complexité de la gestion au quotidien, il serait prétentieux d’affirmer que nous avons apporté toutes les solutions à tous les problèmes de gestion de l’Institut d’Emission de la Communauté et que nous avons satisfait à toutes les attentes des Etats-actionnaires, du personnel et des partenaires institutionnels. Comme le souligne à suffisance cet ouvrage-bilan, de nombreuses actions ont été réalisées et beaucoup reste à faire pour continuer à hisser la BEAC au niveau des meilleurs standards de gestion des banques centrales ».

 

Cinq gouverneurs, cinq étapes dans l’évolution de la BEAC

 

ETAPE 5

Préservation de la parité Franc CFA – Euro, reconstitution des réserves de change, forte augmentation du financement des Etats à travers le marché des titres publics de la CEMAC, accroissement substantiel des échanges sur le marché interbancaire de la CEMAC, amélioration de la bancarisation et de l’inclusion financière dans la CEMAC, développement de l’utilisation de la monnaie électronique et des paiements par cartes via le GIMAC, renforcement de la gouvernance et de l’indépendance de la BEAC, fusion des deux marchés financiers de la CEMAC, appui aux Etats pour la conclusion des programmes financiers avec le FMI, …

 

 Monsieur le Gouverneur ABBAS MAHAMAT TOLLI (depuis février 2017)

 Nommé en juillet 2016, Monsieur ABBAS MAHAMAT TOLLI, de nationalité tchadienne, a pris fonction en février 2017, à la fin du mandat de son prédécesseur. Les autres membres du Gouvernement de la BEAC sont MM. Dieudonné EVOU MEKOU, Vice-Gouverneur, de nationalité camerounaise ; Désiré GUEDON, Secrétaire Général, de nationalité gabonaise et trois Directeurs Généraux : MM. EBE MOLINA Ivan Bacalé, de nationalité équato-guinéenne, Bienvenu Marius FEIMONAZOUI, de nationalité centrafricaine et ONDAYE EBAUH Cédric, de nationalité congolaise. Leur mandat court encore.

Ce nouveau Gouvernement de la BEAC a débuté son mandat, dans un contexte très difficile, à la fois pour les Etats membres de la CEMAC et pour la BEAC elle-même. En effet, confrontées depuis 2014 à une forte baisse des prix du pétrole et à des problèmes sécuritaires, les économies de la CEMAC affichaient de faibles taux de croissance, engendrant ainsi un climat social morose. Les réserves de change de la BEAC avaient fortement chuté, faisant planer le spectre d’une dévaluation du Franc CFA.

Pour faire face à cette situation, les six Chefs d’Etat de la CEMAC se sont réunis en urgence à Yaoundé, le 23 décembre 2016, et ont adopté un train de vingt et une mesures et recommandations à mettre en œuvre aussi bien par les Etats que par la BEAC. Pour marquer la gravité du moment et l’importance cruciale de ces assises, les Plus Hautes Autorités de la CEMAC y ont convié en particulier le Ministre français des Finances et la Directrice Générale du Fonds Monétaire International (FMI). De nombreuses mesures prises à cette occasion incombaient à la BEAC et constituaient autant de défis à relever.

Le Gouvernement de la BEAC a entrepris, dès le début de son mandat, de concevoir et de mettre en œuvre des mesures de redressement très fortes, en particulier dans les domaines des politiques monétaire et de change. D’autres chantiers ont aussi été lancés dès février 2017 afin d’améliorer la gouvernance de l’Institut d’Emission, de rationaliser la gestion interne et de contribuer à moderniser l’environnement économique et financier de la CEMAC. L’ensemble de ces actions, qui ont été articulées et mises en cohérence dans le Plan Stratégique de la Banque – Horizon 2017

2020 (PSB 2017 – 2020), concernent, à la fois, les métiers statutaires pour une amélioration continue de l’environnement économique et financier de la CEMAC, les fonctions support pour une optimisation de la gestion interne, l’accompagnement des Etats de par la fonction de conseiller en vertu de l’article 12 des Statuts de la BEAC, ainsi que des appuis multiformes à d’autres Institutions et Organes de la CEMAC.

