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Archéologie : Ce que pensent  les scientifiques de la Harvard Medical School des six squelettes retrouvés au Cameroun

Archéologie : Ce que pensent  les scientifiques de la Harvard Medical School des six squelettes retrouvés au Cameroun

L’histoire de l’humanité ne plus être écrite sans un chapitre sur les découvertes faites au Cameroun. Les restes humains les plus anciens du centre-ouest de l’Afrique  retrouvés  non loin de Bamenda, viennent mettre mondialement le Cameroun au cœur de l’actualité archéologique.  Un article  intitulé « D’où venons-nous? », publié  le 22 janvier 2020 dans le site  de l’Université de Montréal fait des révélations inédites. Dans cette publication, les scientifiques de la Harvard Medical School s’expriment.

 

Fouille d’une sépulture double dans l’abri-sous-roche de Shum Laka au Cameroun: il s’agit des restes de deux garçons ayant vécu il y a 8000 ans et qui étaient de la même famille. L’ADN ancien révèle que ces deux individus, ainsi que deux autres enfants enterrés il y a 3000 ans à Shum Laka, étaient issus d’une population stable, qui a été presque complètement remplacée par des populations très différentes et qui habitent actuellement le Cameroun. Crédit : Isabelle Ribot

«  L’Afrique est le berceau de notre espèce ‒ Homo sapiens ‒ et abrite une diversité génétique humaine plus grande qu’ailleurs sur la planète. Les études d’ADN ancien prélevé dans des sites archéologiques africains peuvent ainsi nous éclairer sur les origines lointaines de l’humanité. Cependant, l’ADN ancien recueilli en Afrique est rare, car il est difficile d’extraire de l’ADN de squelettes mal conservés en zone tropicale.

Une équipe internationale de recherche dont fait partie l’anthropologue Isabelle Ribot, de l’Université de Montréal, est sur le point de répondre aux questions clés sur nos origines en Afrique. Dans une étude publiée ce mercredi dans Nature, elle révèle comment les Africains d’aujourd’hui sont issus de populations anciennes profondément divergentes et géographiquement séparées, et ce que cela signifie pour l’espèce humaine.

Dirigés par des scientifiques de la Harvard Medical School, les chercheurs ont séquencé l’ADN de quatre enfants enterrés il y a 8000 et 3000 ans à Shum Laka au Cameroun, un site archéologique iconique fouillé pour la première fois il y a trois décennies par une équipe de Belges et de Camerounais. L’ADN ancien qui s’y trouve est le premier à être découvert dans le centre-ouest de l’Afrique et l’un des plus anciens jamais récupérés d’un milieu tropical africain.

«Extrêmement rares»

«Shum Laka est un point de référence pour comprendre l’histoire séculaire du centre-ouest de l’Afrique, souligne la professeure Ribot, qui a fouillé les sépultures de 18 personnes (principalement des enfants) enterrées en deux phases il y a environ 8000 et 3000 ans. Les squelettes humains d’avant l’âge du fer sont ici extrêmement rares. Les environnements tropicaux et les sols acides ne sont pas favorables à la préservation des os. C’est pourquoi les résultats de notre étude sont vraiment exceptionnels.»

Les scientifiques de la Harvard Medical School ont échantillonné les os pétreux (oreille interne) de six individus enterrés à Shum Laka. Quatre de ces échantillons ont produit de l’ADN ancien et ont été datés directement au Pennsylvania State University Radiocarbon Laboratory. La conservation moléculaire était impressionnante étant donné les conditions de préservation des sépultures et elle a permis de faire l’analyse du génome entier de l’ADN ancien.

Aucun des individus échantillonnés à Shum Laka n’est étroitement lié à la plupart des locuteurs actuels du bantou, le groupe de langues africaines le plus répandu. Ils faisaient plutôt partie d’une population distincte qui a vécu dans la région il y a plus de cinq millénaires et qui a ensuite été remplacée par des groupes très différents dont les descendants constituent la majorité des Camerounais d’aujourd’hui.

Une diversité insoupçonnée

Approximativement les deux tiers de l’ascendance des individus de Shum Laka viennent d’une lignée précédemment inconnue et apparentée de façon lointaine aux actuels Africains de l’Ouest et approximativement un tiers de leur ascendance vient d’une lignée apparentée aux chasseurs-cueilleurs actuels du centre de l’Afrique. Cette découverte révèle une diversité génétique insoupçonnée et antérieure à la diffusion des systèmes de production alimentaire.

L’analyse des données d’ADN ancien provenant du génome entier a apporté des informations clés sur les liens entre les diverses ramifications précoces des lignées humaines en Afrique. Les résultats démontrent que les lignées menant aux chasseurs-cueilleurs centre-africains et sud-africains actuels et à tous les autres groupes humains existants ont divergé successivement, il y a 250 000 à 200 000 ans.

Une autre série de divergences génétiques a été mise au jour aux alentours d’il y a 80 000 à 60 000 ans, incluant la lignée qui a conduit à tous les groupes non africains actuels.

«Quadruple rayonnement»

«Notre analyse indique l’existence d’au moins quatre grandes lignées humaines très anciennes qui ont contribué à la variation des populations d’aujourd’hui et qui ont divergé les unes des autres il y a environ 250 000 à 200 000 ans, constate David Reich, généticien de la Harvard Medical School et auteur principal de l’étude. Ce quadruple rayonnement… n’avait jamais été montré auparavant à partir de l’ADN.»

Vue générale de la fouille de l’abri-sous-roche de Shum Laka au Cameroun. Ce site a abrité une population qui a vécu dans la région durant au moins 5000 ans et qui présentait peu d’affinités génétiques avec les populations qui habitent ce territoire actuellement. L’analyse des données d’ADN ancien issu du génome entier de quatre individus qui ont été enterrés dans ce lieu a fourni des informations clés sur les liens entre diverses ramifications précoces de lignées humaines en Afrique. Crédit : Pierre de Maret

Il poursuit: «Ces résultats soulignent à quel point le paysage humain en Afrique, il y a quelques milliers d’années seulement, était profondément différent de ce qu’il est de nos jours et ils mettent en évidence le pouvoir de l’ADN ancien de lever le voile sur un passé humain qui a été masqué par les récents mouvements de populations.»

Cette étude est le fruit d’une collaboration entre des généticiens, archéologues, bioanthropologues et conservateurs de musées en Amérique du Nord (notamment la Harvard Medical School et l’Université de Montréal), en Europe (l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, le Musée royal de l’Afrique centrale, l’Université libre de Bruxelles et le campus de Madrid de l’Université Saint Louis), au Cameroun (les universités de Yaoundé et de Buéa) et en Chine (l’Université Duke Kunshan), entre autres. »

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