Chronique de JPBetbeze | Gardez quelques billets et surtout votre calme
BCE, pourquoi nous inquiéter ainsi ?
C’est en effet la Banque centrale européenne elle-même qui nous le dit en anglais : Keep calm and carry cash. Mais pourquoi donc un tel message ? De fait, les banques centrales ne nous ont pas habitués à nous inquiéter. Elles sont là, au contraire, pour nous calmer contre toute panique bancaire, étatique, contre tout run vers la liquidité et, en permanence, contre toute résurgence inflationniste.
Pour preuve de notre calme, la BCE montre que le montant de billets en circulation n’a cessé de monter en valeur. Il atteint, en 2024, 1600 milliards d’euros, soit 18% du PIB de la zone euro. Et ceci malgré la forte montée des paiements digitaux quotidiens. Un attrait pour le billet demeure, sans doute accentué par les crises que nous avons vécues et que nous vivons encore : crise américaine des subprimes de 2008, crise européenne des dettes souveraines de 2014-15, crise de la COVID en 2020 et guerre d’Ukraine depuis 2022. Il doit rester.
Le paradoxe du billet
Nous payons moins en cash, mais nous en gardons plus. Nos goussets sont vides, les Napoléons donnés aux enfants, le billet de 500 euros n’est plus imprimé, ceux de 200 et 100 attirent le regard, suspect, du commerçant. Sauf s’il est antiquaire, bijoutier, marchand d’art, travaille dans l’immobilier, la rénovation de logements, ou la chirurgie plastique, discrétion oblige. Mais, en dehors de ces cas, bien connus du fisc, le papier de 50 euros n’est plus une « relique barbare », comme était l’or critiqué par Keynes. C’est au contraire devenu la monnaie qui répare les risques des instruments de paiement les plus modernes !
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Car la carte de crédit fonctionne à l’électricité. Le black-out espagnol du 28 avril 2025 a vu les distributeurs de billets à l’arrêt, les paiements par cartes d’effondrer et un rush vers le billet, dès le courant rétabli. Tout le monde a vu ce qui s’est passé avec ces énergies alternatives quand elles ne l’étaient plus, faute de vent, de soleil ou de grandes batteries, faute surtout d’une trop forte dépendance sur elles, dans le cas espagnol, quand elles ne sont plus disponibles. Le nucléaire, qui fournit du courant en base, ne peut plus suffire. Le billet, lui, marche toujours.
Le 50 euros, instrument de paiement anti-hacking
Ce papier connaît une autre source d’intérêt, dans les temps de guerre hybride que nous vivons. Guerre « classique » : la demande de billets s’est considérablement accrue début 2022 dans les pays situés entre 500 et 1500 kms de Kiev : Lituanie, Suède, Estonie, Finlande, pas en Espagne ou au Portugal. Guerre hybride de plus en plus, avec ces distributeurs de billets qui tombent en panne, alimentant l’inquiétude. Le 30 août 2025 au CIC et au Crédit Mutuel, un dysfonctionnement technique les arrête, et nourrit depuis des inquiétudes croissantes. Qui est derrière ? C’est bien pourquoi les autorités hollandaises, autrichiennes et finlandaises recommandent de garder entre 70 et 100 euros par membre de la famille, pour couvrir les besoins essentiels pendant 72 heures. En sus, la Finlande étudie des distributeurs qui seraient protégés des interruptions techniques.
N’empêche, pendant ce temps, la BCE réfléchit à une e-monnaie. Instantanée, quasiment sans coût et logée directement dans ses comptes et donc très sûre, au détriment du chèque, des cartes et des billets, elle naîtrait avant 2030. Les grandes banques des pays occidentaux y travaillent, sachant qu’elles s’inquiètent aussi d’offrir une monnaie aussi rapide, donc instable, qui concurrencerait la liquidité des banques classiques et qui, surtout, exposerait directement son bilan à des groupes ou puissances malintentionnés. Ce monde plus technique qui devait nous être plus amène est en fait plus anxiogène, en attendant le variant Frankenstein de la COVID !
Le 50 euros et la taxe Zucman
La montée de la dette publique française, comme si le reste ne suffisait pas, alimente celle de l’épargne. On retrouve ici la célèbre « équivalence ricardienne » où les ménages rationnels se disent que cette dette qui croît devra bien être payée un jour par l’impôt, d’où cette épargne qui croît elle aussi, et l’attrait de ce billet anonyme qui permet d’en réduire un peu l’assiette. Merci taxe Zucman !
Le 50 euros, dont 9 seulement sur un million sont faux, trouve ainsi de nouveaux charmes. La BCE n’a donc pas tort de nous en vanter les mérites, en recommandant à chacun d’en avoir trois, pour vivre trois jours. C’est déjà ça.
Par Jean-Paul Betbeze
Jean-Paul BETBEZE, HEC 72, est titulaire d’un doctorat d’État et d’une agrégation des facultés de sciences économiques. Il est une figure éminente dans le domaine de l’économie et de la finance, dont les activités s’étendent à la fois dans l’enseignement et le conseil, ainsi que dans la recherche et la communication. Professeur à l’Université Paris Panthéon-Assas), il a dirigé les études économiques du Crédit Lyonnais et celles du Crédit Agricole et a créé une société de conseil (avec Joselyne, mon épouse), étant notamment le Conseiller économique de Deloitte. Au total : 15 ans de Faculté, 23 ans et demi de banque et de finance, 5 ans de conseil…



