François, pape des pauvres et de l’écologie ? Ou pape de l’élite globale ?
Réflexion – Le pape François. Le pape de la rupture. Le pape écolo, anticapitaliste, ami des pauvres et des migrants. Le pape bienveillant avec les gays et les divorcés, mais hostile aux traditionnalistes. Le réformateur de la curie romaine corrompue, l’éradicateur des abus sexuels ecclésiastiques… Ou plutôt le pape des paradoxes ? En effet, c’est avec Bayer-Monsanto et BP que François envisage de sauver l’environnement, avec Bank of America et les grands noms de Big Pharma comme Merck ou Johnson & Johnson qu’il désire refonder un capitalisme éthique. Serait-il alors surtout le pape d’une nouvelle logique de marketing ? En effet, c’est justement au nom de la défense de l’environnement, de l’inclusivité ou encore de la justice sociale que les acteurs corporate (c’est-à-dire du secteur privé) de la gouvernance globale sont décidés à faire accepter partout leur agenda — lequel n’est autre que de s’octroyer à eux-mêmes les pleins pouvoirs sur la planète.
Bergoglio, à cet égard, est un cas d’école. Il a choisi de faire du Vatican un porte-parole de cette gouvernance globale dans le sillage du Forum Économique Mondial de Davos (FEM). De fait, les décideurs de cette gouvernance, parce qu’ils n’entendent plus exploiter à leur profit la quête de bonheur consumériste des masses, mais comptent plutôt s’appuyer sur la coercition, ont désormais adopté une stratégie marketing qui cherche à déguiser leur soif de puissance en affichant une volonté de rupture d’avec le capitalisme néolibéral, individualiste et énergivore. L’élite globale accumule tous les biens qui lui manquent encore, confisque les libertés publiques et concentre les pouvoirs dans ses seules mains, mais elle habille ce golpe dans un narratif soucieux d’écologie, axé vers le bien commun, hostile aux libertés individuelles et critique vis-à-vis du libre marché. Le message que François adresse au monde est un des plus beaux exemples de cette nouvelle com’.
Le pape du confinement, du contact tracking, des expériences médicales forcées et de la ségrégation
À la fin de l’hiver 2020, le pape François est apparu comme un héraut des restrictions prétendument sanitaires. Lorsque, au grand désarroi de beaucoup de catholiques, les gouvernements ont commencé d’interdire les réunions religieuses, il s’est empressé d’appuyer ces mesures de toute son autorité. Pour la première fois dans l’histoire, un pape, de concert avec les puissances séculières, interdisait aux catholiques d’aller à la messe ni à aucune autre cérémonie. Les quelques prélats qui s’opposaient aux mesures de « confinement » se sont vus réprimander ou ignorer — c’étaient d’ailleurs des conservateurs dont les propos étaient faciles à discréditer aux yeux du public. Quant à Mgr Viganò, qui dénonce publiquement cette collusion de la papauté et de la gouvernance globale corporate, il ne trouve plus d’écho dans les médias.
À l’opposé du mot d’ordre de son prédécesseur polonais, le pape a donc sans vergogne joint sa voix à celles de tous ceux qui, à l’instar du ministre de la santé britannique Hanson ou du français Véran, reprenaient l’antienne composée par les « experts » en santé publique : « Ayez peur ! » ; une antienne dont le verset aurait pu être : « Tant que le vaccin n’est pas là, la méthode inédite de XI Jinping pour briser la courbe des infections est notre seul salut ».
Dans le très consensuel et très institutionnel New York Times, François est monté au créneau face à l’incompréhension populaire pour défendre l’approche chinoise : « Comme si les mesures que les gouvernements devaient imposer pour le bien de leur peuple constituaient une sorte d’attaque politique contre l’autonomie et la liberté personnelle ». Les populations sont incarcérées à domicile, les familles sont séparées, les rites collectifs bannis, les anciens agonisent isolés, les petites entreprises sont ruinées, des milliers de jeunes sont poussés au suicide, mais pour le bien commun. Les rares gouvernements qui, de par le monde, refusaient de céder à la panique et ne se pliaient pas aux mots d’ordre du PCC et de l’OMS, se virent rappelés à l’ordre par Bergoglio : car ils « ignorent les preuves douloureuses de la liste des victimes qui s’allonge, avec des conséquences pénibles inévitables ».
