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Secteur forestier et gouvernance au Cameroun : le virage

Secteur forestier et gouvernance au Cameroun : Le virage

La nuit tombe à Yaoundé. 22 heures. Des colonnes de camions de bois, débités ou en grumes, quittent la Route Nationale N°1 au nord de la capitale pour la nationale N°3 plus au sud.

 

 

 

 

C’est à cette heure qu’ils sont autorisés à traverser la grande ville. Ils viennent principalement des Régions de l’Est et du Sud, les deux plus grands bassins de production de bois, pour se diriger vers Douala ou Kribi, les principaux ports d’évacuation.

Plus de deux décennies que cela dure. Que dire alors des annonces incessantes de l’imminence de la fin de la ressource ligneuse ? Même si cette éventualité apparait plus plausible que hier, le scénario catastrophe envisagé n’est pas pour demain.

 

 

On vit certes le stress dû à la fermeture de certaines usines mais pas encore le commencement de la fin de l’exploitation forestière. A la faveur d’une politique rigoureuse basée sur la gestion durable, le Cameroun a su maintenir le cap des réformes malgré des années d’une critique acerbe qui semble avoir assagi les autorités publiques.

Les chiffres

Cette année 2023 tout comme en 2021, une cinquantaine de ventes de coupe, titre forestier de moyen d’une durée maximale de03 ont été attribuées pour renforcer un décor constitué de 100 concessions forestières fonctionnelles appelées ici unités forestières d’aménagement.

A dire vrai, la pomme de discorde avec les ONG internationales et même certains partenaires trouve en partie son fondement sur le prolongement au niveau national des grands débats internationaux sur la conservation. Le niveau de tolérance varie en fonction de la nature du titre. C’est une peine perdue d’expliquer aux uns que les ventes de coupe, les forêts communales et communautaires relèvent de l’ordre légal et réglementaire du Cameroun. Leur existence et leur fonctionnement sont condamnées ipso facto. Le gouvernement a appris à vivre avec le désespoir de convaincre cette frange du public de sa bonne foi et de sa volonté d’assainissement.

 

 

Le Bassin du Congo, vaste massif forestier au sein duquel appartient le Cameroun doit rester le poumon vert de l’humanité. Cette option n’est pas remise en cause mais elle doit aussi épouser le facteur humain et les intérêts économiques des pays, nuancent les Etats de la région.

Les faits

C’est dans le souci de parvenir à une grande transparence pourtant que l’Etat du Cameroun a volontairement adhéré à tous les processus internationaux sur les forêts, attisant ainsi les regards avisés de la société civile nationale et mondiale.

La gestion forestière a souvent fait l’objet de critiques acerbes qui rappellent souvent les engagements pris. GreenPeace, les Amis de la terre, Global Forest Watch, Global Witness sur le plan international, le CED, et le Foder et bien d’autres assurent la veille, dénoncent et sèment à tout vent.

 

A coups de publications, ils dépeignent un environnement apocalyptique. Se sentant dans l’œil du cyclone, les politiques publiques vivent dans le stress :

« l’Etat du Cameroun est assez responsable et sait faire des arbitrages entre les principes de la gestion durable et les enjeux de développement » relève Jules Doret Ndongo, Ministre des Forets et de la Faune depuis mars 2018.

 

 

Un coup d’œil sur les efforts de renforcement de la gouvernance sectorielle sous sa bannière laisse apparaitre pourtant des résultats encourageants dont l’aboutissement est lié à plusieurs facteurs décisifs :

  • L’opérationalisation du SIGIF 2 (système informatique de gestion de l’information forestière) depuis 2021
  • la mise en place progressive  du Marché Intérieur du Bois (MIB) ;
  • la mise en place d’une Stratégie Sectorielle de Lutte Contre la Corruption au travers des séries des Initiatives à Résultats Rapides (IRR) en collaboration avec la CONAC ;
  • ladisponibilisation d’un numéro vert  (1507) pour les dénonciations ;
  • la publication périodique du Sommier du contentieux :
  • la création de deux sites web (MINFOF et APV/FLEGT) ;
  • la formation militaire des personnels pour relever leur niveau de civisme ;
  • la prestation de serment des Agents des Eaux et Forêts afin d’engager la responsabilité de ces derniers ;
  • le renforcement des capacités sur l’utilisation du système de traçabilité du bois ;
  • le redéploiement permanent des personnels et l’application stricte des sanctions tant positives que négatives ;

 

 

Sur ce dernier aspect, le Gouvernement n’a jamais baissé la garde et ne se fait aucune illusion sur le niveau de convoitise de la ressource. Un groupe de travail permanent avait été créé en 2022 sein du MINFOF pour le suivi et l’instruction des dossiers disciplinaires. De l’analyse du premier rapport d’activité, il ressort une constance.

Les faits les plus récurrents sont : complicité d’exploitation illégale (36 cas soit 27,27%), absence irrégulière et laxisme dans l’exercice des fonctions (16 cas soit 12,12 %), corruption (12 cas soit 09,09). A mi-parcours de 2023, la même tendance pourrait se confirmer.  Les pratiques de corruption les plus récurrentes se déploient autour des postes de contrôles forestiers et de chasse. Résultat, cette unité stratégique de base fait l’objet d’une surveillance permanente de la tutelle.

Autant le Ministère des Forêts et de la Faune publie à une cadence trimestrielle le sommier des infractions forestières et fauniques, sorte de répertoire des activités délictueuses des opérateurs économiques sur la biodiversité, autant il est aussi question de sanctionner les personnels qui se rendent coupables de complicités.

 

 

L’engagement pour la gouvernance est un exercice qui requiert une vigilance à toute épreuve pour un secteur qui gère autant de ressources forestières et fauniques en situation permanente de convoitise.

Les mutations technologiques de ces dernières années au rang desquelles figurent en bonne place le déploiement du SIGIF2 sur le terrain sont une réponse définitive aux compromissions des personnels.

Sa variante mobile permet déjà de sortir peu à peu du contrôle documentaire. Il est question de donner plus de chance à ce système qui fait ses preuves. Peut être davantage plus de moyens de fonctionnement.

 

Par Arlette Minkreo pour Afrique54.net

 

 

 

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