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Mandela Center International à l’attention de la communauté nationale et internationale

Mandela Center International, ONG internationale à Statut Consultatif Spécial auprès des Nations Unies, porte :

A l’attention de la communauté nationale et internationale :

1. Qu’au cours de son journal télévisé de 20h, le jeudi 23 juillet 2020, la Chaine de télévision privée, Équinoxe TV, basée à Douala, a produit un reportage sur un jeune conducteur de taxi qui serait mort dans un centre de santé de Douala, à la suite des actes de torture au Commissariat du 6e arrondissement de New Bell à Douala;

2. Qu’au lendemain de cet incident, la famille de la victime a saisi Mandela Center International qui a immédiatement dépêché sur le terrain une mission d’établissement des faits conformément au principe d’enquête en droits de l’homme;

3. Qu’il ressort des faits documentés au terme de l’audition de toutes les parties, qu’en date du lundi 20 juillet dernier, aux environs de 20h, le sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA, âgé de 38 ans, conducteur de taxi de profession, a stationné son véhicule au lieu-dit Terminus Saint Michel à Douala, sur la route qui conduit à Ndokoti pour prendre un passager;

4. Qu’au moment où il chargeait son véhicule, le commissaire EVINA, chef d’unité de sécurité publique du 6e Arrondissement, du ressort territorial du commissariat central N°1 de la ville de Douala, est sorti derrière pour parler de simple contravention de mauvais stationnement et lui a intimé l’ordre de lui remettre le dossier du véhicule;

5. Que surpris et sous l’effet de la colère du fait qu’il avait une recette à verser dans quelques minutes, et voyant le policier dans la posture de lui arracher quelques billets de banque, le sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA, a refusé d’obtempérer en essayant de faire marche arrière avec ses trois passagers;

6. Que face à sa résistance, le fonctionnaire de la police a garé, brutalement, son véhicule de fonction, en pleine chaussée, pour prendre place, par force, à bord dudit taxi, côté passager;

 

 

7. Qu’une vive altercation s’est déclenchée entre les deux usagers de route et les éléments du 21e Bataillon Blindé de Reconnaissance (BBR) de Terminus Saint Michel qui observaient la scène à partir de leur unité, sont entrés en action pour le compte du commissaire;

8. Que l’Adjudant-chef NKIMANTAP Lawrence, l’Adjudant-chef LAMA Célestin et le soldat de 1ère classe ANGAYEBE PSIMI, tous en service au BBR, se sont livrés à des actes de tortures, de traitement cruel, inhumain et dégradant à l’endroit du sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA sous le regard hagard et impuissant du Commissaire EVINA;

9. Que toute sa recette de la journée ainsi que ses pièces personnelles et du véhicule ont été arrachées et emportées par les militaires en pleine transe de violence aveugle;

10.Qu’au terme des sévices corporels, le Sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA a été conduit manu militari au commissariat du 6e arrondissement par les éléments du BBR et le commissaire;

11. Qu’il sera immédiatement placé en garde à vue malgré son état de santé fragile et son véhicule mis en fourrière, après identification complète des militaires, qui comptaient plus tard témoigner en faveur d’une rébellion envers le fonctionnaire de la police;

12. Qu’aux premières heures du lendemain mardi 21 juillet, le propriétaire du véhicule et la compagne de la victime se sont dirigés dans les locaux de la police pour leur signifier l’état de santé très fragile du Sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA, une affection de fièvre typhoïde, en plus des traumatismes liés aux sévices corporels;

13. Que malgré leur intervention, le gardé à vue, bien que relatant l’enfer qu’il a vécu avec les militaires, n’a eu droit qu’à quelques comprimés de paracétamol;

14. Que dans la journée du 22 juillet, après l’avoir privé de soins, voyant son état de santé se détériorer rapidement et craignant le pire, les fonctionnaires de police se sont débarrassés de ce colis encombrant en le conduisant, en urgence, au Centre Médical d’arrondissement de Nkoloulou, à Douala où il sera méchamment enchainé sur le lit de l’hôpital, dès son arrivée, malgré tous les signaux alarmants de détresse;

 

 