C’est ainsi que les instruments et les modalités d’intervention de la politique monétaire de la BEAC comme les infrastructures de marché ont été modernisés ; le tri par Etat des billets, lourd et coûteux, a été supprimé et le mode de détermination de la circulation fiduciaire des pays de la CEMAC a été rénové ; la réglementation des changes a été révisée et est désormais rigoureusement mise en œuvre. D’autres réformes importantes ont également été menées à terme, à savoir : i) l’arrimage du système comptable de la BEAC aux normes IFRS, gage d’une meilleure transparence et fiabilité de ses comptes ; ii) la fusion effective des deux marchés financiers de la CEMAC et la dynamisation du marché des Titres Publics de la Communauté, qui offrent désormais aux opérateurs économiques d’un côté, et aux Etats de l’autre, de nouvelles sources de financement importantes ; iii) la poursuite de la modernisation des systèmes et moyens de paiement, en particulier l’interopérabilité monétique intégrale (mobile money, cartes de paiement internationales et carte GIMAC), qui a rendu possible un essor remarquable des paiements dématérialisés ainsi que le développement de l’inclusion financière dans la CEMAC.

Par ailleurs, dans son rôle de conseiller, la BEAC a activement accompagné les Etats dans la conception et l’exécution de certaines actions relevant de leur compétence. Cet accompagnement s’est manifesté particulièrement par une contribution décisive de la BEAC à la réussite du Programme des Réformes Économiques et Financières de la CEMAC (PREF-CEMAC), un appui déterminant apporté à la conclusion et la mise en œuvre des programmes de redressement économique et financier avec le FMI, à la mobilisation accrue de ressources sur le marché domestique, et au processus d’assainissement et d’apurement des arriérés sur la dette intérieure des Etats par le recours à des techniques de marché, notamment la titrisation de leurs engagements.

 

Cinq ans après, ces actions ont produit des résultats remarquables, dont les principaux sont :

  • le maintien de la parité du FCFA par rapport à l’Euro ; l’ajustement redouté a été évité grâce aux mesures mises en œuvre à la fois par les Etats de la CEMAC et par la BEAC, avec l’accompagnement des partenaires techniques et financiers, la soutenabilité de la parité de la monnaie s’étant retrouvée consolidée ;
  • la conclusion de programmes économiques et financiers avec le FMI et leur mise en œuvre globalement satisfaisante par tous les pays de la CEMAC, avec l’accompagnement de la BEAC, à travers notamment les lettres de confort du Gouverneur de la BEAC au Directeur Général du FMI ainsi que l’organisation de « réunions tripartites » regroupant les Etats, le FMI, la Banque Mondiale, la BAD, le partenaire français, certaines institutions de la CEMAC et la BEAC ;
  • la reconstitution des réserves des changes, portées de 3.093,2 milliards FCFA à fin décembre 2016 à 661,6 milliards FCFA à fin décembre 2021, à la faveur d’une meilleure application de la nouvelle réglementation des changes et de la mobilisation des appuis financiers extérieurs auprès de la communauté internationale des bailleurs de fonds. Le niveau des réserves en mois d’importations des biens et services, qui s’élevait à 2,4 mois à fin 2016, est estimé à 4,2 mois à fin décembre 2021, tandis que le taux de couverture extérieure de la monnaie s’est accru de 59,1 % à 68,6 % au cours de la même période, éloignant les pays de la CEMAC du risque de dévaluation ;
  • l’amélioration des interventions de la BEAC sur le marché monétaire de la CEMAC, grâce à la mise en œuvre effective des nouveaux instruments de politique monétaire et à la modernisation de l’infrastructure des marchés ;
  • une meilleure transmission de la politique monétaire de la BEAC, facilitant les anticipations des agents économiques avec l’adoption d’une nouvelle stratégie de politique monétaire basée sur : i) le pilotage du taux interbancaire de référence (TIMP) autour du principal taux directeur de la BEAC (TIAO), à l’intérieur d’un corridor constitué d’un taux plancher (taux de la facilité de dépôt) et d’un taux plafond (taux de la facilité de prêt marginal) ; ii) la fixation du TIAO en tenant compte des préférences des autorités de la Banque Centrale relatives à la stabilité monétaire, via une règle monétaire ; iii) l’utilisation d’une multiplicité d’indicateurs et des modèles d’analyse et de prévisions ; iv) l’élaboration et la publication d’un rapport trimestriel sur la politique monétaire de la BEAC destiné à l’information d’un plus large public ;

 

