Cameroun : Paul Biya rouvre la porte de la privatisation de Camtel
C’est au travers d’une série de textes signés le 28 Mai 2019 par le Président de la République du Cameroun, Paul Biya. Ces actes portent à la fois sur la réorganisation et l’approbation des statuts de la Société Cameroon Télécommunications.
Alors que l’activité des internautes prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux au Cameroun, le Chef de l’Etat a récemment rendu publique toute une série de décrets portant à la fois sur la réorganisation et l’approbation des statuts de la Société Cameroon Télécommunications. Entreprise de droit camerounais, chargée de la gestion du portefeuille de la fourniture du service public de communications électroniques, de son infrastructure, et même de son exploitation au niveau national et internationale. A travers ces récents textes signés le 28 Mai 2019, le président camerounais Paul BIYA, remet sur la table l’épilogue d’un feuilleton qui est resté au travers de la gorge de bon nombre de ses concitoyens. Souvenir d’une triste aventure, qui a conduit à la privatisation de bon nombre de sociétés d’Etat, dont le visage est à ce jour peu reluisant aux yeux du peuple. Option d’un régime du renouveau qui peine véritablement jusqu’ici à booster ces entreprises dont la performance avait été hier, remise en question.
Ce qui a changé
L’une des principales innovations apportées par cette réforme du statut de la Camtel, c’est bien la possibilité désormais d’ouvrir aux entités privées et publiques, le capital social de cette entreprise, actuellement contrôlé à 100 % par l’État du Cameroun. « Les statuts de Camtel prévoient les modalités de participation au capital social », précise l’alinéa (3) de l’article du décret présidentiel portant réorganisation de cette société.
C’est dire qu’il est désormais possible que des opérateurs du domaine des télécommunications qui ont longtemps dénoncé le monopole accordé à seule entreprise de l’Etat Camtel, notamment sur le dossier de la gestion de la fibre optique par exemple, pourraient se voir accorder des dividendes, en y intégrant simplement le capital de cette entreprise publique.
Cela s’est déjà donné d’observer dans le secteur des hydrocarbures. Où des marketeurs privés participent, par exemple, au capital de l’unique raffinerie du pays (Sonara) ou encore de celui de la société publique de stockage des produits pétroliers raffinés (SCDP).
Point sur les privatisations
Depuis la mise en œuvre du processus de privatisation au Cameroun, les autorités publiques ont décidé de privatiser 30 entreprises sur les 171 qui existaient, tel que l’avait indiqué le professeur Tsafack Nanfosso, dans un ouvrage en 2004. Mais seulement 24 d’entre elles ont été effectivement cédées à cette date. Concernant les entreprises à privatiser, si l’on se base sur les trois listes préalablement établies par l’Etat du Cameroun, l’on dénombre un total de 35 entreprises inscrites. En complétant la SCM, la BICIC, la SOCAR et la SONEL qui ont fait l’objet de listes à part, l’on comptabilise finalement 39 entreprises. Les 24 entreprises privatisées mentionnées, toutes proportions gardées, mettent donc en évidence un taux de réalisation des privatisations de 61,54%. Ce qui reste bel et bien dans le sillage du constat fait par l’économiste Tsafack-Nanfosso, indiquant un taux de réalisation de 60%, à une époque où certaines privatisations comme celle de la SNEC n’étaient pas encore effectives.
Le constat que nous pouvons d’ores et déjà faire c’est que les entreprises qui avaient été désignées comme devant faire l’objet d’une privatisation, ne le sont pas encore toutes. A ce jour, est encore attendue la privatisation des sociétés comme la Société Camerounaise des dépôts Pétroliers (SCDP), la Cameroon Télécommunication (CAMTEL), mais aussi celle de la Cameroon Airlines Corporation (CAMAIR-CO), compagnie d’aviation de transport créée le 11 Septembre 2006 par le président de la République.
Typologie de privatisations
Il ressort de nombreuses études que la cession d’actions est la technique de privatisation la plus utilisée au Cameroun avec un taux de 41%. C’est une procédure souple et rapide très utilisée dans les pays en développement et les pays de l’Europe de l’Est. Elle est utilisée dans deux cas : pour constituer un actionnariat stable ou pour pallier l’absence ou l’insuffisance de marchés financier locaux.
Suivie par la cession d’actifs, avec un taux de 27%. Tout comme la cession d’actions, elle est la formule rapide et souple la mieux adaptées aux privatisations difficiles. Elle est souvent retenu pour les entreprises de grandes tailles qui ont très peu de chance de trouver un acquéreur disposé à les acheter en l’état et avant fragmentation.
En ce qui concerne le contrat de gestion, d’affermage, et de concession, ils occupent chacun une petite partie dans les opérations de privatisation soit 5% pour tous les trois. Les raisons essentielles qui expliquent le recours limité à ce type de procédures semblent être pour l’Etat le manque de maîtrise de la définition des clauses contractuelles et les difficultés de contrôles de l’application des contrats et, pour l’investisseur privé, la réversibilité de la privatisation.
De manière générale la privatisation devrait exclure de son champ, des entreprises opérant dans les secteurs de souveraineté. Pour permettre à l’Etat de garder la main mise sur le contrôle de sa souveraineté souvent mise en mâle par des multinationales au service de lobbies.
© Thierry Eba » Afrique-54.com