Embargo de la Cedeao contre le Mali : Le diplomate camerounais Pr. SHANDA TONME charge Emmanuel Macron
- Répondant à Yaoundé, 16 Janvier 2022 aux questions d’un groupe de Journalistes relatives à l’embargo de la Cedeao contre le Mali, le diplomate de carrière camerounais Pr SHANDA TONME, déclaré qu’ « Emmanuel Macron est le président français qui a le plus démontré un manque de respect choquant, usé d’un discours irrévérencieux, adopté des postures humiliantes et manifesté un dédain pour les dirigeants africains. »
- L’intégralité de l’entretien choc de cet enseignant de relations internationales, qui crache ses vérités sur les « prétendus mercenaires russes » au Mali
- Il souligne qu’ « Il est temps que les Africains comprennent comment le monde est manipulé. Il n’y a pas de cœur ni de pitié, encore moins de religiosité. La confrontation entre les nations est dure et sans pitié, et tant pis pour ceux qui baissent la culotte tout le temps et se plient pour laisser passer les provocations, les injonctions et les humiliations. »
Pr Shanda Tonme, dans votre première réaction après l’embargo contre la Mali décidé le 09 janvier par la CEDEAO, vous avez adopté une posture très dure, et ensuite vous avez exprimé votre solidarité pour le peuple malien. Comment justifie-vous la démarche, comme on peut la lire dans l’extrait ci-dessus ?
Ecoutez, il n’y a ni posture très dure, ni besoin de justifier ma démarche. Je pense qu’il est temps d’avoir plus de courage et surtout d’engagement, quand il s’agit de défendre les vrais intérêts des peuples africains. Tout ce que j’ai dit, n’importe quel Africain lucide, honnête et de bonne foi, pourrait ou devrait dire exactement la même chose. Je vous révèle d’ailleurs, que j’ai reçu des millions de messages d’approbation, aussi bien des Africains que des non Africains.
Vous pas peur que l’on vous accuse de soutenir des régimes militaires, ou encore des coups d’Etat ?
Il faut savoir raison garder et éviter la confusion là où les choses sont claires. Je n’ai jamais soutenu un coup d’Etat, et je vous invite d’ailleurs à réviser vos appréhensions sur ce phénomène qui matérialise un mode d’accession au pouvoir par la force, tantôt le renversement d’un régime civil, d’un autre régime militaire ou encore, d’un régime civil, et tantôt une révolution de palais. Il est clair que dans tous les cas, il y a rupture de l’ordre constitutionnel. Mais vous savez comme moi, que ce qui représente l’ordre constitutionnel, est à priori teinté de relatives subjectivités.
Donc, vous n’approuvez pas les coups d’Etat militaires, mais vous soutenez certains à l’instar de celui d’Assimi Goita au Mali ?
Non, revenons à la préoccupation centrale. De quoi est-il question ? Que se passe-t-il au Mali ? Voilà sur quoi il faudrait se concentrer, car les enjeux sont tellement importants, tellement cruciaux, que je ne comprends pas que des leaders d’opinion, des chefs de partis prétendument panafricanistes, progressistes, nationalistes voire révolutionnaires, ne prennent pas position.
Quels sont les enjeux selon vous ?
Voyons, le bras de fer déclenché par Paris qui ressemble fortement à une tentative de diktat d’un autre âge, d’une autre époque ne vous inquiète donc pas, ne vous mobilise pas ? Au Mali se joue, et je l’ai formulé longtemps avant, le destin des rapports de l’Afrique avec le reste du monde. Nous assistons sur le terrain malien, aux derniers soubresauts de la lutte anticolonialiste. Nous faisons face à une situation où un ancien maître colonisateur, veut s’arroger le droit de cuissage sur le peuple malien, le droit de décider de la couleur de son drapeau, le droit de changer ses partenaires et ses habitudes alimentaires et vestimentaires.
Mais Professeur, vous portez le sujet trop loin non ? N’y a-t-il pas un peu d’exagération de votre part, dans la mesure où il y a quand même les autres pays Africains qui ont pris une décision ?
