Can Cameroun 2021 : Eclairages d’un critique d’art indépendant sur le » Lion de la discorde », sculpture Bamoun
Par HASSAN NJOYA, Critique d’art indépendant
Réflexion sur les canons esthétiques dans l’art Sculptural Bamoun: Cas du » lion de la discorde »
Depuis la présentation de cette œuvre sculpturale à l’espace public yaoundéen les voix ne cessent de monter et cela va dans tous les sens. Notre intervention est une tentative de recontextualisatio afin qu’on recadre les débats et lire cette œuvre sculpturale dans son contexte culturel et socio politique. Nous commençons par dire ce que nous entendons par l’art Africain, l’art en Afrique.
Nous devons savoir que l’art Africain ne doit pas être regardé avec un regard extérieur à l’Afrique car cela contribue à perdre de vue la réalité d’une esthétique dans les arts plastiques africains. L’art Africain peut se comprendre comme le geste primordial de l’homo sapiens qui en signifiant l’idée par l’image symbole, lui donne une valeur d’éternité.
Ceux qui critiquent pour critiquer doivent comprendre que c’est à travers ces formes esthétiques sculpturales que l’Afrique a repris sa place dans l’esprit des hommes. Nous parlons plus de l’Afrique et non de l’art Bamoun par ce que l’art Bamoun obéit à ce contexte africain qui prend de la hauteur avec la loi de la création esthétique d’Engelbert Mveng.
Les sculptures africaines sont chargées de signes et d’émotion, elles parlent, elles émeuvent par leurs expressions. Pour donc les lire et comprendre il faut d’abord se débarrasser de toutes conceptions esthétiques, savoir que l’art Africain ne vise pas la représentation simple et factuelle, ni l’imitation encore moins la figuration. Ce qui est important ici c’est la signification, la symbolique ; transgresser la forme au profil de son contenu, de son sens ou de ce qu’elle exprime.
Ainsi la beauté de l’art viendrait donc de sa spécificité et de l’émotion qui s’en dégage. Nous sommes la dans une esthétique du domaine du ressenti, de la sensation et du choc qu’il provoque. Également il faut avoir en mémoire que les civilisations africaines ont accordé la primauté à la fonction plus qu’à la forme de l’œuvre c’est pourquoi la beauté n’est jamais recherchée pour elle-même. Il y a un accord fondamental entre la pensée sociale et l’objet chargé de l’exprimer ou de la servir.
Les artisans servent le culte des ancêtres et de ce fait on ne saurait séparer, fonction esthétiques et spiritualité. Nous pensons que cet objet d’art donc beaucoup ont vite fait de jeter l’anathème sur sa valeur esthétique, est en réalité une expression culturelle et de l’esthétiques dans l’art Sculptural Bamoun.
Il faut comprendre cette œuvre comme une évocation de l’idée qu’on veut représenter accepter que cet objet n’est pas le « ‘ lion » fondé sur limitation mais plutôt sur la transfiguration. Donc pas forcément besoin d’être beau et harmonieux au sens KANTIEN du terme il peut être « laid » difforme, où même chercher à provoquer la peur.
L’importance n’est pas à chercher à créer un objet agréable à regarder mais plutôt un objet capable de susciter des émotions. Enfin nous disons que ce n’est pas la beauté qui importe mais la puissance qui émane de l’objet qui compte. Encore que si nous prolongeons la réflexion sur la situation sociale, le contexte économique dans nos villes africaines aujourd’hui, nous aurons plus d’arguments pour justifier le caractère dont le public profane reproche à ce Chef d’œuvre. Cet œuvre est une manifestation visible, plus ou moins violente de la force et de la particularité de l’art africain. Une des choses qui fait d’elle un art singulier.
Par HASSAN NJOYA,
Critique d’art indépendant,
Diplômé et Enseignant de l’IBAF