►►La tolérance, la coexistence, les échanges et l’apprentissage mutuel entre les différentes civilisations jouent un rôle irremplaçable dans l’avancement du processus de modernisation de l’humanité, alors que l’avenir de tous les pays est étroitement lié.
BEIJING- Dans le bureau tapissé de livres du professeur Stelios Virvidakis à l’Université d’Athènes, l’institution académique la plus ancienne et la plus estimée de Grèce, une lettre est soigneusement conservée comme un modèle de pont précieux et délicat.
Elle émane du président chinois Xi Jinping, qui l’a remise en félicitation de l’inauguration en février 2023 du Centre sino-grec pour l’apprentissage mutuel des civilisations au sein de l’université séculaire.
« Ce fut une surprise charmante pour nous tous », a déclaré M. Virvidakis, son regard de philosophe s’adoucissant à l’évocation de ce souvenir.
Dans sa lettre, M. Xi rappelle qu’il y a plus de 2.000 ans, la Chine et la Grèce, deux civilisations brillantes situées à chaque extrémité du continent eurasien, ont apporté des contributions novatrices à l’évolution de la civilisation humaine.
Aujourd’hui, a-t-il souligné, il est d’une grande importance historique et contemporaine qu’elles travaillent ensemble pour promouvoir les échanges et l’apprentissage mutuel et renforcer le développement de toutes les civilisations.
Cette lettre, conservée avec soin, reflète la vision plus large de M. Xi, qui consiste à encourager le dialogue interculturel et l’apprentissage mutuel en tant que catalyseur de la paix et du développement de la planète, une vision qui a guidé son action diplomatique dans le monde entier.
Cette aspiration est parfaitement incarnée par son Initiative pour la civilisation mondiale (ICM), lancée lors d’une conférence entre le Parti communiste chinois (PCC) et les partis politiques mondiaux en 2023, où il a souligné que la tolérance, la coexistence, les échanges et l’apprentissage mutuel entre les différentes civilisations jouent un rôle irremplaçable dans l’avancement du processus de modernisation de l’humanité, alors que l’avenir de tous les pays est étroitement lié.
A l’approche du deuxième anniversaire de l’ICM samedi, la vision de M. Xi, qui consiste à construire un monde où les civilisations ne se heurtent pas mais dialoguent, est devenue encore plus pertinente, à la fois comme une révérence à des liens ancestraux et comme un point de suture audacieux dans une tapisserie mondiale qui s’effiloche.
PEU IMPORTE, EST OU OUEST

« Le garçon était un lecteur avide de littérature et d’histoire, particulièrement captivé par la poésie de Du Fu », se rappelle Chen Qiuying, qui a enseigné le chinois à M. Xi en 1965, alors adolescent.
Du Fu, poète réaliste le plus vénéré de la dynastie Tang (618-907), était célèbre pour la profonde empathie et la compassion qu’il manifestait à l’égard des gens du peuple dans ses œuvres. Cet esprit se retrouve dans l’engagement ferme de M. Xi à lutter contre la pauvreté et à promouvoir le bien-être de la population.
« M. Xi m’a imploré de lui recommander davantage d’ouvrages de Du Fu », se souvient Mme Chen. « Il avait un comportement calme et rationnel, se plongeant dans des lectures approfondies et une profonde contemplation. »
Quatre ans plus tard, jeune étudiant instruit, M. Xi s’est porté volontaire pour se rendre à Liangjiahe, un village isolé et pauvre niché dans le relief accidenté de la province de Shaanxi, au nord-ouest de la Chine.
Il a emporté avec lui deux valises remplies de livres. Pendant les sept années qu’il a passées là-bas, il a dévoré tous les livres qu’il a pu trouver, allant des anciens manuels chinois aux romans étrangers tels que « Le Rouge et le Noir » de Stendhal et « Guerre et Paix » de Léon Tolstoï.
« Durant ces jours à Liangjiahe, M. Xi n’a jamais cessé de lire et réfléchir », a indiqué Dai Ming, qui partageait le logement d’une grotte avec lui à l’époque.

Le vif intérêt de M. Xi pour les différentes cultures n’a jamais cessé depuis, que ce soit en tant que fonctionnaire local ou en tant que dirigeant suprême de la Chine. Lorsqu’il était secrétaire du comité provincial du PCC du Zhejiang, il a invité des universitaires à donner des conférences sur les philosophies chinoises et occidentales.
En novembre 2019, lors de sa première visite d’Etat en Grèce, M. Xi a visité le musée de l’Acropole, situé au pied de l’emblématique et ancienne Acropole. Il est resté un moment à l’entrée ensoleillée du troisième étage du musée, les côtés est et ouest étant ornés de sculptures exquises du fronton de l’Acropole : la naissance d’Athéna et la lutte féroce entre elle et Poséidon pour le titre de protecteur d’Athènes.
« C’est la version grecque du Shan Hai Jing », a-t-il fait remarquer, faisant allusion à l’ancien recueil de mythes et légendes de la Chine.
« Il ne s’intéresse pas seulement à un seul artefact », selon Dimitrios Pandermalis, alors président du musée de l’Acropole. « Il possède une profonde fascination pour la civilisation de la Grèce antique et son histoire, ainsi qu’une grande appréciation de l’art et de l’architecture de la Grèce antique. »
LE POUVOIR DES ECHANGES
Avant sa visite d’Etat au Pérou en novembre de l’année dernière, M. Xi a publié une tribune signée dans le journal péruvien El Peruano, dans lequel il médite sur la pierre Intihuatana, un ancien autel situé à Machu Picchu où les Incas suivaient les saisons et élaboraient des calendriers basés sur les ombres solaires changeantes.
Il a noté que la structure fonctionnait selon les mêmes principes que ceux qui ont inspiré la création des cadrans solaires dans la Chine ancienne. « Beaucoup m’ont dit que les Chinois et les Péruviens ressentiraient une chaleur instantanée lors de leur première rencontre et auraient un sentiment de déjà-vu lorsqu’ils apprécient les objets antiques de l’un ou l’autre », a-t-il écrit.
Depuis qu’il a accédé à la présidence chinoise, M. Xi a fait des échanges culturels l’une des caractéristiques de son approche diplomatique. Les échanges culturels sont un projet visant à « rapprocher les cœurs et les esprits des peuples et à construire un avenir meilleur », a-t-il insisté, une conviction qu’il porte depuis l’époque où il travaillait à des postes locaux.
En 2005, en tant que chef du comité du Parti pour la province du Zhejiang, il a envoyé une lettre de félicitations à l’occasion de l’ouverture du premier programme de la semaine culturelle de la province en Europe. Parmi les points forts de cet événement, qui s’est tenu dans les Alpes-Maritimes en France, figurait une exposition de peintures réalisées par des agriculteurs et des pêcheurs locaux : une forme unique d’art populaire chinois qui dépeint le rythme et la beauté de la vie rurale et côtière à travers des teintes vibrantes et des formes évocatrices.
En tant que président de la Chine, M. Xi n’a cessé de plaider en faveur du respect mutuel, de la compréhension mutuelle et de l’apprentissage mutuel entre les différentes cultures et civilisations.

