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Sénégal: Un maître coranique condamné pour avoir enchaîné ses élèves

Sénégal: Un maître coranique condamné pour avoir enchaîné ses élèves

Le Tribunal de grande instance de Louga, dans le nord-ouest du Sénégal, a condamné le 2 décembre 2019, à deux ans d’emprisonnement avec sursis Cheikhouna Guèye, maître d’une « daara », école coranique, où des élèves avaient été retrouvés enchaînés.

 

Ils étaient nombreux ce lundi matin aux abords du Tribunal de grande Instance de Louga, dans le nord-ouest du Sénégal. Les membres de la confrérie mouride, scandant des  chants en guise de protestation, suite à l’arrestation et au jugement du maître d’une école coranique.

Au motif, d’avoir enchaîné ses élèves. Un fait qui survient alors que les écoles coraniques au Sénégal font l’objet, depuis une vingtaine d’années, de controverses et débats agitant les cercles politiques, religieux, éducatifs ainsi que les ONG et les agences internationales de développement. Les modes de prise en charge des enfants dans certaines de ces écoles, communément appelées daara , et notamment la question de la mendicité des enfants talibés  à Dakar, ont attiré l’attention des organisations de protection de l’enfance.

Un verdict qui laisse songeur

Le maître coranique Cheikhouna Guèye a été reconnu coupable de mauvais traitements, cependant est ressorti libre de la prison de Louga où il avait été placé sous mandat de dépôt. Au tribunal, la foule de fidèles et de soutiens au maître coranique a exulté à l’annonce du jugement. Un important dispositif policier avait été déployé pour prévenir tout débordement mais aucun incident n’a été enregistré. Trois enfants au total, dans un des daaras du village de Ndiagne, étaient visés par ces mauvaises pratiques. Ils étaient enchaînés pour éviter toute fugue. Des villageois d’un hameau voisin ont donné l’alerte le 24 novembre. Un enfant avait pu s’échapper. Ces jeunes voulaient tout simplement retrouver leurs parents qui, eux, sont condamnés à la même peine d’emprisonnement avec sursis, car ils avaient donné l’autorisation au maître d’enchaîner leurs enfants. Le métallier qui avait fabriqué les chaînes est également condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis, selon nos confrères sénégalais.

Des traitements inhumains et dégradants

Une affaire qui a déclenché de vives réactions diversement appréciées au Sénégal. Avec des positions souvent opposées. Si d’un coté, il y a eu l’indignation des ONG, notamment des organismes de protection des droits humains. A l’instar d’Amnesty International, dont l’un des responsables local a condamné ces pratiques. D’après les données existantes, Human Rights Watch estime que plus de 100 000 talibés vivant en internat dans les daara à travers le Sénégal, sont contraints par leurs maîtres coraniques, ou marabouts, de mendier de l’argent, de la nourriture, du riz ou du sucre. Des milliers de ces enfants vivent dans une misère abjecte, privés d’une nourriture suffisante et de soins médicaux. Un grand nombre d’entre eux font également l’objet d’abus physiques constituant un traitement inhumain et dégradant. Puis l’indignation a laissé la place à toute une vague de soutiens au maître coranique. Enchaîner ses « talibés » est une pratique normale car tous les maîtres coraniques sont passés par là, disent les associations de familles religieuses. La question des daaras reste donc très sensible au Sénégal où traditions et modernités se chevauchent.

Une fonction diversement appréciée

La vague d’accusations visant certains maîtres coraniques et la controverse autour du traitement de leurs talibés dans les écoles des zones urbaines a mitigé cette fonction en pleine  mutation. Régulièrement dénoncés par la presse sénégalaise et relayés au niveau international, les conditions de vie dans les daara et les mauvais traitements infligés aux talibés, notamment la mendicité des enfants pour lesquels les sëriñ daara ont été montrés du doigt, sont devenus à partir des années 1970, une véritable « obsession nationale  ». À la suite de la signature par le Sénégal de la Convention internationale des droits de l’enfant en 1989, la question des talibés et de leur prise en charge est devenue une priorité des programmes d’action internationaux en faveur de l’enfance au Sénégal. Entre 1992 et 2001, en collaboration avec le ministère de la Santé publique et de l’Action sociale, l’Unicef a mis en place un programme de « réhabilitation des droits des talibés », déclenchant les premières formes de lutte contre la mendicité des talibés dans la région de Dakar.

 

Par Thierry Eba | Afrique54.net|Afrique

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