« L’Afrique peut réduire son empreinte carbone » : Interview exclusive avec Zakaria Coulibaly, spécialiste en ingénierie du pétrole et en technologie du sous-sol
►► Diplomé de l’Université de Louisiana-Lafayette, Zakaria Coulibaly, spécialisé en ingénierie du pétrole et en technologie du sous-sol, avec un focus sur les matériaux qui améliorent l’intégrité des puits de pétrole, a accordé une interview à Afrique54 à qui il a confié que “L’Afrique peut réduire son empreinte carbone tout en continuant de se développer économiquement, grâce à la nanosilice.”
►► Zakaria Coulibaly parle de « cette technologie peut aider le continent à respecter les objectifs climatiques internationaux tout en protégeant les communautés locales des impacts environnementaux ».
■ Journaliste : Pouvez-vous vous présenter brièvement ainsi que votre domaine d’expertise ?
M. Zakaria Coulibaly : Diplôme d’un Master en Ingénierie pétrolière de l’Université de Louisiana-Lafayette, je suis spécialisé en ingénierie du pétrole et en technologie du sous-sol, avec un focus sur les matériaux qui améliorent l’intégrité des puits de pétrole. Actuellement, je travaille sur la nanosilice et son rôle dans le colmatage des fractures du ciment dans les puits. Il s’agit d’un nanomatériau essentiel pour le stockage du carbone.
■ La nanosilice est fascinante. Concrètement, comment aide-t-elle à colmater les fractures du ciment ?
Les particules de nanosilice sont extrêmement petites, de l’ordre du nanomètre, ce qui leur permet d’entrer dans les microfissures du ciment. Lorsqu’on les mélange à la boue de ciment ou qu’on les injecte dans des fractures existantes, elles réagissent avec le ciment pour former davantage de silicate de calcium hydraté. Cela ferme efficacement les fissures, renforce la structure du puits et empêche les gaz, comme le CO₂, de remonter à la surface.

■ Suite à votre réponse ci-dessous, cela améliore alors l’étanchéité du ciment dans les puits. Quel est le lien avec le captage et le stockage du carbone ?
Dans le captage et le stockage du carbone (CSC), on injecte le CO₂ dans des formations souterraines profondes. L’un des grands défis est de s’assurer que le CO₂ reste bien piégé sous terre et ne fuit pas dans l’atmosphère. Les fractures du ciment dans les puits ou les anciens forages peuvent devenir des voies de fuite. En utilisant la nanosilice pour renforcer et sceller ces fractures, on réduit fortement le risque de fuites et on rend le CSC plus sûr et plus fiable comme solution contre le changement climatique.
■ Pouvez-vous expliquer pourquoi le CSC est important pour lutter contre le réchauffement climatique, en particulier en Afrique ?
L’Afrique est à un stade clé de son développement industriel, ce qui entraîne forcément une hausse des émissions de CO₂. Le CSC permet de capturer le CO₂ des usines, des centrales électriques et des raffineries avant qu’il n’atteigne l’atmosphère.
Avec un stockage sécurisé, renforcé par du ciment à base de nanosilice, l’Afrique peut réduire son empreinte carbone tout en continuant de se développer économiquement. Cette technologie peut aider le continent à respecter les objectifs climatiques internationaux tout en protégeant les communautés locales des impacts environnementaux.
■ Existe-t-il des projets pilotes ou des recherches utilisant la nanosilice pour le CSC en Afrique ou ailleurs ?
À l’échelle mondiale, il existe des projets expérimentaux qui testent la nanosilice dans le ciment des puits utilisés pour le stockage du CO₂. En Afrique, nous commençons à explorer son potentiel, notamment dans les pays qui ont un secteur pétrolier et gazier actif et donc déjà des infrastructures de puits. L’objectif principal est de prouver la durabilité à long terme et le bon rapport coût-efficacité, afin de favoriser une adoption plus large.
■ Pour finir, comment voyez-vous l’avenir de la nanosilice et du CSC ?
Je pense que le ciment renforcé à la nanosilice deviendra une pratique courante dans les opérations de CSC, car il résout un problème clé, à savoir la prévention des fuites. En le combinant avec de meilleures technologies de surveillance et des cadres réglementaires plus solides, on pourrait déployer le CSC à grande échelle en Afrique et dans le reste du monde, en faisant un outil central dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Interview réalisée par Stéphane Beti, Correspondant Afrique54 Afrique de l’Ouest



