La Corée et l’Afrique réclament des financements et des technologies supplémentaires pour l’accès universel à l’énergie et pour faire de l’Afrique le grenier à blé du monde
► Le Fonds fiduciaire coréen et le Cadre d’investissement Corée-Afrique pour l’énergie, doté de 600 millions de dollars, aideront les pays africains à renforcer leurs capacités humaines et à développer leurs secteurs énergétiques.
[ L’Institutionnel ] – La 7e Conférence ministérielle de la Coopération économique Corée-Afrique (KOAFEC) s’est ouverte mercredi à Busan, la deuxième plus grande ville de Corée, avec un appel fort en faveur de ressources supplémentaires pour soutenir les pays africains dans leurs efforts pour atteindre l’accès universel à l’énergie. Ces ressources aideront également l’Afrique à devenir le grenier à blé du monde.
La conférence se tient à un moment où l’Afrique est confrontée à une multitude de défis. Près de 600 millions de personnes sur le continent n’ont pas accès à l’électricité. En outre, malgré une croissance rapide sur le continent, la faim est toujours omniprésente dans certains pays, touchant quelque 283 millions de personnes. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a exacerbé cette situation. Il en va de même des effets persistants de la pandémie du Covid-19 et du changement climatique.
La Corée et les nations africaines, sous l’égide de la KOAFEC, sont donc convenues d’approfondir leur coopération en mettant davantage l’accent sur les investissements mutuellement bénéfiques.
Le Groupe de la Banque africaine de développement et le ministère de l’Économie et des finances de la République de Corée organisent conjointement cette conférence de trois jours sur le thème « Embrasser un avenir durable : transition énergétique juste et transformation agricole en Afrique ». Ce thème englobe ces deux priorités de développement essentielles pour l’Afrique.
Le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie et des finances de la Corée, Kyungho Choo, a souligné le rôle crucial que la Corée et l’Afrique doivent jouer. Il a ainsi évoqué l’avantage de la Corée dans le domaine de l’industrie de pointe et des technologies innovantes. Il a également souligné les nombreuses opportunités qu’offre l’Afrique en tant que futur marché et base industrielle du monde, avec une population jeune et dynamique.
« Ensemble, nos deux mondes peuvent devenir le roc le plus solide de la solidarité », s’est-il enthousiasmé, soulignant la nécessité pour l’Afrique et la Corée de renforcer leur coopération.
Dans son allocution d’ouverture, le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, a exhorté les participants à saisir l’occasion offerte par la conférence pour galvaniser le soutien en faveur de plusieurs objectifs : réaliser l’accès universel à l’énergie en Afrique, faire progresser une transition énergétique juste et transformer le continent africain en grenier à blé du monde.
« Pour ce faire, des ressources supplémentaires seront nécessaires », a insisté Adesina. Il a déclaré que la réaffectation prévue des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international à la Banque africaine de développement était la clé pour attirer des ressources supplémentaires afin de développer l’Afrique.
Le président de la Banque africaine de développement a exhorté la Corée à se joindre aux autres pays qui ont exprimé un vif intérêt pour la réaffectation des DTS au groupe de la Banque africaine de développement.
« Cela changera la donne pour le développement de l’Afrique », a assuré Adesina.
M. Choo a résumé les domaines prioritaires de l’aide coréenne à l’Afrique par l’acronyme « ABC » : agriculture, biosanté, changement climatique et transition énergétique. Il a ajouté que la Corée prévoyait également d’augmenter de manière significative son aide publique au développement.
Il a ajouté : « En coopération avec la Banque africaine de développement, la Corée a soutenu des projets énergétiques pour le développement durable de l’Afrique. Nous nous efforçons également de soutenir la croissance de l’Afrique, comme le soulignent les priorités de développement — les High 5 — de la Banque africaine de développement. En tant que véritable partenaire, la Corée continuera à soutenir le développement de l’Afrique. »
M. Adesina a décrit la conférence de la KOAFEC comme une bonne occasion de discuter des progrès des relations entre la Corée et l’Afrique, des défis et des opportunités de développement en Afrique, et une chance pour toutes les parties de continuer à travailler ensemble pour accélérer la croissance et le développement de l’Afrique.
« L’Afrique doit représenter une solution pour nourrir le monde, car elle possède 65 % des terres arables non cultivées de la planète, a-t-il plaidé. Ce que l’Afrique fera en matière d’agriculture sera donc déterminant pour l’avenir de l’Afrique. »
Adesina a félicité le gouvernement coréen pour son initiative « K-Rice Belt », qui aidera huit pays africains à produire 30 millions de tonnes de riz.
Le président de la banque a indiqué que cette initiative s’inscrit dans le cadre de la stratégie « Nourrir l’Afrique » de la Banque africaine de développement et des résultats du Sommet de l’alimentation de Dakar 2, qui s’est tenu au début de cette année. La Banque souhaite que l’Afrique parvienne à l’autosuffisance alimentaire d’ici cinq ans.
Le projet de ceinture de riz K-Rice présente également des parallèles avec le programme phare de la Banque africaine de développement intitulé Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine (TAAT, de son acronyme anglais). La composante riz de l’initiative TAAT fait l’objet d’une collaboration avec l’Initiative de coopération alimentaire et agricole Corée-Afrique (KAFACI) par l’intermédiaire d’AfricaRice. Le TAAT soutient le réseau de 13 pays africains de la KAFACI par le biais d’ateliers, d’une planification commune et d’une interaction régulière.
