Si l’âge est une unité de temps, la mesure de la vie humaine, il est aussi une fraction de cette durée. L’âge devient un instrument politique et de politique. Ainsi, la question de l’âge des dirigeants du monde se pose très souvent à l’orée des élections. Soit au lendemain de l’investiture des candidats. Soit encore, pour ce qui est des monarchies, quand un héritier est déclaré ou à la succession d’un(e) monarque. Mais aucune réponse soutenue et linéaire n’explique jamais comment l’âge peut impacter positivement ou négativement une décision politique. Au Cameroun, de petits clans tribaux ont fait de l’âge un projet de société. Ailleurs dans le monde, l’âge des décideurs politiques, voire leur longévité au pouvoir ne suscite pas de vives polémiques. Et quand il arrive que cette question soit soulevée, personne n’y met les organes.
Age ‘déchiré’ par des idiots et des savants(?)
Le président Biya apparaît comme un produit de grande valeur. Son âge fait l’objet de débats sur les media mainstream, périphériques, et tribaux. Ils analysent. Dissèquent. Dénigrent. Insultent. Une bande de ramas dans les rues européennes le déchiquette. Les politiques à la dimension de leur intelligence somnolent font de l’âge de Paul Biya leur programme politique. Il apparaît dans leur galaxie comme le plus vieux dirigeant du monde. Pourtant, il est clair que parmi les chefs d’Etat, Premiers ministres, émirs, reines et rois, de la planète, Biya n’est pas un extra-terrestre caractérisé par son vieil âge.
Le combattant indépendantiste Zimbabwéen, Robert Gabriel Mugabe, né le 21 février 1924, était en 2013 âgé de 89 ans. Il était l’aîné de dix mois du leader éthiopien Girma Wolde-Giorgis Lucha, 88 ans, né le 8 décembre 1924. Dans les bonnes grâces des occidentaux, il n’avait pas été lynché par leurs media-mercenaires et leurs tentacules en Afrique. Mugabe, si. La réforme agraire engagée par ce dernier avait donné des arguments aux dictateurs-déstabilisateurs occidentaux pour le mouliner. A la veille de chaque élection, le cantique était le même—le Zimbabwe est loin d’être réputé pour ses élections incontestables. En chœur, les media lunatiques africains reprenaient ce refrain. Dans la foulée, ils lui ont opposé entre autres Morgan Tsvangira, avant de s’offrir en 2017 sa tête par Emmerson Mnangagwa, âgé de 80 ans en 2023. Sur la barre des octogénaires en 2023, se trouvait aussi Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la Guinée équatoriale. Sur les media-terroristes leur âge avancé(?) ne faisait pas l’objet de grandes controverses.
L’Afrique n’est pas la reine des ‘vieillards (?)’ au pouvoir
Le chef d’Etat camerounais en 2013 est loin d’être le plus âgé de ses pairs et têtes couronnées. Shimon Peres, président d’Israël, âgé de 90 ans, né le 2 août 1923, était le plus vieux dirigeant du monde. Il était talonné par Le roi Abdallah d’Arabie Saoudite, 89 ans, né le 1er août 1924. le président de l’Italie, Giorgio Napolitano, 88 ans, né le 29 juin 1925, et l’émir du Koweït, 84 ans, suivaient. L’Uruguayen José Alberto ‘Pepe’ Mujica Cordano né le 20 Mai 1935), était à 78 ans le doyen d’âge des leaders latino-américains.
A l’époque, alors que Biya est à une trentaine années de pouvoir, les sultans de Bruneï et d’Oman régnaient respectivement depuis 45 et 43 ans. Au Kazakhstan, Noursoultan Nazarbayev qui a quitté la présidence en 2019, était en 2013, à 23 ans de règne. Pareil pour Islom Karimov en Ouzbékistan, qui est mort au pouvoir en 2016. Le dirigeant Bélarus, Alexandre Loukachenko était à 20 ans de présidence en 2013. Il s’y trouve encore. Faisant de lui le chef d’Etat actuel le plus ancien d’Europe. Au cours de la même année (2013), Jean-Claude Juncker (Luxembourg) avait passé 18 ans à la tête du gouvernement.
Le Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad, avait été investi le 10 mai 2018 à l’âge de 92 ans (Paul Biya a 92 ans. Les élections se pointent l’horizon dans quelques mois). Il (Mahathir Mohamad) était aîné de quelques mois de la souveraine britannique Elizabeth II. Agée de 92 ans, elle était la doyenne des chefs d’Etat en exercice, puisque Mahathir Mohamad (qui avait déjà dirigé son pays entre 1981 et 2003) n’était que Premier ministre. Constitutionnellement couronnée en 1953, elle totalisait 65 ans de règne en 2018. Suivait le président tunisien Béji Caïd Essebsi, âgé de 91 ans. A leur suite venaient les dirigeants de 80 ans ou plus. Parmi lesquels, l’émir du Koweït Sabah al-Ahmed al-Jabir al-Sabah, 89 ans. Il avait précédemment occupé pendant 40 ans (1963 à 2003) le poste de ministre des Affaires étrangères, puis les fonctions de Premier ministre (2003 à 2006). L’empereur du Japon Akihito, 84 ans, devançait le président du Liban, Michel Aoun, 83 ans.