Depuis, il est devenu un avocat vigoureux de la campagne mondiale d’injections géniques expérimentales à but vaccinal. Pas un mot sur les traitements précoces essayés avec succès dans les pays pauvres. Pas un mot sur la létalité extrêmement faible du SARS-CoV2. Pas un mot sur le caractère expérimental des injections concoctées par Pfizer, Moderna, AstraZeneca ou Johnson & Johnson. Et pas un mot sur leur dangerosité potentielle. Bergoglio ne s’écarte pas d’un iota du discours officiel répété inlassablement depuis des mois dans les médias : le monde est confronté à une terrible menace ; il faut rester chez soi ou sinon se « distancier socialement », subir le contact tracking et porter un masque ; seule une vaccination universelle peut nous en préserver.
Dans son livre interview Oltre la tempesta, François joint sa voix à celles des médias officiels et des politiciens afin d’enjoindre le public de « croire en la science ». Le Successeur de Pierre met sa foi et son espérance dans les déclarations triomphales de Pfizer ou Moderna, comme naguère on l’eu fait dans les articles du Credo : « Il nous faut trouver l’espoir et la foi dans la science aujourd’hui encore : grâce au vaccin, nous retrouvons lentement le chemin de la lumière ». On ne peut pas imaginer un seul instant que le choix des mots « foi et espoir » soit le fruit d’une inconséquence. Ces termes ne peuvent se référer dans la bouche d’un pape qu’aux deux premières des trois vertus chrétiennes dites théologales.
François appuie donc de toute son autorité la stratégie politique globale mise en œuvre à l’unisson par les gouvernements du G20 (grosso modo), et visant à imposer une expérimentation génique à tous les humains, que ce soit à travers le marketing, le chantage ou la coercition pure et simple. Dans une vidéo, il n’hésite pas à qualifier l’injection de « devoir moral », ni à la désigner comme un « acte d’amour » (la troisième vertu théologale justement). Le sort des enfants soumis à cette expérience ne le préoccupe pas non plus. Outre ses appels répétés à la « vaccination » universelle, il a imposé la « vaccination » obligatoire au Vatican.
Encore plus surprenant : la Congrégation pour la doctrine de la foi — l’antique Inquisition — a souhaité lever les réticences que des croyants auraient pu éprouver à l’idée de se faire injecter un agent élaboré à partir de cellules prélevées sur des fœtus avortés. Rome, et dans la foulée toutes les conférences épiscopales du monde, n’ont pas reculé, pour se conformer à l’orthodoxie vaccinale officielle prônée par Anthony Fauci, Tedros Adhanom Ghebreyesus ou Bill Gates, à violer le tabou bimillénaire de l’orthodoxie catholique face à l’avortement. Sous prétexte d’urgence sanitaire. Là encore, François n’a eu à faire face qu’à l’opposition d’une poignée d’évêques.
En toute logique, François est partisan du passeport sanitaire ; passeport qu’il a du reste instauré au Vatican et dans certains séminaires. Dans le sillage du Vatican, quelques diocèses zélés, notamment au Canada, ont commencé à demander des preuves de « vaccination » pour pouvoir aller à la messe. Le chantage, le viol de la vie privée, la surveillance universelle numérique et la ségrégation sociale que le passeport sanitaire suppose laissent indifférent le pontife argentin.
Le pape du partenariat global
On pourrait voir dans tout cela du simple suivisme. Après tout, le pape reprend le discours et la politique de la quasi-totalité des gouvernements occidentaux. Mais il n’en est rien : le Vatican de François Bergoglio se veut un des partenaires actifs du grand bouleversement socioéconomique initié par la gouvernance globale, et prôné notamment par le Forum de Davos (WEF). Cette gouvernance globale est sensée réunir les principaux acteurs du privé et du public dans un « partenariat » justement. Avec ce partenariat qui est en fait une inféodation des pouvoirs publics, l’élite des technocrates peut tranquillement décider de l’avenir de la planète loin des aléas des processus démocratiques : c’est le Global Private-Public Partnership (GPPP).