  • une forte augmentation du financement des Etats à travers le marché des titres publics de la CEMAC, à la faveur de toutes les mesures ayant contribué à la dynamisation de ce compartiment du marché monétaire de la CEMAC. L’encours des titres publics est passé de 916,1 milliards FCFA à fin décembre 2016 à 4.708,2 milliards FCFA au 31 janvier 2022, soit une hausse de 513,9 %. L’essor de ce marché a largement contribué à la mobilisation par les Etats des ressources requises pour faire face aux conséquences néfastes de la pandémie de Covid-19 et pour financer de nombreux projets d’investissement. A cet égard, il convient de souligner que, en juillet 2020, l’Etat du Cameroun a exceptionnellement décoré les agents du Ministère des Finances en charge de la gestion des titres publics pour marquer sa satisfaction relativement à leur apport pour le financement des dépenses publiques ;
  • un accroissement substantiel des échanges sur le marché interbancaire de la CEMAC, dont l’encours moyen mensuel s’est accru de 49 milliards FCFA à 324,7 milliards de FCFA entre octobre 2018 et décembre 2021, en lien avec les multiples réformes opérées au cours de la période (appel d’offres hebdomadaire régional et à taux multiples ; pension-livrée interbancaire ; facilité de prêt marginal ; corridor des taux ; opérations à maturité longue ; modernisation du dispositif de gestion des réserves obligatoires avec la constitution suivant la méthode des moyennes mensuelles ; élargissement du collatéral admis en refinancement ; rationalisation des décotes ; acquisition des plateformes informatiques d’interconnexion de tous les acteurs, d’échanges, de collecte, de traitement automatisé, de diffusion des données en temps réel et de cotation) ;
  • les importants bénéfices, aux plans opérationnel et économique, découlant de la suppression du tri par Etat des billets et de la détermination d’une nouvelle méthodologie de calcul de la circulation fiduciaire par pays, à savoir : i) la réduction du stock des billets non triés, grâce à une mécanisation accrue et au renforcement des capacités de tri manuel ; ii) la réduction du temps consacré aux contrôles des coffres-forts ; et iii) une plus grande facilité d’utilisation des applications informatiques dédiées à l’activité de gestion des signes monétaires, grâce à la suppression de la tenue de comptes par Etat. S’agissant du coût de gestion des billets, des économies devront être réalisées, plus précisément sur les commandes de billets neufs, par l’arrêt du rapatriement des billets déplacés valides, et sur les moyens humains et mécaniques affectés au tri des billets ;
  • l’amélioration de la qualité de l’information financière produite par la BEAC, grâce à la mise aux normes IFRS de son système comptable ;
  • la fusion institutionnelle et physique des marchés financiers de la CEMAC sous la conduite déterminée du Gouverneur de la Depuis juillet 2019, la CEMAC est dotée d’un marché financier unifié constitué : i) d’un régulateur unique, basé à Libreville au Gabon, la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF) ; ii) d’une seule Bourse de valeurs mobilières installée à Douala au Cameroun, la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC) ; iii) d’une seule Banque de Règlement, la BEAC ; et iv) d’un Dépositaire Central Unique, rôle assuré par la BEAC à titre transitoire. Cette fusion a dynamisé le fonctionnement du marché financier de la CEMAC ;
  • la facilitation et l’accroissement des paiements à l’échelle nationale et de la CEMAC par i) la monnaie électronique (téléphonie mobile et cartes prépayées) et par ii) les cartes bancaires de la CEMAC (du GIMAC) et internationales, suite à la mise en œuvre de l’interopérabilité des systèmes de paiement monétiques dans la CEMAC. En 2021, 8.827.427 transactions ont été effectuées à travers la monétique intégrale pour un montant total de 329,1 milliards de francs CFA (dont 2.736.260 transactions par cartes bancaires à travers le réseau GIMAC pour une valeur de 175,9 milliards de francs CFA et 6.091.167 transactions via la téléphonie à travers le réseau GIMAC également pour une valeur de 153,2 milliards de francs CFA) ;
  • l’amélioration de la bancarisation et de l’inclusion financière dans la CEMAC, à travers notamment l’extension du réseau de la BEAC, à la faveur de la mise en service des nouvelles agences à Oyo au Congo et à Ebebiyin en Guinée Equatoriale. La première pierre de l’édifice de la nouvelle agence de la BEAC à Ebolowa au Cameroun a par ailleurs été posée ;
  • le renforcement de la gouvernance et de l’indépendance de la BEAC par la réforme de ses Statuts ayant abouti à l’amélioration de l’exercice de la collégialité et au renforcement de l’autonomie de sa gestion ;
  • la consolidation de la situation financière de la BEAC, grâce aux mesures de diminution des charges et d’augmentation des produits, ayant permis d’extérioriser des résultats bénéficiaires, ainsi qu’à l’impact positif sur les fonds propres de l’arrimage du système comptable aux normes IFRS.

