« La décision prise par Washington est complètement contraire non seulement au droit international, mais également à l’exigence de la grande majorité des membres de la communauté internationale », a déclaré le Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, en répondant d’un journaliste au cours d’une conférence de presse conjointe à l’issue de son entretien avec Bruno Rodriguez Parrilla, Ministre des Affaires étrangères de Cuba, le 27 mai 2019 à Moscou, sur les conséquences de l' »activation » de la section III de la loi Helms-Burton qui est une loi fédérale américaine renforçant l’embargo contre Cuba.
En rappelant que les instigateurs de cette loi sont deux parlementaires républicains, le sénateur Jesse Helms et le représentant Dan Burton, il serait aussi important de souligner que selon Sergueï Lavrov, « pendant la dernière session de l’Assemblée générale des Nations unies, en décembre 2018, 189 États ont voté pour la résolution exigeant de lever cet embargo illégal, et seulement deux ont voté contre ».
Voici l’économie de cet échange qui a été une occasion pour Moscou de, non seulement, déclarer « qu’il est inadmissible de recourir à des sanctions illégitimes pour exercer une pression », mais surtout réaffirmer « le rejet formel du blocus économique, commercial et financier de Cuba par les États-Unis ».
Journaliste à Bruno Rodriguez: Pourriez-vous parler plus en détail des conséquences de l' »activation » de la section III de la loi Helms-Burton, qui est extraterritoriale et contraire au droit international?
Sergueï Lavrov répond après Bruno Rodriguez: Je voudrais réaffirmer ce qui a été dit en introduction. Il existe de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies. La décision prise par Washington est complètement contraire non seulement au droit international, mais également à l’exigence de la grande majorité des membres de la communauté internationale.
Journaliste: Le Ministère des Affaires étrangères de la Norvège a annoncé qu’un entretien entre les représentants du gouvernement vénézuélien et l’opposant Juan Guaido se tiendrait cette semaine à Oslo. Qu’attendent la Russie et Cuba de cette rencontre en sachant que le Département d’État américain a déjà déclaré que les conditions de la démission du Président vénézuélien en place, Nicolas Maduro, seront le seul sujet de discussion possible?
Sergueï Lavrov (répond après Bruno Rodriguez): Le Ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez a mentionné la zone de paix proclamée en Amérique latine et dans les Caraïbes en 2014 au Sommet de la Communauté d’États Latino-Américains et Caraïbes (Celac). Les participants y avaient adopté la Déclaration solennelle affirmant que cette région restait et serait à tout jamais une zone de paix, de coexistence harmonieuse selon la formule « l’unité dans la diversité ».
Aujourd’hui, les actions de Washington vis-à-vis du Venezuela font complètement l’impasse sur la volonté même des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes, parce que l’administration américaine fait tout pour que les divergences idéologiques entre certains gouvernements se transforment en conflits politiques, voire en conflits militaires. C’est un signe d’irrespect total envers les pays de l’Amérique latine et leur capacité de régler leurs propres affaires, comme ils l’ont décidé il y a cinq ans.
En ce qui concerne les pourparlers entre les représentants du gouvernement de Nicolas Maduro et l’opposition, nous avons toujours appelé à ce genre de démarches. Je rappelle que l’initiative d’entamer de tels pourparlers sans conditions préalables avait déjà été avancée dans le cadre du « mécanisme de Montevideo ». Le Président vénézuélien Nicolas Maduro l’avait accepté, mais Juan Guaido avait formellement refusé et agissait jusqu’à présent dans la logique que vous avez mentionnée dans votre question, à savoir celle des États-Unis qui estiment qu’il est possible de parler avec le gouvernement vénézuélien uniquement des délais et des conditions de la démission du Président en place.
De telles déclarations du Département d’État américain sont un nouveau signe d’irrespect envers toute l’Amérique latine, les Vénézuéliens et Juan Guaido concrètement. S’il envoie ses représentants à Oslo pour qu’ils participent à des négociations, laissez-les au moins avoir lieu. N’endossez pas le rôle des représentants de l’administration qui décident de tout, même pour les personnes qu’ils ont eux-mêmes nommées comme Juan Guaido. Cela ne se fait pas. Je comprends que les manières de l’administration américaine sont spécifiques, mais il faudrait être plus poli.
Je souligne que nous attendrons les résultats de ces pourparlers. J’espère qu’ils permettront d’avancer vers l’élaboration d’une entente acceptable pour toutes les parties vénézuéliennes.
Journaliste : Le Président américain Donald Trump a annoncé que son pays comptait envoyer 1 500 militaires au Moyen-Orient. Comment cela pourrait-il se refléter sur les conflits dans la région? Et Que pensez-vous de la proposition faite aux pays de la région par le Ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif de signer un pacte de non-agression? La Russie pourrait-elle jouer un rôle de médiation dans le rapprochement des positions de ces pays en vue de signer un tel document?
En ce qui concerne la décision du Président américain Donald Trump d’envoyer 1 500 militaires en plus du contingent déjà déployé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les risques grandissent toujours avec l’accroissement du potentiel militaire. J’espère que les voix raisonnables à Washington, y compris les anciens chefs militaires, politiciens et diplomates respectés, qui soulignent l’imprudence de l’idée d’une guerre contre l’Iran, seront entendues. Du moins, nous avons des raisons d’espérer. Tous les membres du gouvernement américain ne sont pas obsédés par des aspirations agressives.
Quant à la proposition du Ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif de signer un pacte de non-agression entre les pays de la région, cela fait écho avec notre initiative de longue date d’initier le processus de formation d’une conception de sécurité dans la région du Golfe avec la participation des pays arabes riverains et de l’Iran. Nous avons évoqué cette initiative récemment de manière assez détaillée avec le Conseil de coopération du Golfe (CCG) au niveau des ministres des Affaires étrangères. Nous l’avons également évoquée avec l’Iran.
Pour l’instant, les pays arabes concernés n’ont pas de position commune en la matière, mais quoi qu’il en soit il faut orienter le mouvement vers la formation d’une telle conception, d’un système de sécurité, en commençant par des démarches simples: la transparence dans les affaires militaires, les invitations aux exercices, l’élaboration d’autres mesures de confiance avec la participation de la Ligue arabe, de l’Onu, de l’UE et des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies à titre de garants. Nos propositions sont transparentes, il n’y a aucun secret. Nous espérons qu’elles seront prises en compte.
S’entendre sur la non-agression mutuelle est un premier pas vers la détente. Un accord de ce genre serait juste à nos yeux.
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