Dans ce partenariat, les stakeholder capitalists — soit le complexe financiaro-informatique (pour simplifier : BlackRock, Vanguard et Big Tech) et les banques centrales (la BRI, la Fed, la BCE etc.) — constituent les partenaires « majoritaires ». Ils sont « partie-prenante » du bien public de manière décisive. Ce sont eux les véritables décideurs. Les partenaires « minoritaires » sont les gouvernants et leurs appareils d’état (à l’exception de la puissance publique de la Chine laquelle est plus haut dans la chaine alimentaire). Les états ne sont que des exécutants, un peu comme le « middle-management » de l’oligopole mondial technocratique. Dans l’entre deux, on trouve une pléiade d’autres stakeholders : banques internationales d’investissement, multinationales du Hi Tech et du Big Data, Big Pharma… Mais aussi des institutions internationales comme le FMI, la Banque Mondiale ou l’OMS, sans oublier les fondations privées telles le Wellcome Trust, le Rockefeller Institute ou la Fondation Bill & Melinda Gates.
Et puis il faut encore ajouter les partenaires représentatifs globaux. Ces organes de discussions internationales s’efforcent de formuler les grandes stratégies politiques initiées par les « Senior Partners », puis de coordonner l’action des acteurs de leur mise en place. Le principal à l’heure actuelle est sans conteste le Forum Économique Mondial (WEF) dont le chairman exécutif Klaus Schwab a su faire de Davos, au fil du temps, le « hub » incontournable de ce partenariat. À la différence des très discrets clubs de discussion et Think Tank plus anciens comme le Council for Foreign Relations, la Rand Corporation, le Chatham House, le Bilderberg Group, le Group of Thirty ou la Commission Trilatérale, le WEF assume à grand renfort de publicité la mission qui lui a été accordée de coordonner les partenaires d’une gouvernance mondiale désormais assumée sans vergogne. Klaus Schwab ne s’est pas non plus caché d’avoir instalé des relais à des échelons inférieurs mais stratégiques avec ses Young Global Leaders (tel Emmanuel Macron), voire plus bas encore grâce aux Global Shapers.
La gouvernance globale n’a plus à se cacher d’essayer de tirer les ficelles de la planète désormais qu’elle les tire sans entrave. C’est donc le WEF qui se charge de faire son public relation. Il lui revient de vendre les concepts désignant la stratégie initiée par les policy makers de la gouvernance : le Great Reset et la IVe Révolution Industrielle. Sur les décombres de la crise du COVID et grâce à la « fenêtre d’opportunité » qu’elle offre, les stakeholder capitalists pourront « réinitialiser le monde », animé par une nouvelle forme de capitalisme qui transcende tant le keynésianisme que le néolibéralisme.
Ce futur radieux dont rêvent les stakeholders pour « ceux qui ne sont rien », comme le dit le président à Macron, est plaisamment décrit par le WEF comme un monde « où vous ne posséderez plus rien, n’aurez plus de vie privée, mais où vous serez heureux ». Il sera généreusement octroyé aux plébéiens par un consortium de grands financiers contrôlant les multinationales. Celles-ci exploiteront seules un marché planétaire, désormais captif après l’extinction programmée des petites entreprises indépendantes. Cette concentration absolue des biens et des pouvoirs dans les mains d’un oligopole technocratique sera mise en œuvre en particulier grâce à une numérisation centralisée de tous les objets manufacturés (IoT : « Internet of Things ») et de toutes nos activités (IoB : « Internet of Bodies »). Ce qui suppose la suppression de la vie privée au profit d’une surveillance numérique totale à travers des algorithmes pilotés par l’AI. Dès lors, l’activité humaine sera placée sous un contrôle non moins total, en premier lieu à travers le contrôle de toutes nos transactions. Dans cette vie idéale, les humains seront enfermés pour lutter contre le changement climatique et la biodiversité dans des villes « smart » mais « soutenables », mangeront une nourriture synthétique non carnée mais « écoresponsable » (car produite par les géants si bienveillants de l’agroalimentaires), accueilleront des modifications pour les « augmenter »…
Ce coup d’état planétaire, dont le but pourrait aussi se résumer simplement à la monétisation et l’accaparement de tous les biens naturels, doit s’effectuer — on l’aura compris — « pour notre bien ». Autrement dit, en instaurant un capitalisme prétendument « vert », décarboné et éthique, en donnant sa chance à tous, ou encore en offrant à chacun une santé optimale, les titanesques multinationales financières et industrielles, dont l’avidité infinie a jusqu’ici méthodiquement saccagé la planète et ruiné notre santé, vont chercher à s’approprier — pour mieux les préserver bien sûr — les derniers « actifs » (pour employer leur jargon) qui leur échappent encore, tels que nos corps, nos libertés ou les « communs »…
