Rentrée Scolaire 2024 au Cameroun : Suspension des Frais d’APEE, leurre ou lueur ?
Les débats inondent les plateformes numériques en cette veille de rentrée scolaire 2024 sur la suspension ou supposée des frais d’APEE.
Afrique54.net | La polémique continue d’enfler au sujet de la suppression des frais prélevés par les Associations des Parents d’Elèves et Enseignants dans les établissements publics. L’état conjoncturel des parents et la gestion ténébreuse de ces fonds dans certains établissements, amènent certains à demander une suspension radicale desdits frais.
Depuis la sortie du Délégué Régional des Enseignements Secondaires de l’Ouest par correspondance le 09 juillet 2024, qui était adressée aux responsables des établissements publiques et sous instructions du Ministre des Enseignements Secondaires Pauline Nalova Lyonga Egbe, on pouvait lire que le paiement des frais exigibles, d’examens et d’APEE était suspendu provisoirement. Lesdits frais qui sont source de discorde à chaque rentrée scolaire, sont souvent fixés selon les nécessités de chaque établissement et varient entre 12 500 et 30 000 FCFA par élève dans les lycées et collèges du Cameroun. Cette situation irrite plusieurs parents d’élèves en raison de la conjoncture ambiante dans le pays et de la gestion obscure de ces fonds.
Pour beaucoup, la gestion des frais d’APEE fait office de pain béni pour les Chefs d’établissements et les membres des bureaux d’APEE. Tantôt, des langues clament que les établissements des zones urbaines n’ont pas les mêmes réalités que ceux des zones rurales. Par conséquent, ils exigent alors une baisse drastique desdits frais. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une députée de la Nation avait exhorté la Ministre des Enseignements Secondaires en Juillet 2022, d’harmoniser le montant des frais d’APEE sur le triangle national.
Répondant à cette préoccupation, l’ex-Vice Chancellor de l’Université de Buea avait déclaré que chaque établissement a ses réalités et ses besoins spécifiques. Une telle harmonisation ne pourra pas faire l’unanimité. Il faut rappeler que l’instauration des frais d’APEE dans les établissements scolaires publics reste depuis l’aube des temps au Cameroun, l’arbre qui cache la forêt depuis que l’Etat a délaissé ses fonctions régaliennes en matière d’éducation aux seules mains des parents d’élèves, pour reprendre un parent courroucé en cette veille de rentrées scolaires.
Eradication des frais d’APEE, réalité ou fiction
D’après les recoupements et des réalités de terrain relayées par des parties prenantes de la communauté éducative, plusieurs paramètres mériteraient d’être pris en compte pour espérer une éventuelle suspension définitive des frais d’APEE dans les établissements publics.
Pour s’en rendre compte, il faut se référer aux déclarations de Jean Ernest Massena Ngallé Bibehe alors Ministre des Enseignements Secondaires en 2017, qui faisait état de ce que le Cameroun accusait cette année-là, tenant compte de toutes les disciplines scientifiques et techniques, un déficit près de 50.000 enseignants pour résorber la demande en pédagogues. Ce qui justifierait le trop plein d’enseignants vacataires recrutés dans les lycées et collèges du Cameroun, par les Associations des Parents d’Elèves et Enseignants.
Depuis lors, la situation va de mal en pire au regard des revendications OTS récemment vécues au pays de Paul Biya. A la suite des réclamations, des milliers d’enseignants camerounais ont pris la route de l’étranger, abandonnant des matricules dans leur pays. On dénombre près de trois milles cas recensés. Ce qui signifie que le déficit d’enseignants est allé crescendo.
Autre problème ayant occasionné l’implémentation de l’APEE, c’est le manque de salles de classes, de laboratoires d’expérimentation, de tables bancs, d’électricité, d’eaux…etc. Nonobstant les dires de certains, force est de constater que les écoles naissent au Cameroun par décret présidentiel sans le moindre mûr et sans véritable plan. Ceci relève aussi, des manœuvres d’une pseudo élite. Et ce n’est que grâce aux frais APEE, que les premiers bâtiments voient parfois le jour ainsi que les premiers équipements.
Paiement des vacataires, ce qu’on ne dit pas
La plupart des établissements en zone rurale fonctionnent avec plus de 75% de d’enseignants vacataires. Pour l’homme de la rue, l’Etat alloue chaque année un budget de ‘’fonctionnement’’ à tous les établissements publics. Un chef d’établissement abordé par notre journal, se pose une série de questions : « De combien est-ce, ce budget » ? « A quelle fréquence arrive-t-il » ? « Arrive-t-il toujours » ? « Quand bien-même il est arrivé, quels ont été les besoins de l’école par rapport à celui-ci »?
Une suite d’interrogations qui laisse une analyse profonde. Les budgets de fonctionnement évoqués seraient une réalité bien souvent fictifs et ne répondraient certainement jamais aux besoins existentiels des établissements scolaires. In fine, l’on révèle dans l’anonymat que les vacataires sont entièrement payés par les frais d’APEE.
Les Mairies restent presque incompétentes
De l’autre côté, les exécutifs communaux se réservent le droit d’explication. Selon les textes et les politiques liées à la valorisation de la fonction publique locale, les vacataires devraient être pris en charge par les Mairies. Mais seulement, avec quel budget ?
Il faut dire ici, que même pour payer les salaires des agents communaux, les Mairies attendent parfois jusqu’à six mois le retour des CAC (Centimes Additionnels Communaux) en raison des lenteurs administratives et à la centralisation exacerbée des ressources.
Au regard de ces informations collectées sur le terrain, force est de constater que l’éradication du prélèvement des frais d’APEE reste une utopie.
© Afrique54.net | Joseph Ayangma