Je le regrette profondément, mais ce que vous appelez les autres pays africains, constituent notre pire déception. Ce n’est pas le moment de se comporter de la manière dont ils l’ont fait. Il y a plusieurs paramètres en jeu sur le terrain. Depuis des mois en effet, la France et ses alliés se livrent à un violent matraquage des esprits sur la coopération du Mali avec la Russie. Ils veulent dicter, imposer, confisquer, régenter jusqu’aux relations diplomatiques du pays. Mais qui donne le droit à un pays d’interdire à un autre de construire des alliances, de signer des contrats, d’acheter des armes, y compris en impliquant des partenaires privés ? Dans les usages, la France devrait rester dans son coin plus tranquillement et plus sagement. Les champions de fournitures des mercenaires sont ceux-là mêmes qui crient aujourd’hui, et recourent à des salissures pour se donner raison. Je suis étonné que les pires auteurs des massacres dans l’histoire de l’humanité, de l’esclavage, des guerres sales et des assassinats, se présentent comme des champions des droits de l’homme et de la démocratie.
Donc, pour vous, la France est vraiment le problème ?
Mais oui, oui et oui.
On vous connaît plutôt tendre et pragmatique à l’endroit de la France. Pourquoi ce changement ?
Ecoutez, je crois qu’il ne faut rien extrapoler. J’ai toujours milité pour le pragmatisme, parce qu’en vieux routier et dirigeant des mouvements et organisations progressistes et de gauche, j’ai appris à comprendre les enjeux politiques, et en diplomate d’expérience, je suis pétri des exigences des rapports des forces dans les relations entre les peuples. Nul ne peut supprimer d’un coup de crayon les réalités historiques, mais nul ne saurait non plus, enfermer les peuples dans des constructions historiques chroniquement toxiques, déséquilibrées, indignes et dépersonnalisant. Avoir commandé et dominé un peuple, ne confère pas le droit de le commander et de le dominer pour l’éternité. Il n’existe pas de peuple dominé ou d’esclave, qui n’aspire pas à la liberté et à la conquête de sa dignité.
Dites-nous clairement, souhaitez-vous le départ de la France du Mali ?
Ecoutez, ce n’est pas à moi de décider du départ de la France du Mali, du Tchad, du Gabon, de Djibouti et de la Côte d’Ivoire, pays où elle dispose de bases militaires. Les dirigeants de ces pays savent pourquoi et comment leurs rapports avec la France existent, ce qui justifie la présence de ces bases. Mais, quant à un moment, des signes de rupture se présentent, il est normal que l’on prenne en considération les attentes, les volontés et les intérêts de toutes les parties. Il faut savoir quitter les choses avant qu’elles ne vous quittent.
En somme vous soutenez les dirigeants maliens ?
Mais comment ne pas faire droit à la démarche d’un dirigeant africain, fusse-t-il civil ou militaire, qui défend son pays, qui exprime les attentes de son peuple ? Vous direz ce que vous voulez, mais le million et plus de personnes qui a manifesté à Bamako le vendredi 14 janvier 2022, témoigne d’un large soutien populaire. Si le régime de Bamako a décidé de tourner le volant dans un sens, c’est maintenant avec le soutien clair et retentissant du peuple malien.
Selon vous, la France a-t-elle peur de la Russie ?
Bien sûr que oui, et vous entendez tous la plupart des Africains regretter vivement aujourd’hui l’assassinat lâche, brutal et choquant du guide libyen Mouammar Kadhafi. En réalité, lui-même avait pris tellement de libertés avec les alliances, qu’il embrassait à la fois Satan et Allah. Personne ne savait plus vraiment qui était ses vrais amis, et il a été supprimé sans pitié par ceux qui avaient le plus intérêt à le voir disparaître. Tout le bruit autour des prétendus mercenaires procède d’une parfaite hypocrisie. Toutes les grandes puissances disposent et utilisent des forces spéciales parallèles auxquelles des missions sont assignées en tant que de besoin.
Donc selon vous, il ne faut pas avoir peur des mercenaire russes, Wagners ?
