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Face au retour de Trump, une Europe entre la peur et le réveil

►► Alors que Donald Trump prêtait une nouvelle fois serment en tant que président des Etats-Unis, l’Europe sombrait dans une anxiété collective. Cette inquiétude ne découle pas seulement des impacts potentiels du nouveau gouvernement américain sur les relations transatlantiques, mais reflète également une crise existentielle liée au manque d’autonomie stratégique du Vieux Continent.

PARIS- Alors que Donald Trump prêtait une nouvelle fois serment en tant que président des Etats-Unis, l’Europe sombrait dans une anxiété collective. Cette inquiétude ne découle pas seulement des impacts potentiels du nouveau gouvernement américain sur les relations transatlantiques, mais reflète également une crise existentielle liée au manque d’autonomie stratégique du Vieux Continent.

 

 

 

« Les Etats-Unis : peut-on encore compter sur eux ? » Tel était le thème du dernier forum géopolitique de la Fondation Prospective et Innovation (FPI), organisé en France en août dernier, peu après l’annonce officielle de la candidature de Donald Trump pour le Parti républicain. A cette occasion, Jean-François Copé, ancien ministre français, a évoqué la « géopolitique de l’émotion » qu’il a trouvée pertinente. Selon cette théorie, trois émotions humaines façonnent le monde d’aujourd’hui : l’espérance, incarnée notamment par l’Asie ; l’humiliation, ressentie dans certains pays en développement à cause des oppressions occidentales ; et enfin la peur, qui ne cesse de hanter les Européens.

De quoi l’Europe a-t-elle peur ?

Joe Biden, ancien président américain, avait raconté un épisode lors du sommet du G7 tenu en Cornouailles, au Royaume-Uni, en juin 2021. C’était la première rencontre de M. Biden avec les alliés occidentaux après la première présidence de M. Trump. « L’Amérique est de retour », avait-il proclamé. « Mais pour combien de temps ? » aurait répondu le président français Emmanuel Macron, d’après les dires de M. Biden.

Depuis longtemps, l’Europe craint le déclin de sa civilisation, et le retour de M. Trump à la Maison Blanche lui rappelle de cette inquiétude profonde. « Notre Europe, aujourd’hui, est mortelle. (…) Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix », a affirmé en avril dernier le président français dans son discours dit à la Sorbonne II pour une Europe unie, forte et souveraine. Après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle américaine, Sophie Pedder, responsable du bureau parisien de The Economist, écrivait sur les réseaux sociaux : « La France avait raison. »

La peur de l’Europe est sans doute légitime. Sur le plan de la sécurité, après trois ans de soutien intensif à Kiev, l’Europe redoute à la fois un désengagement américain et un accord direct entre les Etats-Unis et la Russie, contournant l’Ukraine et l’Union européenne. Donald Tusk, Premier ministre polonais, soulignait à la veille de la présidentielle américaine que « l’ère où la géopolitique (de l’Europe) était externalisée et révolue ». Cette réaction provenant d’un pays vu traditionnellement comme atlantiste marquait une mutation profonde de la confiance entre l’Europe et les Etats-Unis, selon Alexandra de Hoop Scheffer, politologue et actuellement cheffe du groupe de réflexion allemand German Marshall Fund of the United States (GMFUS).

Sur le plan économique, les menaces protectionnistes de M. Trump ne passent pas inaperçues. Lors de la réunion annuelle 2025 du Forum économique mondial, le président américain a dénoncé ce qu’il considérait comme une relation commerciale « injuste » entre les Etats-Unis et ses alliés européens, et a promis de « faire quelque chose là-dessus ». Ian Lesser, chercheur chez GMFUS, estimait que les menaces tarifaires de M. Trump étaient bien réelles, mais que l’Europe était loin d’être prête à les affronter. En effet, « personne ne l’est, car cette approche très différente du commerce mondial bouleverse de nombreux fondements de l’économie internationale, qui a évolué au fil des décennies », selon l’expert.

Sur le plan géopolitique, l’Europe reste sur ses gardes face aux ingérences américaines. Elon Musk, très proche de M. Trump, a utilisé son réseau social X pour commenter les affaires politiques de plusieurs pays européens, apportant notamment son soutien au parti d’extrême droite allemand Alternative pour l’Allemagne (AfD). De plus, l’intention déclarée de M. Trump de s’approprier le Groenland illustre, selon certains analystes européens, une menace de type « impérialiste ».

Dominique de Villepin, ancien Premier ministre français, prévenait que l’Europe risquait de « s’effacer de l’histoire » si elle continuait à accepter les « deals » imposés par les Etats-Unis de M. Trump. « L’Europe n’a pas vocation à être, après le Canada, le 52e Etat américain », a affirmé dans une interview télévisée de M. de Villepin, orateur du discours contre l’invasion américaine en Irak, prononcé il y a plus de 20 ans à l’ONU alors qu’il était chef de la diplomatie française.

Face au « retour de la loi du plus fort », « pour être entendu, pour que ses valeurs et intérêts soient défendus, il faut être fort », a indiqué le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur la nouvelle présidence américaine, dénonçant une logique simplement « défensive » de la part de l’Europe.

Or, pour surmonter la peur, il ne suffira pas pour les Européens d’être forts, s’il n’y a pas un véritable réveil, le seul moyen de sortir du cauchemar transatlantique.

Un réveil, qui ne doit pas être un simple élément de langage politique, mais une transformation d’état d’esprit inévitablement douloureuse. Si l’Europe possède les ressources nécessaires pour s’affirmer, elle doit apprendre à penser et à agir de manière autonome, sans attendre un hypothétique retour à l’apaisement transatlantique quatre ans plus tard. Comme le déclarait le président français dans ses vœux aux forces armées françaises le jour de l’investiture de M. Trump : « Faisons donc de cette nécessité d’autonomie une opportunité, celle d’un réveil stratégique européen ».

 

 

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