Médecine traditionnelle au Cameroun : La Poste Centrale envahie par les vendeurs d’aphrodisiaques
► Au Cameroun, la commercialisation d’aphrodisiaques est sans frein et gagne en grade dans la capitale, Yaoundé. Ces produits médicinaux traditionnels ont envahi les coins du lieu-dit « Poste-centrale ». Interrogés par Afrique54, des commerçants vantent des vertus de leurs produits et expliquent comment l’activité nourrit son homme et contribue au financement des études de leurs enfants. Reportage.◄
Afrique54.net | Yaoundé – « Bois bandé », « Yohimbine », « Nguemtiteuk », « Fa ’ah », « Sa’ap », sont les noms de la plupart des produits retrouvés sur les étalages dans les environs de la Poste Centrale et derrière l’immeuble Camtel. Ces écorces, poudres ou potions sont pour la majorité utilisées pour stimuler et augmenter l’appétit sexuel et la performance de la libido chez l’homme et la femme. Par ailleurs, il faut noter que ces médicaments traditionnels sont plus prisés par la gente masculine, pour développer leur appareil génital en longueur et en grosseur.
En effet, l’on peut voir auprès de ces vendeurs des images, sculpture représentant l’appareil génital de l’homme en érection ou celui de la femme. Pas besoin de s’y approcher pour savoir de quoi il s’agit. Selon les clients, « cette médecine à un effet rapide et les prix sont abordables ».
Pour un habitué rencontré auprès d’un vendeur situé juste derrière l’immeuble de la Camtel, près de l’arrêt taxi, « les écorces vendues par ces tradi-praticiens sont de très bonne qualité et lui ont permis de garder sa femme jusqu’à ce jour ».
Les confidences des commerçants
Selon ces commerçants de produits « miracles » qui ont partagé ironiquement leur contact avec notre reporter pour d’éventuels clients, « les remèdes traditionnels ou domestiques apportent du confort et soulagent. Ils sont plus pratiques et agissent plus rapidement. Il suffit de voir les résultats chez nos clients pour prouver que les médicaments actuels que j’expose permettent de prévenir et de guérir plusieurs maladies. En particulier les faiblesses sexuelles », affirme Machia Birmawé. « Il faut savoir que, nous utilisons les écorces, les racines et les feuilles des arbres qui existent sur nos terres. Tous ses mélanges et potions sont 100% bio et renforcent les cellules. Chez-moi par exemple, je prescris des parfums exotiques, des sirops aphrodisiaques pour les hommes âgés entre 50 ans et plus », précise un autre vendeur.
L’industrie du sexe au service de l’éducation
Il faut dire que pour ceux-ci, les bénéfices ne se font pas chaque jour. Mais ils arrivent à nourrir leur famille grâce aux prix fixés. « Je vends la plupart de mes aphrodisiaques et remèdes pour faiblesses sexuelles à partir de 6000 F Cfa le traitement. Pour une poignée d’écorce ou un fruit séché, je le fais généralement aux prix de 1000 F cfa. Les compositions en sirops et en poudres sont plus chères, environ 10 000 F Cfa. Cela me permet d’envoyer mes enfants à l’école et de les nourrir », affirme Elanga Bisson.
Impact sanitaire
Si la vente des aphrodisiaques fait des merveilles auprès de certains hommes, cependant, elles sont cause de nombreux problèmes sanitaires chez certains. Si l’efficacité de ces produits censés booster le désir sexuel n’a jamais été prouvé, les risques pour la santé, eux, sont bien réels. Et bien souvent, on ne sait pas vraiment ce que l’on achète.
Pour Me Biwelé, rencontré dans un taxi, « les aphrodisiaques m’ont fait des effets secondaires. Il faut avoir un avis de médecin avant de tester un aphrodisiaque. Car, j’ai été victime de la prise de ces écorces ». En effet, « chez l’homme, ces orgasmes exagérés, boostés par la prise de ces produits peuvent conduire à des érections incontrôlées qui peuvent aboutir à ce qu’on appelle priapisme (érection pathologique prolongée), l’organe sexuel masculin ne peut plus, en tout cas pendant un bon temps à lui seul, revenir à la normale… Il se met donc en érection permanente, et cela peut aboutir à une intervention chirurgicale… et le plus souvent, c’est la fin des fins parce que l’organe ne peut plus reprendre sa fonction normale », précise le médecin Mama.
Les textes
Vendus comme des friandises dans les rues de Yaoundé, l’on se pose la question de savoir si la loi autorise le fait ? Et de plus, la commune permet-elle à ses praticiens d’exercer en plein centre-ville de la capitale politique ? Le gouvernement camerounais à travers le Ministère de la Santé Publique, n’a pas attendu la pandémie de la COVID-19 pour reconnaître et s’engager à développer la médecine traditionnelle (MTR).
En 1996, la loi-cadre dans le domaine de la santé évoque clairement la nécessité d’une étroite collaboration entre les 3 sous-secteurs (public, privé et traditionnel) de la santé au Cameroun.
En 2002, le nouvel organigramme du MINSANTE a créé au sein de la sous-direction des soins de santé primaires, un service des prestations socio-sanitaires traditionnels chargés du suivi des activités y afférentes et du développement de la collaboration avec les tradi-praticiens de santé.
Cet organigramme a été modifié par le décret portant réorganisation du ministère de la Santé Publique de 2013 qui a créé un service chargé du développement de la médecine traditionnelle au sein de la même sous-direction. Et en 2020, des textes sur la question de la médecine traditionnelle ont une fois de plus pris place au parlement. Si cette médecine est reconnue, il faut dire tout de même, que leur commercialisation au niveau de la poste centrale est interdite. Comme d’ailleurs tout autre commerce.
© Afrique54.net | Joël Godjé Mana, depuis Yaoundé