Interview exclusive : L’écrivain camerounais Soh James présente « Le management par le Kongossa »
Le jeune auteur camerounais Soh James a accordé une interview à Afrique54.net et La Voix Des Décideurs au lendemain de la dédicace de son ouvrage à la capitale politique camerounaise, Douala le 12 décembre 2020.
Monsieur Soh James bonjour. Vous venez de commettre un ouvrage à succès, « Le management par le Kongossa », qu’est-ce qui vous a motivé ?
À travers mon expérience en entreprise, j’ai vu des choses qui m’ont catastrophé. J’ai vu des employés vociférer des inepties et casser du sucre sur le dos de leurs collaborateurs. Et sans vérifier les faits, les managers ont pris des décisions qui ont suscité colère et indignation juste sur la base des ouïe-dires. Alors j’ai décidé de dénoncer ce style managérial qui a pignon sur rue dans nos entreprises et a du vent en poupe.
Je suis convaincu de l’importance de ce sujet car plusieurs personnes en souffrent et personne n’ose en parler ; alors j’ai choisi à travers l’écriture de me mettre debout comme un » I » contre la vassalisation de ce système.
Vous parlez des patrons que se délectent du kongossa, dans quelle mesure ce kongossa peut porter atteinte à la rentabilité et aux rapports entre le top management et ses collaborateurs ?
Les luttes fratricides entre les employés pour gagner l’oreille du boss créent un climat délétère qui engendre des coûts cachés pour l’entreprise. Les sanctions à géométrie variable créent des frustrations et réduisent la propension à l’entraide entre les employés dans l’exécution de leurs tâches et cela a une conséquence négative sur le chiffre d’affaire.
Donc, le kongossa qui circule dans l’entreprise peut engendrer de profonds malentendus et avoir des conséquences désastreuses sur l’implication des salariés et sur le chiffre d’affaire.
Au sein des familles, vous faites allusion au bruit qui court. Le kongossa est-elle une est gangrène dans la société ? Que ce soit au service ou dans le cadre familial, le kongossa constitue-t-il un danger ou une menace réelle ? Si oui comment ?
Je tiens à préciser que le kongossa utile existe. Chez-nous en audit, il y’a ce que nous appelons dans notre jargon la procédure de dénonciation anonyme, qui, de mon point de vue est une forme de kongossa.
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Toutefois, que ce soit le chef de famille, le chef du quartier ou le chef d’entreprise, le kongossa doit être interprété comme une alerte. C’est la prise de décision à la va-vite, sans aucune vérification des faits, qui selon moi, est la véritable gangrène qui mine notre société.
Que préconisez-vous comme modèle de rapport sur lequel doivent s’appuyer les patrons pour prendre la bonne décision ?
Bien décider n’est pas une affaire de tout repos pour un manager ; j’en suis conscient. Ce dernier doit savoir évaluer le risque kongossa et ne pas perdre de vue que les décisions efficaces se fondent sur l’analyse des données et d’informations.
Donc, après la prise en compte de l’alerte comme je le disais à la question précédente, il y’a la collecte d’informations, l’analyse des différentes alternatives et le passage à l’action.
Voilà en substance ce que je préconise comme modèle à tout manager qui doit prendre une décision. Il doit toujours garder à l’esprit que le sixième principe du management de qualité parle de la prise de décisions fondées sur des preuves.
Peut-on dire que monsieur Soh James est un écrivain engagé ?
Je traite un sujet dont j’ai acquis à travers mon expérience le droit d’en parler, je parle d’un sujet qui intéresse vivement les gens car chacun se retrouve un tout petit peu ; alors j’ai décidé de jeter le pavé dans la marre, de susciter le débat autour de cette problématique. Donc, j’espère à travers ce roman parler au cœur des gens et contribuer au changement des mentalités.
En dehors de l’intrigue développée autour du kongossa, quels autres problèmes abordez-vous qui minent notre administration voire notre société ?
En dehors de l’intrigue développée autour du kongossa, j’aborde aussi un autre fléau qui fragilise la pérennité de nos entreprises et qui mine notre société en général. Eh bien il s’agit de ce que j’appelle le « njockmassi » j’ai aussi fait le constat que très peu de personnes ont un revenu qui obéit à la formule classique (Revenu= Epargne Consommation) dans la majorité des cas, les employés ont un revenu qui obéit à la formule suivante : (Revenu= Remboursement de dette+ Consommation) ou encore (Revenu Dette=Consommation). alors je me demande comment un employé peut donner le meilleur de lui-même au travail si son revenu lui permet de rester en mode survie ?
Nous allons sortir par cette question : votre modèle de société, c’est lequel ?
Je rêve d’une société où il y’a de l’éthique dans la répartition des salaires, où les kongosseurs vont arrêter de penser que faire du kongossa est synonyme de sagesse, où les managers doivent savoir que lorsque vous érigez la médiocratie en système de management, vous gagnerez sporadiquement quelques batailles, mais vous perdrez inéluctablement la guerre.
Donc en bref, si j’ai un conseil à donner à ces managers là qui pratiquent le management par le kongossa, c’est de rester capitaliste tout en étant humain.
Je vous remercie pour cette interview. Bonne dégustation de l’ouvrage à tous les lecteurs.
© A54 et La Voix Des Décideurs