Secteur bancaire en Afrique : Révélations sur l’expropriation programmée d’Afriland First Bank en RDC
► Depuis le 1er juillet 2021, les actionnaires et les administrateurs n’ont plus aucun contrôle sur Afriland First Bank Congo Démocratique SA. Cet état de chose est considéré par des responsables de la banque comme une « démarche d’expropriation planifiée ».
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Afrique54.net – La situation de la banque congolaise Afriland First Bank CD, filiale d’Afriland First Group, a commencé à faire jaser au sommet à l’occasion de la 56ème Session du conseil des ministres. Le ministre des Finances congolais, par ailleurs Président du Comité de Stabilité Financière, a présenté un rapport sur l’état de cette institution au centre de la tourmente depuis juillet 2021.
La résolution prise a souligné « l’impérieuse nécessité d’une résolution ordonnée des difficultés actuelles notées auprès d’Afriland First Bank Congo Démocratique SA, dans la stricte application et exclusive de la Loi bancaire, par la Banque Centrale du Congo »
A cet effet, la Banque Centrale du Congo « a été encouragée à prendre toutes les dispositions idoines pour protéger la stabilité du système bancaire et l’épargne du public, dans les plus brefs délais conformément à la loi organique portant son organisation et son fonctionnement. »
Dans un communiqué de presse rendu public le 3 juin 2022 et signé conjointement par le Vice-Président Exécutif d’Afriland First Group SA et le Président du Conseil d’Administration d’Afriland First Bank SA, la communauté de actionnaires majoritaires (95,6%) a tout de suite réagi, espérant que « la stricte application et exclusive de la Loi bancaire libèrera la Banque Centrale du Congo, l’Etat du Congo Démocratique et Afriland First Bank Congo Démocratique SA, qui sont aujourd’hui les otages d’une guérilla administrative et politico-judiciaire. »
Et de rappeler que « Depuis le 1er juillet 2021, les actionnaires et les administrateurs n’ont plus aucun contrôle sur la banque, entièrement aux mains de l’ex- DGA […] assisté de la Mission Rapprochée de la Banque Centrale du Congo »
Une expropriation planifiée
Visiblement, la Banque centrale a compris à sa façon, bien originale, l’impérieuse nécessité de résoudre la crise. 17 jours après la tenue du conseil des ministres, précisément le 20 juin 2022, l’institut d’émission monétaire a mis Afriland First Bank CD sous administration provisoire.
L’information est contenue dans un communiqué parvenu à notre rédaction : « La Banque Centrale du Congo informe le public que, conformément aux dispositions des articles 41 à 48 de la loi N° 003/2002 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, Afriland First Bank CD S.A est mise sous gestion d’un comité d’Administration provisoire ».
L’institut d’émission monétaire annonce la nomination de 07 personnes au sein du désormais comité d’administration provisoire dont 01 président et 06 membres. Leur mission sera « d’assurer la gestion courante de la banque, servir d’interface avec toutes les parties prenantes à la résolution de la situation de crise qui prévaut dans la banque et préparer dans un délai de 180 jours, le plan de redressement de Afriland First Bank CD ».
Après avoir pris connaissance du communiqué de la Banque centrale, nous avons contacté une source à la direction de la communication et des relations publiques d’Afriland First Group qui a appuyé les termes du communiqué publié le 3 juin : « Tous les ingrédients d’une expropriation sont réunis : le démantèlement des organes sociaux, l’instauration d’une mission de surveillance rapprochée de la banque centrale, la non application des décisions judiciaires, le refus d’un audit contradictoire pour déterminer les besoins réels de la banque et établir les responsabilités… Ce qu’on voit aujourd’hui n’est qu’une étape d’un processus d’expropriation savamment programmé et orchestré depuis un an. »
Selon les informations disponibles sur internet et abondamment relayées par des journaux congolais et internationaux, Afriland First Bank CD n’a pas d’organes sociaux depuis juillet 2021 : pas de directeur général, ni de conseil d’administration. La Banque centrale a retiré l’agrément de tous les membres du conseil d’administration.
Dans ces conditions, la banque devrait être gérée par les administrateurs ad hoc Ide Bopilo et Lionel Foko désignés au terme de trois décisions judiciaires rendues par le tribunal du commerce de Kinshasa entre avril et mai 2022. Il n’en est rien, sur le terrain, la banque est gérée illégalement par Patrick Kafindo, l’ex-directeur général adjoint pourtant révoqué par les administrateurs depuis janvier 2021.
Dans ces conditions, l’administration provisoire sanctionne clairement la gestion de Patrick Kafindo et de la mission de surveillance rapprochée de la Banque centrale du Congo, puisque tels sont ceux qui depuis bientôt un an sont aux commandes de la banque.
© Afrique54.net | Eric Ngono, Yaoundé