La Banque africaine de développement a lancé un programme rizicole de 650 millions de dollars pour aider 15 pays africains à produire 53 millions de tonnes de riz d’ici 2025.
« C’est une excellente occasion pour la Corée de travailler avec la Banque africaine de développement sur une initiative panafricaine de production de riz », a estimé le président de la Banque.
La Banque africaine de développement prépare une opération régionale pour financer le programme REWARD (Regional Rice Resilient Value Chains Development ou « Développement de chaînes de valeur régionales résistantes au riz ») en Afrique de l’Ouest. À travers ce programme, la Banque fournira 650 millions de dollars aux 15 pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
REWARD vise à doubler les cultures et les rendements sur 750 000 hectares de terres irriguées. Un million de riziculteurs en bénéficieront, dont 30 % de femmes. L’initiative portera la production totale de riz à 10,5 millions de tonnes par an, soit 53 millions de tonnes à la fin du programme quinquennal, en 2028.
La Banque africaine de développement travaillera en étroite collaboration avec K-Rice Belt sur ce programme.
La Corée a toujours soutenu le Groupe de la Banque africaine de développement. Le pays a activement participé à l’augmentation générale du capital de la Banque en 2019.
La Corée s’est également engagée à verser 105 millions de dollars pour la 16e reconstitution des ressources du Fonds africain de développement, le montant le plus élevé jamais promis au Fonds.
Le Fonds fiduciaire coréen et le Cadre d’investissement Corée-Afrique pour l’énergie, doté de 600 millions de dollars, aideront les pays africains à renforcer leurs capacités humaines et à développer leurs secteurs énergétiques.
Adesina a fait remarquer que pour que les pays africains atteignent collectivement les objectifs de développement durable du continent d’ici 2030, un investissement de 2 300 milliards de dollars était nécessaire. Il a souligné que l’accès limité à l’électricité constituait un obstacle important et que près de 600 millions de personnes n’avaient toujours pas accès à ce service de base.
Il a indiqué que de nombreux progrès ont été réalisés depuis que la Banque africaine de développement a lancé en 2016 son « New Deal pour l’énergie » en Afrique. Il a toutefois alerté que si le pourcentage de personnes ayant accès à l’électricité est passé de 35 % à 56 %, il restait encore beaucoup à faire.
Adesina a fait le point ainsi : « Pour parvenir à un accès universel à l’électricité, nous devons connecter 90 millions de personnes par an d’ici à 2030. Nous devons également toucher 130 millions de personnes par an pour parvenir à un accès universel à une énergie de cuisson propre. »
Il a indiqué que l’Afrique disposait d’un énorme potentiel en matière d’énergies renouvelables, notamment 11 térawatts d’énergie solaire — ce qui représente le potentiel le plus élevé au monde —, dont seulement 1 % est exploité. Adesina a dans ce contexte informé les participants que la Banque africaine de développement investissait massivement dans les énergies renouvelables, dont la part dans son portefeuille de production d’électricité s’élève aujourd’hui à 87 %.
Le président de la Banque a toutefois prévenu qu’il serait impossible de fournir un accès universel à l’électricité en Afrique en s’appuyant uniquement sur les énergies renouvelables, en raison de leur forte intermittence et de leur variabilité, dont la fiabilité affecte négativement les perspectives d’utilisation industrielle.
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« Alors que nous réfléchissons à une transition énergétique juste, l’Afrique ne doit pas se voir refuser la possibilité d’utiliser son gaz naturel, qu’elle possède désormais en abondance grâce à de nouvelles découvertes. Cela n’aggravera pas la crise climatique. Au contraire, cela permettra de réduire les émissions en Afrique », a plaidé M. Adesina.
Il a expliqué que la Banque africaine de développement participait aux partenariats pour une transition énergétique juste en Afrique du Sud et au Sénégal (2,5 milliards de dollars) avec l’Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France.
Il a indiqué que la Banque soutiendrait les partenariats sud-africains pour l’énergie juste grâce à un mécanisme de garantie d’un milliard de dollars mis en place par le Royaume-Uni, ajoutant que l’institution soutenait également les efforts visant à développer des projets plus bancables grâce à son mécanisme de préparation des projets d’infrastructure du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et à Africa50.
Le président de la Banque africaine de développement a conclu en exhortant ainsi les participants : « L’avenir de l’Afrique est prometteur. Et il le sera encore plus grâce à un partenariat solide avec la Corée du Sud. Accélérons ensemble la croissance et le développement de l’Afrique. Réussissons ensemble ! »
Le directeur général du bureau de coopération technologique de l’administration coréenne du développement rural, Hwang-yong Kim, a indiqué qu’il y avait toutes les raisons de croire que les pays africains pourraient imiter la trajectoire de développement réussie de la Corée. Il a expliqué que dans les années 1960, après la guerre de Corée, le pays était l’une des nations les plus pauvres du monde — la Corée avait alors même reçu de l’aide de certains pays africains, comme l’a mentionné plus tôt M. Adesina. M. Kim a fait remarquer que grâce à son agriculture transformatrice, la Corée est devenue l’une des plus grandes économies du monde.
La 7e conférence ministérielle de la KOAFEC réunit de nombreux acteurs importants du développement de l’Afrique. Il s’agit notamment de 33 ministres africains des finances et d’administrateurs de la Banque africaine de développement représentant les pays membres africains, d’ambassadeurs africains, de dirigeants d’institutions panafricaines et de diverses organisations non gouvernementales, ainsi que de PDG africains et de dirigeants du secteur privé coréen.