Vous me faites rire. Les Occidentaux sont les champions dans l’art d’utiliser des forces de destruction secrètes particulièrement violentes, coûteuses, nuisibles et plurielles comme je l’ai rappelé tantôt. Le bruit autour des prétendus mercenaires russes est une campagne de très mauvais goût. Je considère même que c’est de la diversion. La plupart des nationalistes africains à l’instar de Félix Roland Moumié ont été éliminés par des forces spéciales, des forces criminelles diligentées par les pays occidentaux.
« Les Occidentaux sont les champions dans l’art d’utiliser des forces de destruction secrètes particulièrement violentes, coûteuses, nuisibles et plurielles comme je l’ai rappelé tantôt. Le bruit autour des prétendus mercenaires russes est une campagne de très mauvais goût. »
Russes et Chinois essayaient autant que possible de leur accorder écoute, assistance et refuge. Ce ne sont ni les services Russes ni chinois qui ont éliminé Patrice Emery Lumumba, le tout premier premier ministre congolais élu démocratiquement, ce sont les services Belges et américains. La jeune génération d’Africains ne doit jamais oublier, et nous devons saisir des occasions comme la situation au Mali, pour les éveiller, les enseigner, et consigner ces vérités dans leurs mémoires.
« Emmanuel Macron et son Ministre des Affaires étrangères Le Drian, n’ont aucun respect pour les dirigeants africains, et procèdent par une volonté d’humiliation, d’infantilisation, de domination et de colonisation. Le dossier malien n’est qu’un cas d’école. Mais croire que leurs prédécesseurs étaient différents, c’est se tromper lourdement. C’est juste le style qui change d’un président à un autre, et d’une époque à une autre », Pr Shanda Tonme
Revenons sur l’embargo, que peut faire le Mali ?
C’est un coup d’épée dans l’eau à mon avis. Le Mali est pratiquement le seul pays de la planète à avoir des frontières avec six pays différents. Leur truc haineux et télécommandé ne marchera pas contre un tel pays. Et puis, il y a dans cette affaire, un abus de confiance, le vol, le braquage, dans la mesure où la BECEAO n’a aucun droit de confisquer les dépôts des entreprises publiques du Mali.
Ces sauvages se sont comportés comme des apprentis sorciers au premier jour de la rentrée des classes. Parce que Paris menace et dicte, ils s’exécutent comme de serviles subordonnées sans cervelles. Si cette affaire n’est pas dénouée au plus vite, des régimes ouest africains seront emportés par la colère populaire. D’autres coups d’Etat ne sont pas à exclure.
En somme vous prédisez l’enfer non pas pour le peuple malien, mais pour les auteurs de l’embargo ?
Et même pire, pour la France. Il y a longtemps que personne n’avait plus évoqué le boycott des produits et es entreprises françaises, nous y revoici. Tout cela arrive par la faute non pas du Mali ou des activistes africains, mais par la faute de Macron et de son équipe.
Emmanuel Macron est le président français qui a le plus démontré un manque de respect choquant, usé d’un discours irrévérencieux, adopté des postures humiliantes et manifesté un dédain pour les dirigeants africains.
Sarkozy avait son style condescendant, mais procédant d’un caractère naturel d’enfant gâté et précoce surexcité, alors que Macron représente le sommet de l’esprit du Maitre des esclaves. Quant à son ministre des affaires étrangères, Le Drian, franchement il croit s’adresser à des singes.
Vous êtes trop dur, une fois de plus, Professeur ?
Il est temps, que les Africains comprennent comment le monde est manipulé.
Il n’y a pas de cœur ni de pitié, encore moins de religiosité. La confrontation entre les nations est dure et sans pitié, et tant pis pour ceux qui baissent la culotte tout le temps et se plient pour laisser passer les provocations, les injonctions et les humiliations. Avez-vous vu le Rwanda et sa résistance ? Avez-vous vu récemment en Ethiopie, avec la résistance farouche opposée par le premier ministre qui est descendu personnellement au front ?
J’avais été un des tous premiers à attirer l’attention sur le complot contre l’Ethiopie, et peu d’intellectuels et de leaders africains m’avaient suivi. La suite s’est avérée sans discussion, c’est-à-dire juste. Il y a une tentation permanente de casser tout ce qui peut incarner une dignité et un triomphe de l’identité et de la personnalité africaine, et ce ne sont pas les restitutions de quelques bouts de sculptures qui démentiront cette évidence.
