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Cameroun :  » Coup d’Etat sexué  » contre les femmes

Une féministe camerounaise dénonce un coup d’Etat sexué contre les femmes

Dans une tribune salée publiée dans son site officiel, adressée au Président Paul Biya, la féministe camerounaise, Pr Viviane Ondoua Biwole, experte en Gouvernance Publique, enseignante à l’Université de Yaoundé II au Cameroun et professeure associée à la YALE University aux USA, déplore « l’incompréhensible ‘’ invisibilité numérique’’ des femmes dans l’espace de pouvoir au Cameroun ».

Afrique54.net vous propose, l’intégralité de cette tribune.

 

Monsieur le Président Paul Biya, VOICI LES FEMMES… L’incompréhensible « invisibilité numérique » des femmes dans l’espace de pouvoir au Cameroun.

 

Il se susurre que le Président de la République prépare un remaniement ministériel. Vrai ou faux, peu importe ! Les rumeurs de l’avènement d’un nouveau gouvernement ont toujours attisé des passions. Souvent considérées comme subjectives et émotives, les passions peuvent être mauvaises conseillères. Le présent texte est à l’opposé de cette émotivité. Son objectif est d’apporter des éléments objectifs qui contredisent l’image volontairement entretenue de l’absence des femmes capables, des femmes compétentes, des femmes aux trajectoires spéciales et dignes de confiance. Monsieur le PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE voici les femmes, ne les cherchez pas elles sont là et bien visibles. L’invisibilité numérique apparente aux hautes sphères de pouvoir n’est qu’une construction des décideurs qui font croire que le sexe féminin au Cameroun est source de malchance et son expiation  s’apparente à un coup d’état sexué.

Le sexe féminin est-il source de malchance ?

Evoquons sans tabou ce qui nous distingue de l’autre humain, c’est bien notre SEXE. Oui nous parlons de sexe et de ce qui le particularise. Si le débat sur la différence de sexe n’est pas viable par nature, celui sur les constructions sociales qui l’entoure l’est absolument. A notre sens, le problème n’est pas tant les différences entre les hommes et les femmes mais que ces différences soient transformées en inégalités. Les discriminations issues du genre souvent adossées au patriarcat n’ont plus seulement une couleur culturelle. Elles sont entretenues par des manœuvres administratives conscientes ou inconscientes. A notre surprise, certains décideurs se disent déçus par cette réalité. D’autres considèrent que la situation s’améliore, bien que lentement, matérialisant une progressivité dont doivent s’accommoder les femmes jugées alors pressées et peu préparées au pouvoir.  Pour moi, rien n’explique cette réalité si ce n’est la malchance. Celle-ci est définie comme un ensemble de circonstances défavorables relevant du hasard (les auteurs semblent aussi surpris que les victimes) causant du tort à quelqu’un. Le hasard ici est considéré comme un concours de circonstances inattendues et inexplicables. La malchance pourrait alors expliquer l’invisibilité numérique de la femme camerounaise dans les espaces de pouvoir. Une malchance d’un genre particulier, entretenue par le hasard des décisions inéquitables des décideurs.

Constatons ensemble que malgré leur présence en qualité et en quantité dans toutes les spécialités, aucune n’est Présidente de Région (0/10), une seule est secrétaire de Région (1/10). Les statistiques des femmes Ministres, DG et PCA croissent très lentement et dans d’autres domaines, elles régressent. Le nombre de femmes membres des Conseils d’Administration fait pitié ! Les statistiques des femmes au parlement (chambre haute et chambre basse) ne motivent guère avec un plafonnement à 31% depuis des dizaines d’années loin de l’égalité tant souhaitée. Ces évidences sont la conséquence de pratiques administratives (nomination et mobilité) et politiques (discipline des partis) discriminatoires depuis les échelons inférieurs (chef de service – sous directeurs). Si la culture a été longtemps indexée comme cause de la sous représentativité des femmes camerounaises, leur présence massive en quantité et en qualité dans les organisations depuis plus de trois décennies justifient difficilement cette invisibilité.

