Dénonciation de l’APV-FLEGT : Un autre visage de la guerre…économique
►► La réalisation des projets structurants au Cameroun entraîne la déforestation et la mise sur le marché des enlèvements de bois jugés incompatibles par son partenaire européen. Cette réalité a été l’une des pommes de discorde de l’Accord de Partenariat mourant.
Afrique54.net › Le Cameroun projette ainsi la même préoccupation que les grands pays forestiers du monde. Se développer et promouvoir la gestion durable des forêts. Le CIFOR (Centre International pour la recherche forestière) prévoit que la mise en œuvre des projets divers prévus dans le cadre de l’émergence au Cameroun va provoquer la conversion des terres (la perte du couvert forestier) de l’ordre de 2.2 millions ha dont 1,2 ha pour la seule agriculture de seconde génération et 800 ha pour les autres infrastructures (routes, barrages, ponts, exploitation minières etc.).
Dans la réalité, ceci concerne la construction des barrages hydroélectriques de Lom Pangar, Mekin, Memve’ele, Nachtigal, la mise en œuvre des grands projets routiers et miniers (exploitation du fer de Mbalam) construction des lignes de chemin de fer et les grands projets agricoles.
La proposition de décision du Conseil de la Commission de l’UE du 2 Octobre 2024 relative à la dénonciation de l’Accord de partenariat entre l’UE et la République du Cameroun sur l’Application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux des bois et produits dérivés vers l’UE est la manifestation de cette incompréhension autour de la gestion durable des écosystèmes forestiers et la mise en œuvre des aspects du pacte vert.
En dehors des anciennes plantations agro-industrielles de la CDC, PALMOL, HEVECAM etc, toutes les tentatives récentes de création d’agro-industries au Cameroun (palmiers à huile, banane, cacao, hévéa) se sont heurtées à la vive hostilité des partenaires au développement et des ONG nationales et transnationales (Greenpeace, les Amis de la Terre…). Au demeurant, sous le vocable de « zéro déforestation » se cache une politique commerciale masqué très répressive.
Écologiquement répressif
Le nouveau partenariat envisagé avec le Cameroun et en cours d’expérimentation en RDC prévoit des règles obligatoires en matière de diligence raisonnée pour les opérateurs qui mettent sur le marché de l’UE des produits de base spécifiques qui sont associés à la déforestation et à la dégradation des forêts (comme le soja, la viande bovine, l’huile de palme, le bois, le cacao et le café) et certains produits dérivés, tels que le cuir, le chocolat et les meubles.
Les opérateurs seront tenus de collecter les coordonnées géographiques des terres sur lesquelles les produits de base qu’ils mettent sur le marché ont été produits. Cette traçabilité stricte vise à garantir que seuls les produits «zéro déforestation» entrent sur le marché de l’UE et que les autorités compétentes des États membres disposent des moyens nécessaires pour contrôler que tel est le cas.
La société civile hausse le ton
En réaction à la dénonciation de l’APV-FLEGT par l’UE, Germain Mbia Yebega, observateur de la Société civile camerounaise, insiste sur les enjeux de souveraineté.
« La proposition de dénonciation semble aussi cacher un véritable enjeu de déni de la souveraineté du Cameroun », souligne l’observateur. « En effet, dans leur arrogance, les auteurs de la proposition, de façon insultante, semblent en effet vouloir dicter au Gouvernement Camerounais les règles applicables en matière d’exploitation forestière au seul profit de l’UE et au mépris des intérêts du Cameroun, en dressant la liste des types de titres d’exploitation forestière qui seraient acceptables et ceux qui ne le seraient pas. Ainsi, parce que, appartenant généralement à des investisseurs Européens qui les ont acquises de longue date et de gré à gré, sans procédures d’appel d’offres, seules les Concessions forestières seraient acceptables, tandis que les ventes de coupe, d’attributions plus récentes par voie d’appel d’offres, généralement à des investisseurs asiatiques mieux disant, seraient inacceptables car non détenues par les capitaux Européens », Germain Mbia Yebega.
Ce que doit faire le gouvernement
Ebloui par les appuis constants du Fonds Européen de Développement dans divers secteurs, le gouvernement du Cameroun comprendra-t-il les vrais enjeux de la diplomatie verte de son partenaire européen. Corrigera-t-il ses lignes de fractures pour se mettre en rangs serrés pour relever l’ensemble des défis autour de la gestion durable des forêts et ses conséquences sur les autres secteurs économiques. Il est presque acté qu’il n’y aura pas de sitôt une approche commune au sein de la CEMAC. Comme avec les APV, l’Union Européenne préfère des accords bilatéraux plus avantageux et dépouillés des logiques grégaires. Cela appelle plus que jamais à plus de vigilance. Les Etats n’ont pas d’amis.
La souveraineté nationale et les questions de survie à long terme ne doivent pas se diluer dans les aides de l’Union Européenne. Elle se donne les moyens de sa politique par l’infiltration des organisations internationales, transnationales et le soutien actif aux ONG et acteurs de la société civile. Nous sommes donc cernés !
Une correspondance particulière de Paul MINKOUSSE