15. Qu’au cours de son séjour dans ce centre de santé, faute d’argent, le sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA n’a pas eu droit aux soins appropriés et a été abandonné par le personnel soignant à son sort;

16. Qu’aux environs de 22h ce mercredi, alors que le jeune Mitterrand TCHOUATEUN NJIA était pratiquement à l’article de la mort et dans un état comateux, les fonctionnaires de la police se sont précipités au CMA pour enlever les chaines et le commissaire a ordonné sa relaxe, juste pour se faire bonne conscience;

17. Que vers 4h17mn du matin, l’équipe de garde a tenté, en vain, d’alerter la hiérarchie de la situation très critique du jeune homme et devant l’impuissance des infirmiers de garde, le sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA a rendu finalement l’âme ce jeudi 22 juillet à 4h26mn alors que les soins appropriés l’auraient sauvé;

18. Que face à la colère et sous le choc, les voisins et les conducteurs de moto alertés ont menacé de mettre le commissariat du 6e à feu et à sang n’eut été la prompte intervention des uns et des autres;

19. Qu’après son décès, les fonctionnaires de la police ont ordonné au propriétaire dudit véhicule de retirer son véhicule alors qu’ils lui ont exigé de fortes sommes quelques jours auparavant;

20. Que le certificat de genre de mort et de décès établi ce 23 juillet par le médecin chef du CMA de Nkololou, Dr. MBAZOA MBOU ANNICK Suzanne Epse NJTTANG pour demander à la famille de récupérer le corps pour Bangangté parle de MORT NATURELLE;

21. Qu’il est évident que ce sont les sévices corporels, les conditions de détention inhumaines et l’absence de soins appropriés qui ont précipité le décès du taximan;

22. Que selon certaines sources dont seule une autopsie permettra de confirmer ou d’infirmer, le jeune Mitterrand TCHOUATEUN NJIA bien que souffrant d’une affection de Typhoïde serait mort des suites d’une hémorragie interne après des bastonnades à lui infligées par les militaires du BBR et le traitement inhumain des fonctionnaires de police, surtout que leurs dénégations ne sauraient, en aucun cas, prospérer;

23. Que Mandela Center International est en mesure d’affirmer, sans le moindre doute, que les fonctionnaires de la police et les agents de l’Etat en service au CMA de Nkololou ont CRUELLEMENT manqué à leur devoir de venir en aide au Sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA au moment où il avait le plus besoin, lorsque son pronostic vital a été engagé;

 

 

24. Qu’il s’agit clairement des actes de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants au sens de l’article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, de l’article 7 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966, de l’article 5 de la Charte Africaine sur les Droits de l’Homme et des Peuples de 1981, de la Convention des Nations contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 Décembre 1984 (CCT), et autres instruments internationaux, tous librement ratifiés par la République du Cameroun;

25. Que l’Etat Camerounais a ratifié la CCT qui a une force juridique très contraignante le 19 décembre 1986, longtemps avant son entrée en vigueur le 26 juin 1987;

26.Que selon l’Article 2 de la CCT, « Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture » et « L’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture »;

27. Que selon l’article 277-3 (1) de la Loi N°2016/007 du 12 juillet 2016 portant Code Pénal Camerounais, réprimant la torture : « Est puni de l’emprisonnement à vie celui qui, par la torture, cause involontairement la mort d’autrui » ;

28. Que le Ministre de la défense, Joseph Beti Assomo, dans sa lettre circulaire N°190256/DV/MINDEF/01 du 19 janvier 2019 adressée à tous les services de défense et de sécurité placés sous sa responsabilité a été clair :« Quiconque commet donc des actes de torture, en donne l’ordre, en est complice ou les autorise tacitement sera tenu personnellement responsable devant la Loi » et a donné des prescriptions aux fins « d’ouverture d’enquêtes et d’initiation de poursuites des auteurs y compris ceux occupant des postes de commandement »;

29. Que le droit à la dignité humaine, le droit à ne pas être torturé, le droit à la protection et le droit à l’intégrité physique et morale du sieur Mitterrand TCHOUATEUN NJIA qui sont des droits inaliénables et inviolables de l’homme contenus dans le droit international des droits de l’homme ont été littéralement violés;