Dans la gamme des octogénaires au pouvoir en 2023, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, roi d’Arabie Saoudite et Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, avaient chacun 88 ans. Ali Khamenei, le guide suprême de la République islamique d’Iran, 84 ans. Ils sont toujours en poste.
Sur la base de l’ensemble de ces chiffres, l’Afrique n’est pas la reine des ‘vieillards (?)’ au pouvoir. Ni ne détient les records de longévités au pouvoir.
Tant pis pour ceux qui font de l’âgisme
Ceux qui considéraient qu’avoir un octogénaire à la Maison Blanche était un rêve irréalisable, doivent se raviser. En 2023, le président américain Joe Biden avait 80 ans. La réélection non-consécutive de Donald Trump (78 ans) le 6 novembre 2024 fait que, être octogénaire à la présidence américaine n’est plus un-sans-précédent. Au terme de ce nouveau mandat il aura 82 ans. S’il a la confiance des Américains quatre ans plus tard, il bouclera le second à 86 ans. Il battra son propre record. Puisqu’il avait été le plus vieux président américain lorsqu’il a été élu pour la première fois en 2017 à 70 ans, suivi de Ronald Reagan, 69 ans. Dans la tranche de soixante ans et plus, Dwight Eisenhower et Andrew Jackson, respectivement 34e et 7e président américain, étaient âgés de 64 ans et 61 ans quand ils accédaient à la Maison Blanche.
Les discours sur l’âgisme que convoient les media en mission quand il s’agit de l’Afrique n’ont pas prospéré dans le contexte américain. En Afrique et ailleurs, les media se sont auto-rangés dans le camp de l’un ou de l’autre candidat ‘vieillard(?).’ Certains ont sauté le champagne à la victoire de Donald Trump. Les jeunes entrepreneurs des media et les défenseurs de l’‘alternance générationnelle’ en politique ne se sont pas dit qu’il doit être difficile aux jeune générations de croire en l’avenir quand la personne qui les gouverne a moins d’avenir que la majorité des gouvernés. Ils n’ont pas trouvé normal que Donald Trump et Joe Biden auraient dû laisser leur place à des plus jeunes dans cette course à la Maison Blanche. Personne ne s’est demandé s’ils se sont engagés dans l’intérêt de la population, ou s’ils ont été motivés par le désir de vengeance ou pour un trophée politique de plus. Ils n’ont pas perçu dans cette bataille électorale les signes de grandes lacunes au niveau de la représentation de la population en politique.
Les Etats Unis! ce pays n’est pas un pays africain ou européen. Ils imposent et les autres suivent. Pas d’immixtion dans leurs affaires intérieures.
Santé des puissants au pouvoir
Une étude réalisée en 2011 par S. Jay Olshansky, professeur à l’Ecole de santé publique de l’Université de l’Illinois à Chicago, a révélé que ‘les présidents américains—du moins ceux qui n’ont pas été tués assassinés—ont en réalité tendance à vivre plus longtemps que les autres hommes américains qui ont été leurs contemporains.’ Néanmoins, le stress et l’angoisse liés à la fonction présidentielle, les exposent à un vieillissement rapide et à la maladie. Paul Biya n’échappe pas à ce constat. Son absence momentanée de la scène publique donne toujours lieu à des rumeurs exagérées et infondées sur son état de santé ou sa mort. Un tintouin amplifié par les media-propagandes occidentaux, et distillé par leur woofer au Cameroun (politiques, société civile, et media locaux) et en Afrique.
Une situation similaire ou pire est balayée sous le tapis en occident. Les media noient l’information. Leurs médecins la musèlent. Les cas de Joe Biden et François Mitterrand, pour ne pas bêcher dans l’histoire sont instructif. Pratiquement depuis 2022 Biden semblait présenter des signes d’un déclin physique et mental—le 11 juillet 2024 il confond Zelensky au président Vladimir Poutine. Des séquences vidéos le montrent absent et désorienté lors des cérémonies. Au cours du débat télévisé qui l’opposait au candidat républicain Donald Trump le 27 juin 2024 à Atlanta (comptant pour la course à la présidence), il perd le fil de sa pensée. Cherche ses mots. Gribouille. Le regard perdu, il se tait. Malgré ces faits visibles caractéristiques d’un état de santé défaillant, la spéculation est timide voire inaudible. Les rumeurs sur sa sénilité sont étouffées. Son bulletin de santé(?) n’est pas débattu vulgairement dans les rues, ni sur les plateaux de télévision par les ‘messieurs-je-sais-tout’—marque déposée du Cameroun.
