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Coup d’Etat contre André‐Marie MBIDA : Comment la France a ourdi son complot

Coup d’Etat contre André‐Marie MBIDA : Comment la France a ourdi son complot

► Dans un ouvrage paru le 19 octobre 2022, l’écrivain, homme de culture et politique Enoh Meyomesse retrace le complot qui a renversé le Premier ministre André‐Marie Mbida. Il ré‐ vèle que c’était la toute première opération de renversement d’un régime en Afrique par Paris, sans recourir à l’armée. Un coup de force exécuté par le haut‐commissaire Jean Ra‐ madier le 11 février 1958. Dans les lignes qui suivent des bonnes feuilles.◄

 

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Essingan Mbida et Madame: un couple de «bushman». Autre propagande menée contre Mbida, la présentation de son épouse comme une barbare qui bagarrait à tout moment, en dépit de son statut de Première dame camerounaise à l’époque. La réglementation coloniale voulait que les femmes noires ne fassent le marché qu’après que les femmes blanches aient déjà fini le leur. Il leur était ainsi interdit d’acheter quoi que ce soit au marché avant 11h, le temps que les épouses des Blancs soient parties. Elles ne devaient même pas y pénétrer. Marguerite Mbida, épouse du Premier ministre, avait cru que cette règle ne s’appliquait plus à elle, par son statut.

Elle s’était rendue au marché central de Yaoundé, à l’époque situé en face de la Chambre de commerce, à l’heure où les Blanches s’y trouvaient encore. Celles-ci lui avaient aussitôt demandé pourquoi elle ne respectait pas la réglementation? N’était-elle pas une «indigène» ? Sa réponse: «je suis la femme du Premier ministre». Et les Blanches de lui rétorquer: «et alors! Cela te permet-il d’enfreindre la réglementation?». Elles la tutoyaient naturellement. Puis, elles avaient demandé aux agents de police du marché de l’en expulser, sans autre forme de mesure. Le sang de Margueritte Mbida n’avait fait qu’un tour. Elle s’était courbée, avait pris les jambes de l’une d’elles, l’avait soulevée du sol, puis l’y avait plaquée après l’avoir renversée.

Elle s’était alors mise à lui lacérer le visage avec ses ongles et à la rouer de coups de poings. Les agents de police, prenant visiblement le parti de Marguerite, n’étaient venus que pour la retirer du dessus de la dame qu’elle était en train de copieusement rosser. Cette bastonnade homérique d’une Blanche par l’épouse du Premier ministre avait outré au plus haut point les Français de la ville, et les Grecs et autres Européens. Cela était inacceptable pour eux. Ils n’avaient aucune considération pour son statut, et la qualifiaient de « petite sauvage » qui avait enfreint la réglementation coloniale.

 

Une cliente blanche

Une autre fois au magasin Printania, qui est aujourd’hui Casino, dans le centre-ville de Yaoundé, pendant que Marguerite Mbida s’était retrouvée devant une caissière blanche et commençait à sortir sa marchandise du panier pour la payer, cette dernière lui a demandé de se pousser d’abord, afin qu’elle serve en premier une cliente blanche qui était placée derrière elle. Énervement de Marguerite. Énervement à son tour de la caissière. Injure de cette dernière. Aïe ! Elle connaissait mal la Noire qui se trouvait en face d’elle. La suite, nous on la connait par cœur. La dame a subi la bastonnade de sa vie. Cette autre réaction légitime de Marguerite blessée dans son amour-propre a, une fois de plus, outré les Français, Grecs, Libanais et Syriens de la ville, et a accru la détestation du couple Mbida par tous ces colons qui déjà n’avaient pas digéré la naissance d’un gouvernement camerounais.

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Mbida, lui-même, avait connu un même type de comportement méprisant qui l’avait fait réagir, en plus de l’expulsion de l’individu qui était entré en short dans son bureau. Aéroport du Bourget, Paris. Mbida est déjà Premier ministre. Il embarque dans le vol de nuit Air France, avion «Super Constellation», en direction du Cameroun, avec terminus Douala, via Nice, Tripoli, Niamey, Fort-Lamy (actuellement Ndjamena). L’avion décolle. Mbida allume sa cigarette. Fumer n’est pas encore prohibé dans les avions. Un couple de Français est assis derrière lui. La dame se met à tempêter. Elle ne supporte pas la cigarette. Mbida s’en excuse. Elle ne veut rien entendre. Elle se met à le «laver» copieusement.

Les indigènes

Dans ce vol, il n’y avait pas de première classe. Il était de ce fait un passager comme un autre, ou, plus précisément, un rare passager noir dans l’avion. Nous sommes en 1957. Ils ne sont pas nombreux, en ces années-là, les «indigènes » qui vont ou viennent de France. Mbida encaisse. Nice. Le couple ne descend pas. Mbida allume une nouvelle cigarette en provocation. La dame recommence à le «laver». Tripoli. Le couple ne descend pas. Même chose. Niamey. Rien. Même chose. Fort-Lamy. Pareil. Cette fois-ci, l’avion décolle pour Douala, le terminus. Mbida boit du petit lait. 6h du matin. L’avion atterrit à l’aéroport Douala-Bois des singes. Les moteurs s’éteignent. L’hôtesse de l’air prend le micro: «Mesdames et Messieurs, mes chers passagers, vous voudrez bien rester assis un moment, le temps de permettre au Premier ministre, M. Mbida André-Marie, de descendre, c’est une personnalité.»

 

 

Aussitôt dit, Mbida se lève, se tourne vers la dame qui n’a fait que le «laver» pendant tout le vol. Il lui dit: en ma qualité de Premier ministre chef du gouvernement camerounais, je vous ordonne de ne pas descendre de cet appareil, et d’y demeurer jusqu’à son retour avec vous en France ce soir.» Le couple rejoignait son poste d’affectation au Cameroun, et ne connaissait pas Mbida de visu, uniquement de nom. Il est effectivement demeuré toute la journée dans l’avion, et est retourné en France le soir, sans avoir foulé de ses pieds, le sol camerounais. Cet autre incident du couple Mbida, a révolté au plus haut point les Européens du Cameroun. Naturellement, ils ont pris le parti du couple impoli. Il est venu alimenter, une fois de plus, la propagande sur la «sauvagerie des Mbida». En fait, la «sauvagerie des Mbida», mise en avant par la propagande française, était ni plus ni moins que les colons ne supportaient pas ce «petit noir et sa guenon de dame qui se prennent pour quelque chose.»

 

Source :  ESSINGAN

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