►►Sous l’ombre imposante du volcan Nyiragongo, la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), vit depuis plus de trois mois dans un calme tendu, presque irréel.
GOMA (RDC)- Sous l’ombre imposante du volcan Nyiragongo, la ville de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), vit depuis plus de trois mois dans un calme tendu, presque irréel.
Contrôlée depuis le 27 janvier dernier par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), la capitale provinciale du Nord-Kivu, autrefois carrefour commercial animé, est désormais figée dans une attente anxieuse, où la paix reste insaisissable.
L’offensive du M23, qui a abouti à la prise de Goma, a marqué une nouvelle escalade dans un conflit qui mine l’est du pays depuis des décennies. Pour beaucoup, cette occupation évoque de douloureux souvenirs : la ville était déjà tombée entre les mains du M23 en 2012 avant que les rebelles ne se retirent sous la pression internationale.
Cette fois, la situation paraît plus grave encore. Les combats, intenses, ont fait plus de 8.500 morts et près de 5.600 blessés, selon les autorités congolaises. L’aéroport, les stations de radio, les postes frontières : aucune infrastructure stratégique n’a été épargnée. Même les camps de déplacés ont été ciblés, coûtant la vie à des femmes enceintes et à des nouveaux-nés.
Malgré l’annonce d’un « cessez-le-feu humanitaire » par la rébellion début février, les hostilités se sont poursuivies. Le M23 s’est emparé de Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, et maintient plusieurs positions avancées dans les deux provinces.
Depuis la chute de Goma, la ville est entrée dans une torpeur angoissante. Les affrontements armés ont cessé, mais une autre forme de violence s’est installée : celle de l’anomie. Commerces fermés, banques à l’arrêt, pénurie de liquidités, recrudescence de l’insécurité nocturne. Dans l’absence de l’administration officielle, les rebelles ont mis en place leur propre système de contrôle, avec des barrages et des prélèvements obligatoires, ont raconté plusieurs habitants de la ville.
« Cette situation nous terrorise. Nous souffrons aujourd’hui de maladies cardiaques à cause de la peur, et nous savons maintenant dans quoi nous sommes réellement impliqués », a indiqué Mugisho Patrick, un habitant.
La crise humanitaire est immédiate. D’après l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 1,2 million de personnes ont été déplacées depuis janvier dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Beaucoup de ceux qui avaient trouvé refuge à Goma ont dû fuir à nouveau.
Début février, le M23 a sommé les habitants des camps déplacés, dont ceux de Bulengo et de Lushagala, de partir dans un délai de 72 heures. Les tentes ont été abandonnées, les familles reprenant la route, souvent à pied. Mais en arrivant dans leurs villages, beaucoup n’ont retrouvé que des ruines.
« J’ai perdu toute ma famille, mes champs ont été confisqués. Je n’ai plus de maison », a confié Janne, une femme de 50 ans originaire du territoire de Masisi. Sans abri depuis presque quatre ans, elle vit désormais dans un ancien bain public délabré. Son quotidien se résume à une chaise en plastique, quelques sacs usagés et des vêtements en lambeaux. Elle se nourrit de pourpier sauvage. « Je n’ai plus la force de travailler », a-t-elle dit.
A 27 kilomètres à l’ouest de Goma, la ville de Sake a longtemps représenté le dernier rempart contre l’avancée rebelle. Depuis fin 2023, elle a été le théâtre d’affrontements féroces entre les troupes gouvernementales, les milices locales et le M23. Les combats de rue ont laissé la ville dévastée.
Aujourd’hui encore, la menace est omniprésente. Des obus non explosés jonchent les champs de bananiers. « On a trouvé plus de dix sites avec des munitions actives », a expliqué Christian Kabuya, un habitant. « Des enfants sont morts en jouant près de ces engins ».
A l’ouest de Goma, l’hôpital de Ndosho, soutenu par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), est le seul établissement encore en mesure d’accueillir les blessés de guerre. Son personnel est épuisé. « Le conflit ici est d’une complexité unique », a témoigné Taoffic Mohamed Touré, vétéran du CICR, sur le départ pour le Yémen. « Le nombre d’acteurs et la récurrence des violences rendent notre travail extrêmement difficile ».
Un rapport de l’ONG Centre mondial pour la responsabilité de protéger rappelle que plus de 120 groupes armés sont actifs dans l’est de la RDC.
Alors que les initiatives diplomatiques peinent à se concrétiser et que les cessez-le-feu sont fragiles, les habitants de l’est congolais continuent de vivre sous l’ombre du conflit. A Goma, où les coulées de lave du Nyiragongo se sont depuis longtemps figées, les cicatrices de la guerre, elles, restent béantes.
By Xinhua