NEW YORK, USA, le 18 Août 2022 -/African Media Agency(AMA)/- Près de 90% de la population de la région éthiopienne du Tigré, soumise à un « blocus de facto », est dans une situation d’insécurité alimentaire, a révélé jeudi une enquête d’une agence des Nations Unies.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), l’évaluation de la sécurité alimentaire urgente du Tigré montre une « situation préoccupante » et 89% des personnes sont en situation d’insécurité alimentaire. Cela représente une augmentation de 6 points de pourcentage par rapport à la dernière évaluation réalisée en novembre 2021.
« Vingt et un mois de guerre ont plongé les habitants du Tigré dans la faim », a souligné l’agence onusienne, qui a mené une enquête dans les seules zones accessibles de la province éthiopienne du Tigré, avec plus de 3.000 ménages interrogés du 21 mai au 5 juin dernier. L’évaluation montre que les niveaux de sécurité alimentaire dans le Tigré se sont effondrés depuis le début du conflit.
Une analyse indirecte de l’état nutritionnel a montré que la prévalence de la malnutrition aiguë globale et celle aigüe modérée chez les enfants âgés de 6 à 50 mois était de 29% et de 6%, respectivement. Parmi les enfants interrogés, 65% n’avaient pas reçu de soutien nutritionnel depuis plus d’un an.
Le PAM redoute une aggravation de la crise pendant la période de soudure
Selon l’ONU, cette insécurité alimentaire devrait s’aggraver avec « la baisse des stocks de nourriture pendant la période de soudure ». Sur l’ensemble de la population, 42% sont en situation d’insécurité alimentaire modérée.
Dans le même temps, 47% sont en situation d’insécurité alimentaire grave. Ce sont les zones du centre (98%), du nord-ouest (95%) et du sud-est (90%) du Tigré qui connaissent « les plus hauts niveaux d’insécurité alimentaire ». Pour le PAM, les ménages accueillant des personnes déplacées et des rapatriés ont signalé la plus forte incidence d’insécurité alimentaire, avec 97% des ménages accueillant des personnes déplacées et 96% des ménages de rapatriés en situation d’insécurité alimentaire.
Dans une région où la sécurité alimentaire est généralement assurée (en particulier après la période de récolte), 89% des résidents se trouvaient en situation d’insécurité alimentaire en juin 2022, et l’écrasante majorité d’entre eux étaient confrontés à des déficits de consommation alimentaire nécessitant une aide immédiate et urgente.
Par ailleurs, plus de 75% des ménages ont déclaré qu’ils n’avaient pas accès aux marchés et 85% ont déclaré qu’ils n’utilisaient pas les marchés en raison du manque d’argent pour acheter de la nourriture.
Le recours des ménages à des stratégies d’adaptation
Plus largement, les familles épuisent tous les moyens dont elles disposent pour se nourrir, les trois quarts de la population utilisant des stratégies d’adaptation extrêmes pour survivre. Selon le PAM, l’utilisation de stratégies d’adaptation négatives a augmenté, comme la limitation de la taille des portions, le recours à des aliments moins préférés ou moins chers, et/ou la réduction du nombre de repas pris par les ménages, ce qui indique un stress accru des ménages pour satisfaire leurs besoins alimentaires.
Toutefois, ce recours aux stratégies d’adaptation extrêmes a diminué entre novembre 2021 et juin 2022, passant de 24 à 20%. En outre, l’utilisation de stratégies d’adaptation des moyens de subsistance en situation de crise a diminué, passant de 48% en novembre 2021 à 38% en juin 2022.
Seuls 8% des ménages ont déclaré que le travail salarié était leur principale source de revenus. La vente de bétail a connu une forte hausse, passant de 1% des ménages en novembre 2021 à 10% en juin 2022. Les activités non durables telles que le soutien communautaire et l’emprunt d’argent ont également augmenté, rapportées par 13% et 9% des ménages, respectivement, a conclu le PAM.
« La situation au Tigré est la pire catastrophe dans le monde », selon le chef de l’OMS
Mercredi lors d’une conférence de presse à Genève, le Directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a dénoncé une « cruauté inimaginable » infligée aux six millions de personnes vivant dans la région éthiopienne du Tigré. La guerre a ainsi causé dans la région des pénuries de produits alimentaires et l’accès à des services essentiels comme l’électricité, les télécommunications et les banques a été drastiquement réduit.
« Résultat : la population du Tigré est confrontée à de multiples épidémies de malaria, anthrax, choléra, diarrhées et autres maladies », s’est plaint le Dr Tedros, lui-même originaire du Tigré. « La seule solution est la paix », a-t-il fait valoir, exhortant le gouvernement éthiopien à résoudre le conflit « d’une manière pacifique ».
« Au cours des derniers mois je n’ai entendu nulle part un dirigeant évoquer la situation au Tigré. Pourquoi ? Je pense que nous le savons », a poursuivi le Dr Tedros. « Peut-être que la raison est la couleur de la peau des Tigréens », a fait remarquer le Dr Tedros.
Lors d’une conférence de presse de l’OMS en avril dernier déjà, il s’était demandé si les « vies noires et blanches » dans les situations d’urgence dans le monde recevaient la même attention.
Selon le chef de l’OMS, « c’est la pire catastrophe dans le monde ». « Au moment où je vous parle, c’est la pure vérité », a-t-il conclu.
L’OMS a demandé plus de 123 millions de dollars pour s’attaquer aux problèmes de santé résultant de la malnutrition croissante dans la Corne de l’Afrique, où vivent environ 200 millions de personnes et où des millions de personnes sont menacées d’insécurité alimentaire.
Distribué par African Media Agency (AMA) pour Onu Info.