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Vous croyez donc à un complot au Mali ?
Mais attendez, des gens disent qu’ils sont venus vous aider, ce qui n’a rien d’anormal, mais ils se transforment ensuite en patrons, en commandants, en donneurs d’ordres au point de vous interdire de mettre les pieds sur une partie de votre territoire, ensuite de vous dicter vos fréquentations. C’est quoi tout ça ? Comment écrit-on encore « impérialisme » ? Si le Mali ne veut plus de la France, alors il faut qu’elle s’en aille dans le respect de sa souveraineté et de la politesse diplomatique. Maintenant, si elle fait de la résistance et recoure à mille manœuvres, on en conclut qu’elle n’était pas venue de bonne foi ni avec de bonnes intentions.
Quelles sont ou pourraient être les vraies intentions ?
Ecoutez, je l’ai dit et le répète très honnêtement. Qui que vous soyez et quelles que soient vos animosités à l’égard de la France, ce pays a été d’une très grande utilité pour préserver l’intégrité du Mali. Souvenez-vous des drapeaux français pavoisant les rues de Bamako pour accueillir François Hollande en héro, après l’intervention prompte pour éviter que les djihadistes ne prennent la capitale.
Je retiens aussi que c’est à Bamako que Macron a effectué sa première visite en Afrique, la deuxième à l’étranger après celle logique et traditionnelle en Allemagne d’un nouveau président de l’hexagone. Franchement, je reconnais, apprécie et félicite. Seulement, nous devons avoir une capacité de lecture géostratégique au-delà des actes de circonstance, des sautes d’humeur, des petites flatteries et des joies de prédation. Ce qui coince, c’est la volonté de nous asservir et de nous dominer éternellement, pour nous enfermer dans la condition d’obligés inconscients et infantilisés.
En termes simples ?
Ecoutez, regardez en Syrie et en Irak ce qu’ils ont fait. C’est exactement le même scénario. Officiellement on débarque en libérateurs et en chantres de la démocratie, mais après, on s’installe de force, on exploite les ressources du pays impunément, on soutien des bandes terroristes et on entretien l’insécurité, la guerre et le désordre pour l’infini. C’est quoi cette histoire des coalitions européennes et américaines au nord du Mali, et sur des étendues de territoires grandes comme toute l’Europe ? Il y a manifestement un problème et un problème sérieux. Le parallèle est net et sans appel.
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A vous entendre, la Russie de Poutine est bienvenue ?
Mais pourquoi la France et les Etats Unis seraient bienvenues et pas la Russie, pas la Chine, pas la Turquie, pas l’Iran, pas Israël, pas les deux Corée, pas le Brésil ? Tout le monde est bienvenu, et il ne dépend que des autorités maliennes, elles seules, de décider. Et puis, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Les pays qui font peur aujourd’hui, sont exactement ceux qui ont été aux côtés des peuples africains durant les luttes pour l’indépendance et contre l’apartheid. Et pour ceux qui ne le savaient pas, c’est à Nikita Kroutchev, le président et premier secrétaire du parti communiste de l’ex URSS, que l’on doit la résolution 1514 de l’Assemblée générale de l’ONU relative à l’octroi de l’indépendance aux peuples et territoires non autonomes. Les Africains estiment à raison dans leur très grande majorité, que les relations avec les occidentaux et particulièrement avec la France, devraient changer de paradigme, de canevas, de référentiels et de code de conduite. Est-ce un crime ? C’est mon opinion, et cela ne veut pas dire que je déteste la France. Il y a un état de fait historique.
Vous êtes donc parmi les militants de l’abandon du Francs CFA ?
