[ REPORTAGE ]  Comment les Kenyans ressentent des difficultés financières face à la flambée de l’inflation

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[ REPORTAGE ]  Comment les Kenyans ressentent des difficultés financières face à la flambée de l’inflation

►Ces derniers mois ont été bien plus difficiles pour Chiku Michael, un habitant de Nairobi, la capitale du Kenya, alors que l’inflation a atteint son plus haut niveau en cinq ans, poussant le prix de nombreux produits de base hors de portée pour les gens ordinaires.

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Il a confié à Xinhua qu’il subissait une grande pression alors qu’il lutte pour subvenir aux besoins de sa famille.

« L’inflation a fait grimper les prix de presque tous les biens essentiels, rendant la vie insupportable », a déploré cet homme de 42 ans. Le coût de la farine de maïs, l’ingrédient principal de l’ugali, cette purée qui est un aliment de base traditionnel au Kenya, a doublé; les fruits autrefois communs à la maison deviennent un luxe et beaucoup font bouillir leurs aliments parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter de l’huile de cuisine, a-t-il ajouté.

Le sort de M. Michael n’est pas rare chez les Kenyans, car un mélange de facteurs locaux et mondiaux contribue à la hausse de l’inflation.

Hausses des taux d’intérêt

A l’heure actuelle, une vague de hausses des taux d’intérêt par les banques centrales des économies développées – telles que la Réserve fédérale américaine (Fed) – contribue à un ralentissement économique mondial et à un resserrement des conditions financières, entraînant des difficultés pour les marchés émergents et les pays en développement comme le Kenya. Les pays africains sont confrontés à une multitude de risques liés à la force du dollar américain, aux coûts d’emprunt extérieurs élevés, à une inflation obstinément élevée et à la volatilité des marchés des matières premières.

   Les données mensuelles sur l’inflation du Bureau national des statistiques du Kenya (KNBS) montrent que le taux d’inflation global de ce pays d’Afrique de l’Est s’est établi à un niveau record de 9,2% en septembre.

   « La hausse de l’inflation était en grande partie due à une augmentation des prix des produits de base tels que les aliments et les boissons non alcoolisées (15,5%), les transports (10,2%) et le logement, l’eau, l’électricité, le gaz et les autres combustibles (7,3%) entre septembre 2021 et septembre 2022 », a dit le KNBS dans un communiqué.

Simon Chale, un vendeur de céréales à Nairobi, a déclaré à Xinhua que de nombreux ménages choisissaient de manger des céréales au lieu de la viande car les céréales sont un peu plus abordables lorsqu’elles sont achetées en petites quantités.

« Les personnes qui consommaient régulièrement de la viande ne peuvent plus désormais se permettre d’acheter que des céréales, au moins pour avoir un repas par jour », a-t-il témoigné.

La sécheresse qui ravage le Kenya, freinant fortement les récoltes et poussant les prix des céréales et autres denrées de base à des niveaux inhabituellement élevés, a aggravé la situation.

L’Autorité nationale de gestion de la sécheresse du Kenya a signalé que 4,1 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire dans les régions arides et semi-arides du pays. Bien que le Kenya soit entré dans la courte saison des pluies en octobre, la plupart des régions du pays n’ont toujours pas connu de précipitations significatives.

« Si la sécheresse continue de s’aggraver, je crains fort que les prix des denrées alimentaires n’augmentent davantage », selon M. Chale.

Le conflit en cours entre la Russie et l’Ukraine a aggravé la crise des prix alimentaires en Afrique. Selon les chiffres de l’ONU, les pays africains ont importé 44% de leur blé de Russie et d’Ukraine entre 2018 et 2020.

Après l’escalade de la crise ukrainienne, les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ont imposé des sanctions à la Russie et les importations alimentaires en Afrique ont continué d’être entravées, augmentant ainsi l’inflation dans les pays africains tout en provoquant l’insécurité alimentaire.

UNE DEVISE PLUS FAIBLE

Pour le Kenya, une devise plus faible a encore aggravé le problème de l’inflation.

Le shilling kenyan a baissé de 8% en glissement annuel par rapport au dollar américain pour atteindre un creux historique de 121 shillings pour un dollar au début du mois, selon la Banque centrale du Kenya, faisant grimper le coût des importations.

Un shilling plus faible signifie qu’il est coûteux pour les entreprises kenyanes d’importer des marchandises en utilisant le dollar. Les importateurs répercutent donc les coûts supplémentaires sur les consommateurs.

Les importations constituent environ les trois quarts des biens que les ménages kenyans consomment. C’est ainsi qu’un shilling qui se déprécie accroît la pression inflationniste sur les familles, abaissant le niveau de vie.

« Aujourd’hui, les gens paient plus pour beaucoup moins », a estimé Tony Kariuki, un chauffeur de moto-taxi de 28 ans à Nairobi.

« L’inflation a affecté nos entreprises en termes de prix; vous constaterez que les prix (de la plateforme de covoiturage) sont toujours les mêmes malgré la hausse du coût de l’essence », a-t-il dit.

Belinda Akello, une esthéticienne, fait partie de ces personnes durement touchées par la forte inflation.

 

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« En ce moment, beaucoup de gens ont du mal à acheter de la nourriture, ils n’ont donc pas grand-chose pour faire leurs ongles ou acheter des vêtements. En conséquence, mon commerce a été gravement touché », a-t-elle déclaré.

Mais ce sont les frais de scolarité de ses enfants qui lui donnent mal au crâne. « L’an dernier, je pouvais payer les frais de scolarité de mon enfant pour tout le semestre en une seule fois; maintenant, je ne peux payer que par tranches », a confié Mme Akello.

Outre le Kenya, d’autres pays africains sont également aux prises avec une inflation élevée.

Afin d’atténuer les pressions inflationnistes, de nombreuses banques centrales africaines ont relevé les taux d’intérêt et resserré les liquidités, ce qui pourrait ralentir la dynamique de croissance économique.

L’inflation en Afrique devrait encore augmenter pour atteindre 13,5% cette année, selon le rapport 2022 sur les perspectives économiques en Afrique de la Banque africaine de développement.

L’EFFET CATACLYSMIQUE DE LA FED

Ken Gichinga, un économiste kenyan, a déclaré que de nombreux pays africains dépendaient fortement des importations de produits alimentaires et de pétrole brut, et que la hausse des taux d’intérêt de la Fed avait renforcé le dollar, augmentant directement le coût d’importation de ces produits essentiels.

De nombreux investisseurs internationaux se retirent d’Afrique en raison de la hausse des taux d’intérêt de la Fed, assombrissant les perspectives de développement économique du continent, a-t-il ajouté.

« L’impact des hausses continues des taux de la Fed sur l’Afrique pourrait être plus grave que pour le reste du monde », a déclaré à Xinhua Lewis Ndichu, chercheur au groupe de réflexion Africa Policy Institute basé à Nairobi, dans une récente interview.

La Fed a accordé trop peu d’attention à l’impact négatif de sa hausse des taux sur l’économie mondiale lorsqu’elle donne le ton de sa politique monétaire, a-t-il dit, notant que sa décision dans cette conjoncture allait inévitablement s’ajouter aux multiples crises et défis croissants auxquels sont déjà confrontés les pays en développement.

« Les mesures de la Fed pourraient avoir non seulement un effet cataclysmique sur les Etats-Unis, mais aussi sur les pays en développement », a estimé Charles Onunaiju, directeur du Center for China Studies, un groupe de réflexion basé au Nigeria.