Attitude des décideurs : Il est facile pour les décideurs de balayer du revers de la main les revendications relatives à une plus grande visibilité des femmes aux sphères de pouvoir. C’est une attitude paradoxale au regard des discours tenus pendant les périodes électorales qui sollicitent le suffrage féminin. C’est sans doute la preuve d’une simple ruse politique. Le Président de la République, lors des élections de 2011 n’avait-il pas dit que ce septennat serait celui des femmes et des jeunes ? En 2021, les femmes, pour ne parler que d’elles se rendent compte à l’évidence qu’il y a encore du chemin à parcourir.

Il serait vain de chercher l’origine de la domination de l’homme sur la femme. Pareille historicisation serait plus basée sur la spéculation que sur des données scientifiques fiables, car il s’agit d’une réalité permanente de toutes les sociétés humaines historiquement connues. A ce sujet, les travaux de Jaran-Duquette et Saint-Charles (2007) dévoile une mythologie du dualisme attribuant à la féminité la douceur, la compassion, l’affection, la sensibilité et la timidité ; et à la masculinité l’agressivité, l’ambition, la domination, la confiance et l’indépendance. Cette caricature a définitivement marqué les conventions culturelles qui constituent un handicap à l’accès de la femme au pouvoir.

Bien que les compétences des femmes se soient considérablement améliorées au Cameroun ces 30 dernières années, les femmes continuent d’être victimes des stéréotypes, sources d’inégalités. Il apparaît, sans que cela ne puisse s’expliquer scientifiquement, que les hommes soient supérieurs aux femmes ou pour être plus nuancé, que les femmes camerounaises soient inaptes au pouvoir. Vous l’avez deviné dans mes propos, mon obsession est de lutter contre ce type de pouvoir dit vertical et instrumental ressemblant à un coup d’état sexué.

L’invisibilité publique de la femme camerounaise : un coup d’état sexué

L’objectif de la présente publication est alors d’affirmer une évidence : il existe des femmes compétentes pour assumer de hautes responsabilités. Leur invisibilité numérique n’est qu’une construction sociale, un coup d’état sexué bien orchestré qui vise l’anéantissement de tous les efforts consentis par les femmes pour mériter, comme humain et comme citoyenne, les droits qui leurs sont dédiées.

Il est présenté ci-après, les portraits succincts et non exhaustifs de 80 femmes, hauts cadres des secteurs publics, privés et de la société civile dont les qualités méritent du respect et une attention particulière. L’objectif n’est pas de comparer ces profils entre eux (aucune hiérarchie dans l’ordonnancement du texte n’est retenue) ou à ceux des hommes en situation de pouvoir. Toutefois, même sans le vouloir, la nature des profils affichés obligent à constater que les femmes ne déméritent pas. Certaines pourraient même embarrasser le Président Paul Biya qui regretterait de ne les avoir pas associées plus tôt aux affaires de la République au niveau stratégique. Les échos de leurs réalisations ne résistent pas à la tentation de leur faire allégeance !  D’où la question des motivations d’une exclusion durable des femmes camerounaises aux hautes sphères de pouvoir.

Je vous invite à vous incliner devant ces brèves biographies de femmes camerounaises influentes. Si le Président de la République souhaite proposer un Gouvernement de 80 personnes composées de 100% de femmes, il y a de la matière pour 80%, pour 50% il y en a. c’est ensemble que nous bâtirons un monde fort et équitable.

Il ne s’agit que d’un échantillon aléatoire constitué par effet boule de neige. Les informations sont celles qui sont disponibles sur la toile et celles relayées par divers médias.

 

Par Pr Viviane Ondoua Biwole l Enseignante-Chercheure, Experte en Gouvernance Publique

 

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