Par ailleurs, face aux effets néfastes de la crise sanitaire liée à la COVID-19 sur les économies de la CEMAC, la BEAC a adopté des mesures spéciales depuis mars 2020, visant, d’une part, à assouplir les conditions monétaires (baisse du TIAO de 3,50 % à 3,25 %, l’augmentation de 240 milliards FCFA à 500 milliards FCFA du montant de liquidité à injecter sur le marché monétaire, etc.), et, d’autre part, à soutenir durablement la liquidité du marché monétaire et à impacter plus directement les conditions de financement du secteur productif et des Etats, par le biais notamment de la réactivation des injections de liquidités à plus longue échéance sur le marché monétaire pour 150 milliards et le rachat des titres publics sur le marché secondaire pour un montant maximal de 600 milliards FCFA. Au total, la mise en œuvre de ces différentes mesures s’est traduite par une hausse des injections de liquidités dans les économies de la CEMAC par la BEAC. Elle a également permis de rassurer les établissements de crédit, les Etats ainsi que les opérateurs économiques et de contenir les risques de liquidité du système bancaire de la CEMAC.

Comme en témoignent les réalisations ci-dessus, le Gouvernement de Monsieur ABBAS MAHAMAT TOLLI a obtenu des résultats majeurs. Il lui faudra cependant poursuivre les efforts pour faire face aux nombreux défis qui demeurent, découlant notamment des graves conséquences de la crise sanitaire, engendrée par la Covid-19, sur les économies de la CEMAC, déjà fragilisées par les crises sécuritaires et la chute du prix des matières premières, notamment du pétrole, ainsi que les incertitudes nées du conflit en Ukraine.

III – Conclusion

Il ressort de tout ce qui précède que la gestion de la BEAC par ses dirigeants successifs n’a pas été un long fleuve au cours tranquille. Cependant, chacun en ce qui le concerne a fait de son mieux dans l’accomplissement des missions fondamentales de la Banque Centrale communautaire.

Au fil des ans, la BEAC a pris ses marques et s’est modernisée. Elle a su s’adapter aux mutations voulues par les Etats et qu’elle remplit sa mission, malgré les soubresauts qui ont jalonné son existence. A titre d’illustration, elle réalise, depuis des années, la troisième performance en Afrique en matière de lutte contre l’inflation, mission primordiale d’une Banque Centrale, après le plus souvent Bank Al Maghrib du Maroc et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). En guise d’exemple, selon les chiffres disponibles à fin juin 2021, le taux d’inflation s’élève à 1,1 % au Maroc, 2,2 % dans l’UEMOA, 1,8 % dans la CEMAC, 3,1 en République Démocratique du Congo, 4,9 % en Afrique du Sud, 5,2 % en Egypte, 5,8 % au Kénya, 17,1 % au Nigéria, 194 % au Zimbabwe et 365,8 % au Soudan.

Concernant la politique macroéconomique, la monnaie est un facilitateur. A cet égard, la BEAC a su créer les conditions favorables pour un développement économique sain et durable, que les Etats membres et le secteur privé devraient pouvoir mettre à profit, au moyen notamment de politiques publiques et privées appropriées, afin de bâtir des infrastructures, des systèmes socio-éducatifs, des industries, une agriculture, etc. qui conditionnent une croissance solide et durable.

Cinquante ans après sa création, la BEAC reflète l’ambition portée par les Etats membres, incarnée par des hommes et des femmes qui en ont fait une aventure humaine couronnée de succès, au bénéfice des concitoyens de la CEMAC. Cependant, le voyage se poursuit et comme rien n’est jamais acquis, elle doit garder le cap et redoubler d’efforts pour relever les nombreux défis qui l’attendent. Il appartiendra à la jeune génération de faire évoluer raisonnablement la BEAC vers un autre palier, dans l’intérêt de notre communauté de destin, sans fantasmes ni émotion.

 

 

Yaoundé, le 28 mars 2022.

 

 

Aboubakar SALAO

Economiste et spécialiste de l’audit bancaire

 Ancien Responsable des Etudes et de la Recherche à la BEAC

Ancien chargé de cours au Centre de formation et de perfectionnement de la BEAC Ancien Chef de mission d’inspection et Responsable du contrôle permanent à la COBAC Ancien Conseiller du Gouverneur de la BEAC

Ancien Gestionnaire de la CRCT à la BEAC

Ancien Responsable de la fusion des marchés financiers de la CEMAC à la BEAC Ancien Directeur Général de l’Exploitation à la BEAC

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