Coopération : Comment la France a perdu le Cameroun
► Le déplacement du Président français Emmanuel MACRON au Cameroun, est une sorte de reconquête, de ce qui resterait encore de la main mise de la France sur le Cameroun, dont la longévité de son président l’a éloigné de la France.
Afrique54.net│Cameroun – La guerre contre Boko Haram est le symbole de la fin de la présence dominante française au Cameroun. La France est longtemps restée en retrait avant d’apporter son soutien, notamment en armement et drones au pays qui faisait face aux incursions de la nébuleuse au niveau de ses frontières. Le pays a même été classé de pays à risque, par son allié d’hier.
Les relations diplomatiques entre Paris et Yaoundé ont pris un sérieux coup. L’inamovible président Paul Biya, semble avoir fait l’option de conduire la transition entre 2022-2024 sans intervention étrangère, ce qui préoccupe la France qui a choisi de se rapprocher et se rassurer que ses intérêts seraient préservés.
Ailleurs dans certains États, elle est déjà partie en catimini, à la fin de la guerre froide, quand l’Afrique a été abandonnée à son sort: effondrement de l’Etat, guerres, Sida… L’aide a été amputée, les coopérants ont été retirés. Après avoir été pendant plus de quarante ans le « gendarme de l’Afrique », la France s’est recyclée en « gardien de la paix ». Prête à intervenir, pour protéger ses ressortissants, mieux encore ses intérêts.
« Lorsqu’Emmanuel MACRON est arrivé au pouvoir en 2017, il pensait peut-être qu’il pouvait tirer un trait sur toute cette période post coloniale, et sur la France-Afrique. Durant son premier mandat, on avait l’impression que MACRON n’avait plus aucun intérêt pour le Cameroun. Il avait même tenu des propos plutôt désagréables vis-à-vis du président Paul Biya (au sujet de l’incarcération de l’opposant Maurice Kamto…). Les relations étaient quasiment inexistantes entre Paris et Yaoundé ces cinq dernières années. Il en est à son deuxième mandat. Maintenant, on est totalement dans une nouvelle stratégie politique de la France vis-à-vis de l’Afrique », a confié Antoine Glaser Antoine Glaser, spécialiste des rapports entre la France et les pays d’Afrique francophone, lors d’une récente interview accordée à nos confrères de TV5 Monde.
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Le Cameroun, comme la plupart des pays d’Afrique Centrale à l’instar du Gabon et du Congo Brazzaville, a été totalement négligé. Et pendant plus d’une décennie, le pays s’est fait de nouveaux alliés en diversifiant ses partenariats pour ne plus être la chasse gardée de qui que ce soit. La longévité de son président Paul Biya, présenté comme frein à la démocratie, s’est avéré un atout pour la stabilité et le cheminement vers la totale indépendance de l’un des rares États de la planète, à ne pas connaître la colonisation.
« La France a clairement perdu sa position de partenaire privilégié du Cameroun à plusieurs niveaux. D’abord dans le domaine de la sécurité. Maintenant, ce sont les Israéliens qui s’occupent de la sécurité privée du président. Ils contrôlent notamment le BIR, le bataillon d’intervention rapide. Il y a aussi une large présence des Britanniques qui sont très actifs dans la région puisque le Cameroun est une région anglophone. La France est en train de voir que les chefs d’État africains et en particulier Paul Biya ont le monde entier dans leur salle d’attente », a martelé Antoine Glaser.
Dans le cheminement des relations entre le Cameroun et la France, plusieurs géostratégies pointent du doigt les erreurs, les lâchetés et les ambiguïtés qui ont émaillé la politique africaine de la France, qui lui ont fait perdre le Cameroun et ce » pré carré » quelle rêvait de façonner à son image. En clair, la France a perdu » son » Afrique, celle où, de Dakar à Libreville en passant par Djibouti, N’Djamena, Brazzaville et Antananarivo, elle se plaisait à penser qu’elle était aimée.
©Afrique54.net│ Thierry Eba, depuis Yaoundé