Lékié: unité réelle ou factice?
Le département de la Lékié a été créé le 25 juin 1964 avec pour Chef-lieu Monatélé.
À l’origine, il est constitué des arrondissements de Monatélé, Okola, Obala, Sa’a et Evodoula. En 1992, deux nouveaux arrondissements sont créés : Ebebda et Elig-Mfomo. En 2010, Lobo et Batchenga sont aussi érigés en arrondissements. Ce qui fait qu’à ce jour, la Lékié compte 09 arrondissements. Ce département s’étend sur une superficie de 3110 km carrés avec une population de 286 050, en 2005. Et celle-ci est estimée aujourd’hui à près de 500 000 habitants. Elle a la 3e plus petite superficie de la Région du Centre après le Mfoundi et la Mefou-Afamba. C’est le département à la sociologie homogène le plus peuplé des Régions du Centre, du Sud et de l’Est. Et près de 15% des habitants de Yaoundé, la capitale du Cameroun, sont originaires de la Lékié.
Politique et administration au singulier
La Lékié a reçu, par deux fois, la visite du Président Paul Biya. En effet, le Chef de l’État a été en visite à Monatélé en 1992 et en 2004 et celle du Président Ahidjo, à l’aube de l’indépendance. Ces visites donnent à voir et à penser que le département de la Lékié est l’un des poids lourds de la vie politique au niveau régional, voire national. Ce ne qui n’est d’ailleurs pas une vue de l’esprit dans la mesure où cette circonscription administrative représente près de 10% de la population de la Région du Centre et a cinq sièges de députés derrière le Mfoundi qui en compte 07.
C’est le seul département du Centre qui a deux circonscriptions électorales aux élections législatives. Cela est dû au fait que la Lékié a 09 arrondissements et ne compte que cinq sièges de députés à l’Assemblée Nationale. Pour une meilleure répartition et une rotation aisée des postes de député par arrondissement, le Président de la République, Son Excellence Paul Biya, a, par le décret N°2013/223 du 03 juillet 2013, procédé au découpage spécial de certaines circonscriptions électorales et à la répartition des sièges de députés au sein de celle-ci. Ce qui a permis l’émergence des circonscriptions électorales de Lékié-Ouest ayant pour ressort territorial : Monatélé, Okola, Evodoula et Lobo, d’une part. Et d’autre part, celle de la Lékié-Est ayant pour ressort territorial Obala, Sa’a, Ebebda, Elig-Mfomo et Batchenga.
La circonscription électorale de la Lékié-Ouest a deux sièges de députés et la Lékié-Ouest en a trois. Eu égard à ce qui précède, il est constant que la répartition de la Lékié en deux circonscriptions électorales ne participe à répondre à une tension sociologique de division du département. Mais, elle vise une répartition et une rotation aisées des sièges de députés dans cette circonscription administrative qui compte 09 arrondissements et 05 sièges à l’Assemblée Nationale. C’est cette répartition qui a, par exemple, permis à ce qui a permis à l’arrondissement d’Evodoula d’avoir, entre 2013 à 2020 Evodoula, le poste de député titulaire alors Monatélé avait le suppléant. Depuis 2020, le chef-lieu de la Lékié a le poste de député titulaire et Evodoula a le poste de suppléant. Cela peut aussi être apprécié dans d’autres arrondissements de la Lékié.
Cependant, cela n’est pas une singularité de notre département. Ceux du Moungo, de la Mezam, du Diamaré, du Wouri, du Fako, de la Momo, entre autres, connaissent aussi cette répartition en plusieurs circonscriptions électorales.
Politiquement, le département de la Lékié est contrôlé par le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). En effet, les neuf maires des neuf communes du département sont issus de cette famille politique autant que les 05 députés. Bien plus, le Parti a des structures dans tous les arrondissements, quartiers et villages de la Lékié. Et pour une meilleure coordination des organes de base, le RDPC a institué, au niveau départemental, les délégations permanentes départementales. La prérogative de nomination de leurs Chefs est de la compétence du Président National du Parti, selon l’article 28 des statuts du RDPC.
Alors, le 16 mai 2016, le Président Paul Biya, en sa qualité de Président National du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, avait nommé les 59 Chefs de délégations départementales. Dans la Lékié, Henri EYEBE AYISSI bénéficiait de sa confiance. Tout comme Paul ATANGA NJI dans la Mezam, Lejeune MBELLA MBELLA dans le Moungo, etc.
Tout ce qui précède démontre de manière fort pertinente que la Lékié reste et demeure une circonscription unie autant politiquement qu’administrativement. D’ailleurs, l’article 2 du décret N°2013/223 du 03 juillet 2013 indique, explicitement, que : » les commissions départementales de supervision exercent leurs attributions à l’échelle de chaque département ». Ce qui conforte le caractère unitaire des départements malgré l’éclatement en plusieurs circonscriptions électorales.
Données anthropologiques
Sur le plan sociologique, la Lékié est majoritairement peuplée des Eton. Ils représentent 80% de sa population. Aux côtés desquels on a les Manguissa et les Batchenga. Le vivre-ensemble entre ces différents groupes est sans heurts. Ce, depuis plus d’un siècle.
Il faut, par ailleurs, relever que la distribution spatiale des différents groupes sociologiques n’épouse pas les contours d’une géographie administrative stricto sensu. En effet , des groupes sociologiques peuvent se retrouver dans plus d’un arrondissement. Ainsi, on peut convoquer l’exemple des Mvog namnye qu’on trouve dans les arrondissements de Monatélé, d’Okola, d’Evodoula, de Sa’a; celui des Meyimbassa qu’on retrouve à Monatélé, à Sa’a et à Ebebda ; ou encore celui des Mvog Kani qui sont installés à Obala, à Elig-Mfomo et à Monatélé. L’une des particularités dans la vie et le fonctionnement de ces groupes est que le mariage endogamique est interdit à leurs membres malgré leur dispersion géographique.
Pour conclure, il est constant que malgré les catégories de Lékié-Ouest et de Lékié-Est qui relèvent d’une meilleure distribution des postes de députés, le département de la Lékié reste d’une unité implacable. L’organisation sociologique, administrative et politique conforte cette réalité. Les élites politiques devraient travailler en synergie de sorte à consolider cette évidence autant en interne qu’au niveau national. Le respect et la considération de notre département en dépendent.
Par Sa Majesté Julien NGA EBEDE, Conseiller municipal/Monatélé