School Business: L’Eglise Catholique fait de bonnes affaires avec l’école au Cameroun
La floraison des établissements d’enseignement catholique, les appétits financiers évidents et les coûts élevés des formations illustrent la fin de la charité qui s’arrête aux portes des salles de classes.
Sur la colline de Mvolyé à Yaoundé, les institutions scolaires confessionnelles foisonnent. Deux écoles primaires, les collèges Jean Zoa et Saint Benoit, le CETIC Jeanne Alegue Messi, le collège François-Xavier Vogt. Pour compléter ce décor qui rivalise de hauteur avec le plateau universitaire de Ngoa Ekelle, la colline du savoir, une nouvelle institution d’enseignement supérieur est sortie de terre il y a six ans, l′Institut universitaire catholique sainte Thérèse de Yaoundé (INUCASTY) a pris ses quartiers sous les cendres du Petit Séminaire.
Autrefois réputé pour son calme, son cimetière et la Basilique mineure, Mvolyé et ses morts perdent le sommeil sous la clameur des klaxons et le brouhaha propre aux quartiers populaires au rythme de des rentrées et des sorties des classes.
Qu’est-ce qui explique une telle floraison si soudaine d’institutions scolaires dans cet espace sacré de l’archidiocèse de Yaoundé ? Point n’est besoin ici de dresser un tableau complet de ses équipements scolaires installés ailleurs dans la capitale. Mais la frénésie de ces dernières années semble intégrer une réalité : l’école est devenue une « affaire » rentable. Changement de décor : le Collège de la Retraite. Devenu un établissement secondaire bilingue au cours de cette année 2022, cet établissement de grande réputation, situé au cœur de la capitale politique du Cameroun, a connu une mue complète.
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A la sueur des parents d′élèves contribuables. Des prélèvements ont été effectués au forceps depuis cinq années pour préparer et faciliter cette mutation. Faisons les calculs. Sur une hypothèse de 15 000 frs CFA fait aux 3000 élèves, c’est un apport annuel substantiel de 45 millions. En trois ans c’est 180 millions de francs perçus qui ont permis l’extension et la transformation radicale de cet établissement. Plus préoccupant encore et toujours au sein du même collège, d’autres formes de « parafiscalités » intenables. Les parents ont été forcés depuis 2022 d’acheter les tenues scolaires à des coûts au-dessus de ceux pratiqués sur le marché.
Pour essayer de contourner la réglementation, ils les récupèrent au magasin de la Procure situé à quelques encablures de la Cathédrale Notre Dames des Victoires. Situation similaire au Collège Catholique bilingue saint Benoît qui, en plus de disposer également de sa boutique au quartier Efoulan où l′on vend des tenues de sport pour toutes les classes, des uniformes scolaires et autres accessoires (des polos à l′effigie du fondateur de la Congrégation des Fils de l′Immaculée Conception, des écussons jusqu′à la broderie des noms), a imposé aux parents d′élèves le paiement de 50.000F CFA supplémentaires sur les frais de scolarité. La raison évoquée par les responsables de l′institution : la levée de la mi-temps imposée par la crise sanitaire due à la Covid-19.
Le 14 septembre 2022, le Chef de Centre Régional des Impôts n’avait pas tardé de réagir, à travers un communiqué, en rappelant les dispositions ci-après de la loi de finances 2022 : « A partir du 1er janvier 2022, la dispense de TVA sur les activités commerciales des établissements scolaires privés (vente d’uniformes, de manuels scolaires, cantine, transport, etc.) prévue à l’article 120 du Code Général des Impôts est supprimée ». Peine perdue. Une année après rien n ‘a changé
A l’Université Catholique de Douala, il n’a aucun recours à la nuance pour menacer de réprimer les étudiants qui tenteraient de ne pas régler la scolarité à temps : 5000 frs de pénalité par jour de retard. L’administration fiscale fait des émules.
Pas de philanthropie
Mgr Jean Mbarga, qui selon nos sources, soutient ces prélèvements pour le cas d’espèce l’archidiocèse de Yaoundé se doit de tempérer les demandes excessives de soutien forcé pour la promotion des investissements scolaires ainsi engagés. Les parents qui avaient jusqu’ici supporté certaines demandes additives ne cachent plus leur désarroi.
Au total, l’ensemble de ce qui est convenu d’appeler ici « contributions exigibles »oscille entre 71500 et 88500 FCFA en fonction des niveaux d’enseignement pour le seul collège Bilingue de la Retraite. Leur paiement a toujours été un préalable incontournable au règlement des frais de scolarité qui sont compris entre 220 000 et 260 000 frs CFA. Les performances des collèges catholiques de tradition sont unanimement connues et célébrées chaque année. Mais elles font malheureusement le lit de dérapages.
La floraison des établissements scolaires catholiques n’est pas une activité philanthropique. Ça c’est clair. Elle se fait sur des appétits financiers qui disent bien leur nom. Mais à la longue, si les bornes ne sont pas fixées, cette boulimie financière peut compromettre une réputation bâtie au fil des décennies.
« Si l’archevêque de Yaoundé voulait évacuer ces soupçons, il aurait à la limite dû orienter les investissements de ces dernières années dans une offre alternative des formations nouvelles qui épousent les besoins d’un environnement scolaire qui sombre dans le trop plein des établissements d’enseignement général. Il a voulu faire dans la facilité pour éviter certainement le coût élevé qu’impose la création d’un collège enseignement technique de qualité. Comme tout le monde, il a voulu parer au plus pressé », relève un observateur.
Source : le journal Les Grands Débats