Ecoutez, chers amis, le monde change et les peuples se renforcent en termes d’exigences de dignité et de développement. Le Francs CFA est une des plus grosses et des plus insoutenables hérésies des temps modernes. Sa répudiation a dépassé le stade de débat et de principe, pour relever dorénavant de la faisabilité, de la programmation de de l’opérationnalisation objective. Le comportement de la France au Mali, vient remettre la question sur la table de façon violente. Et ce n’est pas que de la monnaie qu’il s’agit, c’est de la reformulation complète des normes de la coopération et de la coopération pacifique entre les nations. Une nation sans souveraineté monétaire n’en n’est plus une de nos jours, et il faut l’accepter, pas seulement faire le constat. Il faut ensuite penser, activer et mettre en œuvre la démarche qui conduit à l’autonomisation de la volonté monétaire et à l’indépendance de son contrôle.
Et si c’était la guerre froide qui reprend les devants en Afrique ?
Je vous signale, en professionnel, en auteur académique et en chercheur, que les nations sont en permanence en guerre. Les manifestations et les proclamations d’amitié, ne sont que des convenances protocolaires de circonstance. L’Afrique fait partie du monde, et le Mali est un fragment de l’échiquier planétaire sur lequel les puissances de toutes envergures, avancent des pions, jouent pour perdre ou pour gagner, jouent en permanence pour se maintenir dans une position et préserver leurs intérêts, quand elles ne les font pas triompher avec éclat.
Vous voyez bien que Poutine crie à la tricherie contre les occidentaux qui usent et abusent de combines ouvertes pour installer des armes nucléaires à ses frontières, au travers de la vassalisation de pays à l’instar de l’Ukraine qui jadis se trouvaient sous leur coupe. C’est la guerre, et elle se prolonge partout, avec le mensonge, des provocations, des lâchetés et des menaces. Ailleurs, on vous dit que l’Ukraine est libre de choisir ses alliances, ici on nous dit que les Maliens n’ont pas le droit de choisir leurs amis. Comment interprétez-vous de telles montages, sinon par de la fourberie et une volonté de domination et de préemption colonialiste et impérialiste ?
Merci professeur, mais apparemment, vous semblez peu nombreux, surtout au Cameroun, à vous exprimer sur cette question avec autant de force et de puissance ? Je rappelle que vous êtes aussi chef d’un parti politique, le Mouvement populaire pour le dialogue et la réconciliation (MPDR), et par ailleurs président d’une organisation humanitaire très active, la Commission indépendante contre la corruption et la discrimination, (COMICODI).
Franchement, toutes ces casquettes ne veulent rien dire. La vérité n’a pas besoin de diplômes ni de statut social pour s’exprimer, et la défense des intérêts nationaux, ne dépend nullement des mérites, des honneurs et des médailles quelconques. On s’exprime sur son pays et on le défend comme on le fait quand son enfant est en souffrance, quand la famille est en danger, quand on doit arroser son champ.
La vérité c’est qu’il y a un grand recul de la formation idéologique et politique chez les jeunes, les cadres et les intellectuels africains. Nombre de ce que l’on appelle présidents ou chefs des formations e mouvements politiques, ne savent même pas faire la distinction entre capitalise et socialisme, entre la Russie et la Chine, entre les Etats Unis et la Venezuela. Ils sont tout simplement creux et plats, et c’est pourquoi ils font des va-et-vient et des retournements selon la couleur du temps, et selon les saisons.
Peut-on espérer une sortie de crise rapide au Mali ?
Mais il n’y a pas que le Mali. Il y a de nombreux autres champs de confrontations. Je peux cependant vous assurer que le monde avance malgré tout, et que les forces de l’obscurantismes, du conservatisme, du colonialisme et de l’impérialisme sont en recul partout, et selon un processus incontournable qui verra même le verrou du fameux Francs CFA sauter bientôt. L’Amérique latin est en train de basculer à nouveau à gauche. L’’important demeure cependant, la promotion et le renforcement des mécanismes du dialogue et de la coexistence pacifique partout. Brandir les armes ne suffira pas pour arrêter le processus.
Donc, on doit espérer pour le Mali, et même pour le Cameroun ?
Ah bon, le Cameroun ? Mais oui et oui. Vous connaissez mon pragmatisme. Je l’ai dit et soutenu, la succession de Paul Biya se prépare, et le président demeure le seul maître des grandes articulations.
