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Violences faites aux avocats Cameroun

Violences faites aux avocats Cameroun

Les hommes et femmes  en robe noire manquent de considération de la part des autres maillons de la chaine judiciaire. Concrètement, on assiste depuis un certain temps à des violences exacerbées sur des avocats dans l’exercice de leur fonction au Cameroun. Nombre sont des avocats qui ont été gardé à vue dans les unités de police et de gendarmerie alors qu’il n’est là que pour défendre les intérêts et la liberté de son client.

 

  Questions de Droit

 

Dans un communiqué publié le 31 Août 2021, le Conseil de l’Ordre du barreau camerounais a expliqué que les avocats avaient décidé d’organiser une grève de cinq jours pour dénoncer ce qu’ils décrivent comme le déni systématique d’accès à leurs clients dans plusieurs centres de détention du pays, y compris celui du Secrétariat d’État à la défense (SED) à Yaoundé. Les avocats protestent également contre le refus présumé des autorités de reconnaître leurs diverses demandes écrites ou d’y répondre, et s’élèvent contre la détention prolongée et illégale de leurs clients et l’utilisation d’aveux obtenus sous la torture. Dans leur lettre, les avocats disent aussi être « continuellement menacés, arrêtés et détenus » alors qu’ils essaient juste de faire leur travail.

C’est ainsi qu’on a vu en mondovision le préfet de la Mefou et Akono, Antoinette Zongo née Nyambone, ordonner à des gendarmes de « mettre hors d’état de nuire » l’avocat Bertrand Meka venu assister son client pour dans le cadre d’une transaction immobilière conflictuelle, au prétexte que « les avocats c’est au tribunal ! ». Le tout en parfaite ignorance des missions de l’avocat qui consistent en l’assistance en toutes circonstances de leurs clients.

 

La discrimination organisée contre la profession des avocats au Cameroun

A l’exception des Avocats, maillon important de la justice, les autres acteurs de la chaine judiciaire sont protégés contre toute offense dans l’exercice de leur fonction, et cette protection est même consacrée par le législateur du code pénal. C’est ainsi que l’article 154 du code pénal intitulé outrage aux corps et aux fonctionnaires à son alinéa 1 stipule que : « est puni d’un emprisonnement de trois(03) mois à trois (03) ans et d’une amende d’un million (1.000.000) à deux millions (2.000.000) de francs ou l’une de ces deux peines seulement, celui qui outrage sans pouvoir rapporter, en cas de diffamation, la vérité ou du fait diffamatoire :(a) les cours et Tribunaux, les forces armées, les corps constitués et les administrations publiques… ».

C’est à la faveur de cette loi que courant novembre 2020, à cause d’un incident survenu dans la salle d’audience du tribunal de première instance de Douala, des images horribles ont fait le tour du monde, montrant des policiers et des gendarmes qui envahissent une salle d’audience, après avoir pulvérisé du gaz lacrymogène, et qui bastonnent à cœur joie des avocats. A la clé de nombreux blessés, dont quelques cas graves.

 

 

Pour justifier ces agissements dont la barbarie est des plus abjectes, quelques-uns ont évoqué le fait que les avocats auraient été incriminés pour des faits d’outrage à magistrat et d’escroquerie.

Dans le même élan de protection des autres corps, l’article 156 du Code Pénal intitulé : violence à fonctionnaire, dispose à son alinéa 1 que « Est puni d’un emprisonnement d’un (01) mois à trois (03) ans et d’une amende de cinq (5000) à cent mille (100.000) francs, celui qui commet des violences ou voies de fait contre un fonctionnaire ;

(2) la peine est un emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans et une amende de vingt mille (20.000) à cinq cent mille (500.000) francs, si les violences ou voies de fait sont préméditées ou si elles entrainent, même non intentionnellement, des blessures telles que prévues aux articles 277 et 280 du présent code ;

(3) la juridiction peut, dans tous les cas, prononcer les déchéances de l’article 30 du présent code ;

(4) si les violences et voies de faits entrainent non seulement intentionnellement la mort, la peine d’emprisonnement est à vie ;

(5) si les violences et voies de fait sont commises avec l’intention de donner la mort, le coupable est puni de mort. »

Voilà donc tout un arsenal de lois qui protègent la profession des fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction. Alors que la profession d’Avocat, qu’elle soit dans tous les combats pour la défense et la protection des libertés fondamentales, est délaissée à elle-même et rabattu au second plan.

 

 

Vers un plaidoyer pour légiférer une loi qui protège l’exercice de la profession d’avocat au Cameroun

Bien que l’Avocat ait l’immunité dans sa plaidoirie et que son office ne peut faire l’objet de perquisition que sous la diligence d’un Magistrat et du bâtonnier lorsque lui-même est mis en cause (art 106 (1) du CPP), cette protection reste très fébrile. En France par exemple, la protection de l’Avocat est plus accentuée au vu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et 56-1 du Code de procédure pénale :

Il résulte de ces textes que les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d’une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué.

L’absence, dans la décision prise par le Magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l’objet de celle-ci, qui prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le Juge des libertés et de la détention éventuellement saisie, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’avocat concerné. Il s’en suit par là que l’ordonnance du juge d’instruction s’expose à l’annulation (Cass. crim., 8 juill. 2020, no 19-85491).

Qu’on se le dise en toute franchise, la profession d’Avocat, jadis très respectable, est gravement en danger au Cameroun. Et, c’est bien l’ensemble de la société camerounaise qui est en danger. Qu’il me soit permit de rêver de voir enfin les Avocats protégés par la loi. Car, le plus souvent, ils se trouvent dans tous les combats au gré de leur propre vie dans l’espoir de voir juste le sourire sur les lèvres des victimes de l’injustice. Qu’il soit enfin créé une juridiction spéciale ou des audiences de session pour réprimer les Avocats indélicats, qu’un recours immédiat soit effectué pour sanctionner les Officiers de Police Judiciaire, qui pour excès de zèle violente l’Avocat dans l’exercice de ses fonctions et prive le gardé à vue des droits à la défense. Ainsi fait, les droits de l’homme auront un sens au Cameroun.

 

By  Stéphane  Mbanze, Juriste

 

 

 

 

 

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