En France, les nouvelles sur l’état de santé du président Mitterrand sont enrobées dans un silence de tombe. En janvier 1996, son médecin Claude Gubler publie ‘Le Grand secret.’ Le livre est retiré du marché deux jours après sa sortie à la demande de la famille Mitterrand. Cet ouvrage révélait selon le journaliste Michel Gonot, comment Gubler avait aidé le président français à cacher pendant dix ans le cancer de la prostate avec métastases osseuses qui le rongeait depuis 1981. Il souffre. Il peine. Mais presque personne n’est au courant. Le monde et la France qu’il dirige vivent sous le voile du mensonge et de la cachotterie. Seuls des proches comme Pierre Beregovoy, Jacques Attali, sa maîtresse, Anne Pingeot sont dans le secret. Son épouse Danielle Mitterrand, non. A l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, il est hospitalisé sous le pseudonyme d’Albert Blot. Son dossier médical est falsifié pour faire croire à une simple sciatique.
Son physique de plus en plus dégradé suscite la curiosité du journal américain ‘Times.’ Dans un article publié le 13 août 1990 intitulé ‘France: Mistery Malady,’ il écrit. ‘Depuis des mois, la santé de François Mitterrand est une source d’inquiétude silencieuse chez certains dirigeants mondiaux.’ Contrairement à celle de Paul Biya qui est souvent une ‘source d’inquiétude’ bruyante coordonner par les media-sous-ordres. Se référant à la rencontre Mitterrand-Bush à Florida Keys en avril 1990, ‘Times’ observe que ‘Mitterrand était pâle comme un mort, et depuis lors, sa couleur va du gris au vert.’ Pourtant, la classe politique française n’avait pas exigé la vacance du pouvoir. Acte d’humanisme(?) qui échappe au super-juriste, chef d’un petit parti camerounais. La santé du président Mitterrand s’était dégradé au point qu’il avait ‘manqué environ deux heures de débats’ lors du sommet économique de Juillet 1990 à Houston. Pire, Certains qui font des affaires avec Mitterrand notent que son intellect et sa présence autrefois imposants semblent émoussés. Il se fatigue facilement lors des réunions et semble avoir une capacité d’attention limitée.’ Explique le journal.
Bien que tout concourait à montrer que Biden et Mitterrand seraient malade, il n’était pas question d’ébranler leur confiance dans la confidentialité du système de santé. Sur un autre point, l’ensemble des statistiques sur l’âge et la longévité au pouvoir indique que l’Afrique n’est pas la reine des ‘vieillards (?)’ au pouvoir. Ni ne détient les records de longévité à la tête des Etats.
N’est pas “vieux” qui veut
Le chef de l’Etat camerounais est un résistant que les longues heures de vol ou de travail ne brisent pas. Toujours alerte physiquement par rapport à son âge, Paul Biya ‘s’élève comme le cèdre du Liban, plein de sève verdoyant’ (Psaumes 92: 13-16). Son intellect perpétuellement tranchant ‘porte encore des fruits dans sa vieillesse’ (Psaumes 92: 15). Pour ceux qui moquent son âge, Amadou Hampâté Bâ, leur enseigne qu’‘En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle.’ Par ces mots il rendait hommage aux anciens. Sachant que le facteur âge dans le système sociétal africain hiérarchisé et ritualisé, est structuré autour du respect des anciens qui sont des bibliothèques. Les dépositaires de la tradition. Les axes de vie. Vieillir, octroie aux anciens, détenteurs de sagesse, guides et conseillers, vecteurs de la perpétuation de valeurs, de la tradition et des rites, un statut particulier dans la communauté.
Ils sont les compagnons privilégiés des rois et occupent une place incontournable dans la marche des affaires de la collectivité. A ce propos, un proverbe Peulh dit. ‘Le vieillard n’est pas camarade d’âge du créateur, mais ils ont fait un bout de chemin ensemble.’ L’âge avancé est donc une grâce. La prière de baptême pour un nouveau-né chez les Séré l’atteste. Elle dit. ‘Qu’il [le nouveau-né] soit vieux au point que sa tête soit toute fleurie, au point qu’il ne puisse plus marcher.’ Invoquant la longévité sur le nouveau-né, ils déclarent. ‘Plus de jours que les plus âgés du village.’
Mais les ravis de la crèche, cette minorité tribale du grand peuple Bamiléké, traditionnellement respectueux des anciens, des patriarches, et des ancêtres, qui ne respecte pas Paul Biya en tant que ancien et patriarche pourraient s’attirer la foudre des ancêtres. Car, ‘celui qui ne les [anciens, patriarches]met pas au-devant aura des esprits en face de soi et va au-devant des ennuis.’ Dit une sagesse africaine qui enseignement que, ‘n’est pas “vieux” qui veut .’ A ces irrespectueux, la Bible est clair. ‘La crainte de l’Eternel augmente les jours, mais les années des méchants sont abrégées’ (Proverbes 10: 27)
Par Feumba Samen