Lors de sa visite d’Etat en France en mai dernier, il a apporté des traductions chinoises de romans français classiques en guise de cadeaux à son homologue français, Emmanuel Macron. En retour, ce dernier lui a offert une œuvre spéciale de l’auteur français Victor Hugo.
Grâce à ses efforts constants, les échanges culturels entre la Chine et d’autres pays sont en plein essor. Au cours de la dernière décennie, la Chine a organisé plus de 30 programmes d’années culturelles et touristiques avec d’autres pays, notamment ceux qui s’inscrivent dans le cadre de la coopération sur l’Initiative la Ceinture et la Route.
« La civilisation chinoise (…) est devenue ce qu’elle est aujourd’hui grâce à des interactions constantes avec d’autres civilisations », a dit M. Xi lors de la cérémonie d’ouverture de la Conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques qui s’est tenue en mai 2019 à Beijing.
« L’isolement à long terme entraînera le déclin d’une civilisation, tandis que les échanges et l’apprentissage mutuel soutiendront son développement. Une civilisation ne peut s’épanouir que grâce aux échanges et à l’apprentissage mutuel avec d’autres civilisations », a-t-il ajouté.
LES COULEURS DES CIVILISATIONS
Ces dernières années, certains universitaires et hommes politiques occidentaux ont de nouveau colporté la théorie du choc des civilisations, proposée pour la première fois par le politologue américain Samuel Huntington en 1993. Ils présentent certaines civilisations comme étant supérieures à d’autres et cherchent à diviser les pays en fonction de critères idéologiques et raciaux.
La résurgence de ces sentiments s’explique par le fait que le monde subit des transformations sans précédent depuis un siècle. Les pays du Sud global, en pleine ascension collective, revendiquent de plus en plus fort leur droit légitime à la modernisation, tandis que les déficits mondiaux en matière de paix, de sécurité, de développement et de gouvernance ne cessent de se creuser.
Aux yeux de M. Xi, aucune civilisation au monde n’est supérieure aux autres, et toutes les civilisations sont égales et uniques. « Les civilisations sont de couleurs différentes et cette diversité rend les échanges et l’apprentissage mutuel entre les civilisations pertinents et précieux », a-t-il fait remarquer dans un discours prononcé au siège de l’UNESCO à Paris en 2014.
Quelques mois après avoir présenté l’ICM en 2023, M. Xi a expliqué lors d’un événement à San Francisco que l’initiative visait à « exhorter la communauté internationale à remédier au déséquilibre entre le progrès matériel et culturel et à promouvoir conjointement le progrès continu de la civilisation humaine ».
Les initiatives mondiales de la Chine, y compris l’ICM, prônent un ordre égalitaire et inclusif dans la poursuite d’une gouvernance mondiale juste et cohérente, a indiqué Ong Tee Keat, ancien ministre malaisien des Transports, qui assume la présidence du Caucus de l’Initiative la Ceinture et la Route pour l’Asie-Pacifique.
« L’ICM a fait passer un message clair selon lequel toutes les nations ont le droit de choisir leur propre voie de développement dans leur quête de modernisation, qui n’est pas nécessairement synonyme d’occidentalisation », a-t-il ajouté.
En septembre 2024, lors de la cérémonie d’ouverture du sommet du Forum sur la coopération sino-africaine, M. Xi a présenté dix actions de partenariat pour la modernisation, la première étant « l’action de partenariat pour l’apprentissage mutuel entre les civilisations ».
« La Chine renforcera les échanges entre peuples et les échanges culturels avec l’Afrique, défendra le respect mutuel, l’inclusion et la coexistence des différentes civilisations sur notre voie de la modernisation, et s’efforcera ensemble d’obtenir des résultats plus fructueux dans le cadre de l’ICM », a-t-il affirmé.
L’ordre mondial conçu pour servir les intérêts des puissances occidentales ne répondant plus à l’évolution des besoins et des aspirations des pays du Sud global, l’appel au changement est une réponse naturelle, selon Ong Tee Keat.
« Cela doit se produire (…) en dehors de toute subordination mentale. Ce n’est qu’à cette condition qu’un environnement propice à la modernisation et au développement d’une nation pourra être mis en place », a-t-il ajouté. « A cet égard, l’ICM est sans aucun doute un puissant catalyseur. »
By Xinhua