30. Que la discipline ne saurait trouver un terreau de déviance dans le corps des fonctionnaires de la police camerounaise ;

31. Que ces actes sont contraires au décret n° 2012/539 du 19 novembre 2012 portant Statut Spécial du Corps des fonctionnaires de la Sûreté Nationale ;

 

 

 

32.Que le Ministre de la Santé Publique, SE MALACHIE MANAOUDA, le 16 janvier 2019, au terme d’une une visite de travail à l’hôpital central de Yaoundé et à l’Hôpital de District de Biyem-Assi, a déclaré face à la presse : « Nous voulons replacer l’être humain au centre de nos préoccupations, au centre des soins » ;

33. Qu’un Arrêté du 22 avril 2016 relatif aux directives sur l’accueil des patients à l’intention des formations sanitaires, du Ministre MAMA FOUDA, prescrit : « 2.1 La présence du personnel soignant doit être permanente, obligatoire dans tous les services de la formation sanitaire. 2.2. En cas d’urgence vitale, la prise en charge est immédiate et sans condition de payement préalable. 2.3. Les médicaments et consommables médicaux de prise en charge des détresses vitales doivent à cet égard être disponible 24h/24 dans les services des urgences. 2.4. Les rondes, visites et contre visites quotidiennes des médecins sont obligatoires dans les services d’hospitalisation » ;

34. Que selon la Constitution de l’organisation mondiale de la santé, adoptée par la Conférence internationale de la Santé, tenue à New York du 19 juin au 22 juillet 1946, entrée en vigueur le 7 avril 1948, « La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain»;

35. Que l’État et le gouvernement camerounais sont responsables de l’application de ces conditions afin que chaque personne atteigne le meilleur état de santé possible, en garantissant la disponibilité des services de santé ;

36. Que la responsabilité de tous ces faits est ainsi CLAIREMENT attribuée à l’Etat camerounais en vertu du droit international, au terme des articles 4 et suivants d’une résolution 56/83 de l’Assemblée générale en date du 12 décembre 2001 sur la responsabilité de l’Etat pour FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE.

 

 

Eu égard à tout ce qui précède, Mandela Center International :

1.Condamne, avec la toute dernière énergie, cet acte cruel et barbare des agents de l’Etat, contraire à la dignité humaine et qui n’honore point les forces de sécurité et de défense camerounaises ;

2.Exige, avec toute la fermeté, la révocation immédiate du Commissaire EVINA et du médecin chef MBAZOA MBOU ANNICK pour manquement grave à leur devoir ;

3.Exige, avec toute la vigueur, une autopsie urgente par un médecin légiste pour clarifier les circonstances du décès;

4. Demande, avec détermination, une enquête urgente conformément au Protocole d’Istanbul de 1999 et des sanctions appropriées contre tous les auteurs conformément au Règlement de discipline générale considéré comme la BIBLE dans l’armée;

5.Rappelle , avec insistance, aux autorités camerounaises qu’elles ont obligation de se conformer à l’article 12 de la CCT : « Tout Etat partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction »;

6.Avise clairement l’opinion que des requêtes aux fins des sanctions contre les auteurs ont été introduites auprès du Ministre d’Etat de la justice, Laurent Esso, Ministre de la défense, Joseph Beti Assomo, du chef de division de la sécurité militaire, le colonel Joël Émile Bamkoui, du Ministre de la Santé, de la DGSN, Martin Mbarga Nguelé, ainsi que des organismes des droits humains tant nationaux qu’internationaux ;

7.Confirme, avec amertume, qu’une plainte a été diligentée contre le Commissaire, les éléments du BBR, les agents en service au CMA de Nkololou auprès du Tribunal militaire de Douala pour « torture, traitements cruels, inhumains et dégradants, Abus de fonction, Vol, Arrestation et séquestration arbitraire, Omission de porter secours»;

8.Recommande vivement au Gouvernement Camerounais des mesures spéciales conformément à ses engagements internationaux en vue de la protection effective des droits fondamentaux au quotidien.

Fait à Yaoundé, le 27 Juillet 2020

Jean Claude Fogno,

Le secrétaire Exécutif Permanent

 

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