L’industrie européenne fait face à la menace protectionniste des Etats-Unis [ANALYSE]
►Une baisse de la production et de médiocres perspectives de vente sur le marché américain. C’est le défi auquel se trouve confrontée l’industrie européenne face au protectionnisme des Etats-Unis.
[BEIJING]- Le président américain Joe Biden a signé à la mi-août la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) dans laquelle des articles liés au secteur industriel ont été perçus comme discriminatoires et problématiques. Ces articles accordent la priorité à l’industrie locale en mettant sous pression l’industrie européenne déjà mal en point, selon un article publié le 16 novembre par le Figaro, « L’Europe désarmée face au protectionnisme américain ».
Une fois entrée en vigueur, l’IRA a suscité de vives réactions au sein des grandes économies du monde, dont celles du vieux continent.
Rien que dans le secteur des véhicules électriques (VE), on a pu prévoir les impacts suivants : dans le domaine de la production, ce dispositif hautement restrictif force les entreprises à augmenter leur part de production aux Etats-Unis.
Selon une estimation de l’Automotive News Research & Data Center, le crédit d’impôt proposé dans l’IRA profite davantage aux marchandises produites localement et au détriment de celles importées, accélérant l’afflux des investissements des entreprises étrangères sur le territoire américain, contribuant ainsi à un plus grand nombre de VE fabriqués aux Etats-Unis, y compris ceux de marques européennes.
Dans ce contexte, le constructeur automobile allemand BMW s’est dit prêt à investir 1,7 milliard de dollars dans la production des VE et des batteries aux Etats-Unis, après son annonce en avril dernier sur la mise en place de sa deuxième usine dans ce pays, selon une information diffusé le 19 octobre dernier par la chaîne américaine CNBC.
En ce qui concerne la vente, les constructeurs européens sont moins compétitifs que leurs concurrents locaux sur le marché américain, en raison de la pression protectionniste.
D’après l’Automotive News Research & Data Center, Tesla occupe une position dominante dans la vente des VE sur le sol américain en affichant une croissance stable au 3e trimestre. Bien que des marques européennes réalisent une croissance plutôt faible, elles sont incapables de reprendre la domination qui leur était destinée auparavant et seraient dépassées, notamment dans le cadre de l’application de l’IRA, par des marques locales dont Cadillac et Lincoln.
Confrontées à ces impacts, les fabriquants européens de VE sont donc acculées. Plus généralement, la chaîne industrielle de l’Europe risque en fait de s’effondrer sous la menace américaine, « elle (l’IRA) fait courir le risque d’un choc industriel majeur sur l’industrie française et européenne », a averti le 7 novembre le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire.
Pourtant, inquiet de l’incertitude de la conjoncture internationale, Washington mise davantage sur la sécurité de sa chaîne industrielle. La Maison Blanche a annoncé plusieurs mesures pour restaurer son leadership industriel au début du conflit russo-ukrainien, d’après un article publié le 27 février par Forbes.
Dans ce cadre, l’IRA ne se contente pas de s’attaquer à la réduction de l’inflation, contrairement à ce que son nom pourrait laisser entendre, mais elle aura une influence majeure sur la stratégie énergétique et industrielle américaine, d’après une tribune parue dans le Monde le 8 novembre. Vu son caractère protectionniste, ses subventions d’envergure « risquent de creuser davantage cet écart (du déficit de compétitivité) », a alerté M. Le Maire le 6 novembre.
La compétitivité de l’industrie européenne est d’ailleurs en péril, d’autant plus qu’est intervenue la pénurie d’énergie sur fond de conflit russo-ukrainien. En pleine envolée des prix de l’énergie, nombre d’entreprises industrielles européennes se mobilisent en faveur de la sobriété.
Possédant des usines dans des régions européennes les plus dépendantes au gaz russe, l’Allemand Volkswagen envisage de privilégier d’autres sites du vieux continent, ceux ayant un meilleur accès aux livraisons maritimes de gaz naturel liquéfié (GNL), afin de réduire ses coûts.
Préoccupés par ces problèmes qu’ils ont en commun, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz sont convenus de mettre en garde contre la menace de l’IRA, lors du tête-à-tête le mois dernier. « Je pense que ce (l’IRA) n’est pas amical« , a jugé M. Macron le 8 novembre, avant d’ajouter, « il y a besoin d’un réveil européen sur ce point ».
Washington entend toutefois éviter une « guerre commerciale » avec l’Europe, à moindre coût. Une réunion au sujet de l’IRA, entre les ministres européens du Commerce et leur homologue américaine, a eu lieu le 31 octobre dernier pour apaiser la tension bilatérale en la matière. Le ministre tchèque de l’Industrie et du Commerce, Jozef Sikela, a souligné à cette occasion que « ce texte est extrêmement protectionniste », tandis qu’aucun revirement n’a été observé quant à l’attitude américaine.
Il reste néanmoins des moyens pour la promotion à l’industrie européenne. Diversifier davantage la localisation sur les marchés émergents dont l’Asie ou l’Amérique du Sud pourrait constituer une bonne option. Selon les statistiques de l’ASEAN Automotive Federation, le marché automobile indonésien connaît une croissance considérable malgré la pandémie de COVID-19. Grâce à la performance extraordinaire et à la belle perspective sur le marché en Indonésie, le constructeur automobile multinational Stellantis a l’intention de proposer plus de véhicules à la clientèle locale dans les années suivantes, selon un article publié le 5 octobre par Le Figaro.
A la suite des différends sur les aides à l’avionneur américain Boeing, les droits de douane visant l’acier européen et les VE cette fois-ci, il est inévitable pour l’Europe d’être confrontée à d’autres obstacles dressés par les Etats-Unis. Mais face à la menace protectionniste, elle peut intensifier la collaboration avec ses partenaires émergents afin d’assurer la résilience de sa chaîne industrielle.