Que personne ne se trompe et ne tente de le bousculer, au risque de compliquer inutilement les choses et de payer le prix fort en retour. Il en va de même de la crise des régions anglophones pour laquelle, j’ai la ferme conviction que le dialogue triomphera, et même que si le fédéralisme s’impose à terme comme la solution, nous réviserons la constitution pour mettre clairement en œuvre cette option, afin d’arrêter les souffrances de notre peuple. Mais il reste que le dialogue n’implique pas et n’impliquera jamais un blanc-seing pour les terroristes.
Ceux qui ont commis ou diligenté les crimes terroristes les plus odieux à l’instar des assassinats des écoliers, des avocats, des agents de l’Etat aux mains nues, seront traqués, arrêtés et conduits devant les tribunaux. Il e sera ainsi, que le sommet de l’Etat change ou pas.
Et pour le Mali donc ?
Maintenant, pour le Mali, ne vous faites pas d’illusions sur cet embargo. Le Mali s’en sortira. D’ailleurs, quelle bêtise d’avoir fait tout cela, alors que le procès de l’assassinat de Thomas Sankara est en cours au Burkina Faso ? Je plains les opportunistes qui se taisent par calculs malsains. Je n’ai entendu aucune déclaration officielle de condamnation de Laurent Gbagbo et de son parti dit panafricaniste. Voilà qui veut tout dire. Mais ça ne fait rien, ils payeront très chers le défi lancé au peuple malien.
Le monde a changé, et des réformes n’auront besoin que de gens courageux pour éclore, pour triompher partout. Les donneurs de leçons de démocratie comprendront qu’il faut revoir leur copie, car ni la France, ni les Etats Unis et ni la Grande Bretagne, ne constituent de modèles réels et incontestables. L’humanité demeure dans un processus éternel d’apprentissage, de perfectionnement voire de tâtonnements. Le pays parfait et le régime sans reproches n’existe nulle part.
Donc, avec ou sans les militaires, ce qui vous intéresse ce sont les réformes, la marche en avant ?
Oui, mais en accordant la priorité au dialogue et au principe de la promotion d’une société réconciliée, pacifique, fraternelle, équitable et selon des normes consensuelles. Nous ne dictons rien à la France et aux Etats Unis, et eux à leur tour, ne devraient rien nous dicter. Chaque peuple dispose des ressources intellectuelles et de la sagesse nécessaire, pour se prendre en charge, pour s’élever ou pour se rabaisser. Ce ne sont pas des Africains qui sont allés casser le Congrès des Etats Unis avec des armes, pour essayer d’empêcher la proclamation officielle du résultat de l’élection présidentielle qui a vu la victoire de Joe Biden, c’étaient des Américains et des Américaines de pure souche.
Et l’avenir de la coopération franco-africaine ?
Les temps ont changé, et les dirigeants français doivent en tenir compte. Malheureusement, j’ai le sentiment que ce sera très douloureux pour eux, au regard de mes échanges lors de mes derniers voyages, avec des intellectuels, des artistes et des politiciens français. Ils dorment encore sur les oreillers et les matelas du passé, pendant que les puissances nouvelles, les partenaires nouveaux sont actifs en Afrique et changent complètement les données, réécrivent les termes des échanges, et redessinent la carte des intérêts nationaux. Ce n’est pas pour rien qu’un grand groupe hyper puissant et hyper dominateur comme Bolloré, est en train de se désengager de ses positions de rente er d’exploitation insolentes en Afrique, c’est par dépit, et en désespoir de cause. Le vent tourne. Je vous renvoie à cet effet à deux mes ouvrages, publiés chez L’Harmattan :
« Reformer la gouvernance mondiale »
« Conflits d’éthiques et crises des relations internationales »
Avez-vous personnellement pris des initiatives dans le cadre de cette crise, vous qui vous définissez comme un Médiateur universel ?
Bien sûr que oui. J’ai adressé des correspondances aux Présidents Ouattara et Macky Sall, à travers leurs Ambassadeurs au Cameroun, de même qu’au Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Gutterez par le truchement du représentant permanent du PNUD à Yaoundé.
Merci professeur./.
Propos recueillis par Marcien Essimi pour Afrique54.net