Art et Culture : Deux Camerounais en vitrine à la Galerie Christophe Person
►► À Paris, la Galerie Christophe Person accueille l’exposition Absences incarnées, du 20 mars au 10 mai 2025. Wilfried Mbida et Arnold Fokam, deux artistes camerounais, y présentent leurs œuvres comme autant de fragments de mémoire, d’intimité et de spiritualité. À travers le silence, les rituels et la nature, leurs créations transforment le deuil en matière artistique.
Paris, Afrique54.net | Dès l’entrée, un souffle de recueillement envahit la galerie. Les murs blancs, propice à la contemplation, accueillent silences, absences, et regards perdus dans la mémoire. Les visiteurs, silencieux et absorbés, déambulent lentement. Certains murmurent. D’autres s’arrêtent longtemps, happés par un regard peint, une texture, un vide. L’exposition ne se regarde pas seulement. Elle se traverse, se ressent, laissant chacun sans voix, comme emporté par une émotion universelle que les œuvres réveillent doucement.
Arnold Fokam interroge la place de l’humain dans la nature
Arnold Fokam , basé à Douala, explore l’art sous toutes ses formes. Diplômé en Arts plastiques et Histoire de l’Art de l’Institut des Beaux-Arts de l’Université de Douala à Nkongsamba. Il s’est d’abord formé à la peinture sur toile avant d’embrasser une pratique pluridisciplinaire : photographie, assemblage, création sonore et installation. Son œuvre s’inspire de la spiritualité, la culture et les écosystèmes urbains pour interroger la place de l’humain dans la nature. Lauréat du Prix Goethe Découverte en 2020, et du Prix Barthélémy Toguo en 2023. Il s’impose comme l’un des artistes camerounais les plus prometteurs de sa génération.
Dans Les Ré-enchanteresses, série qu’il présente à la galerie, l’artiste évoque la disparition de sa sœur et la mémoire du corps à travers la nature. Portée par les croyances bamilékés, où la nature est considérée comme le reflet des ancêtres, cette série entremêle écologie et mysticisme, deuil et renaissance. L’eau, la forêt et les ruisseaux deviennent les nouveaux visages de ceux qui ne sont plus. Une démarche qui touche au sacré, à la frontière du visible et de l’invisible.
Wilfried Mbida , dans l’univers médiatif
Face à lui, Wilfried Mbida , sélectionnée pour la Biennale de Casablanca en 2022, elle a également été exposée à la Galerie d’Art Contemporain de Yaoundé et à l’Institut français du Cameroun avec son exposition personnelle Kédé Ndap. Elle adopte un univers tout aussi médiatif. Sa pratique figurative explore les intérieurs familiaux. Dans ces lieux du quotidien, elle traque l’empreinte laissée par les absents. Les portraits semblent suspendus dans le temps. Rien ne crie. Tout est murmure.
Dans Absences incarnées, elle présente des œuvres inspirées du rituel funéraire beti appelé Essani, un passage spirituel du défunt vers le monde des ancêtres. Elle capte les instants où le modèle “n’est plus”, où la présence devient mémoire. Son regard sur le deuil est doux, presque silencieux, mais infiniment pénétrant.
L’absence comme matière, l’art comme langage
Le deuil, ici, n’est ni lourd ni écrasant. Il s’impose dans les couleurs tamisées, les textures brutes, les corps absents. Il transforme ses œuvres en passerelle entre le visible et l’invisible. Arnold Fokam parle de réincarnation. Wilfried Mbida , de mémoire figée. Tous deux sculptent l’absence.
Pour de nombreux visiteurs, notamment issus de la diaspora, cette exposition est un miroir sensible. Elle réveille des souvenirs familiaux, des rites oubliés, des douleurs enfouies. Mais elle offre aussi une forme de paix : une acceptation de l’absence comme partie intégrante de la vie, et de la création comme réponse possible à l’invisible.
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En quelques années, la Galerie Christophe Person est devenue un incontournable de la scène contemporaine africaine à Paris. Dédiée aux artistes du continent et de sa diaspora, elle met en lumière les démarches qui croisent engagement esthétique et récit personnel. Absences incarnées s’inscrit dans cette logique, en proposant une rencontre sensible entre deux talents camerounais dont les pratiques, bien que différentes, convergent autour d’un thème universel : le deuil.
À retenir
- Exposition : Absences incarnées, jusqu’au 10 mai 2025.
- Lieu : Galerie Christophe Person, 39 rue des Blancs-Manteaux, Paris 4e.
- Artistes : Arnold Fokam & Wilfried Mbida (Cameroun).
- Thème : Le deuil, entre mémoire intime et spiritualité.
- Clé de lecture : Entre nature et intérieurs, entre corps et rituels, deux formes de silence prennent la parole.
© Afrique54.net | Daria Tchemy, depuis Paris