Or, le Vatican aimerait bien tenir son rang, sous la férule des géants de la finance, parmi les partenaires représentatifs globaux du GPPP, au côté du WEF ou du Chatham House. Mais avec une discrète dimension « religieuse » et soucieuse d’éthique que vient orner la patine d’une tradition vénérable. C’est un prestige assez « bankable » aux yeux de tous ces technocrates à la pointe de la modernité. Un peu comme la « méditation de pleine conscience » commercialisée par Jon Kabta Zinn et bénie depuis par l’élite managériale de Davos. François offre à la gouvernance globale une caution morale à la fois télégénique et antique qu’elle ne dédaigne pas, tout comme elle ne dédaigne pas d’instrumentaliser celle, d’origine plus moderne, des célébrités du showbiz. François ne rivalise pas avec des hôtes de Davos tels que Leonardo Di Caprio ou Bono, mais il jouit d’une certaine forme de popularité mondiale en particulier en dehors de son Église. Certes celle-ci est en déclin accéléré jusque dans ses bastions latino-américains et africains où les évangéliques la bousculent, mais le pape reste le seul et unique leader religieux d’envergure vraiment mondiale. Aucune autre religion ne peut se targuer d’un leadership aussi global que celui exercé par le pape. Grâce à la papauté, la gouvernance globale peut faire entendre au monde entier ses consignes depuis le haut du trône de Pierre. Gageons que Klaus Schwab, qui se voit comme le pasteur de la paroisse des élites, apprécie ce détail.
Le pape du Great Reset
En plus d’être une caution morale, François — mais avec plus de discrétion — joue un rôle comparable à celui de la malheureuse Greta Thunberg avec laquelle le Forum de Davos s’exhibe si volontiers. Tout comme elle, le pape critique le système économique actuel et appel de ses vœux un monde plus écologique. Ce sont justement les éléments principaux du narratif dont les décideurs planétaires, comme le CEO de BlackRock Larry Fink, ont choisi de s’emparer pour vendre la grande transformation qu’ils souhaitent mettre en œuvre.
À cet égard, le Vatican entretient d’étroites relations avec la finance internationale : l’APSA (Amministrazione del Patrimonio della Sede Apostolica, autrement dit la gestion du colossal portefeuille boursier et foncier du Vatican) n’avait-il pas depuis 2006 comme conseiller spécial Peter Sutherland ? Ardent partisan de « l’open border », il présidera aussi la Commission Internationale Catholique pour les Migrations depuis 2015 jusqu’à sa mort. Par ailleurs, ce « père de la globalisation » est l’ancien président du GATT, co-fondateur de l’OMC, chairman de BP et de Goldman-Sachs, et bien entendu membre du Foundation Board du WEF, entre autres choses… De même, en 2021, le pape François a nommé un Agenda Contributor du WEF, le très malthusien économiste Jeffrey Sachs, à l’Académie Pontificale des Sciences Sociales (il est par ailleurs un ami de Peter Daszak président d’Ecohealth-Alliance, l’institut qui finançait la recherche sur les « gains de fonction » chez les coronavirus, et lequel Daszak a été nommé par Sachs à la tête du comité du Lancet sur les origines de la pandémie, car, oui, c’est vraiment un petit monde).
Sans surprise, François s’implique personnellement avec le WEF : à quatre reprises, François a adressé un message à son sommet annuel ; parallèlement une table ronde présidée par le Vatican se tient chaque année au même sommet de Davos. Surtout il apparaît comme le fidèle porte-parole des thématiques promues par le WEF. Le pape s’est chargé de devenir un des communicants du « PR » de la grande transition économico-politique que Klaus Schwab a packagé sous l’appellation de « Great Reset ».
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L’encyclique Fratelli tutti d’octobre 2020 est révélatrice à cet égard : « Abstraction faite des manière différentes avec lesquels les divers pays ont répondu à la crise, leur incapacité à travailler ensemble est devenue vraiment évidente » écrit-il. « Quiconque s’imagine que la seule leçon qu’il faille en tirer est le nécessité d’améliorer ce que nous faisions déjà, ou de de rendre plus adéquates les systèmes et les régulations existantes, est dans le déni. […] La fragilité des systèmes qui dominent le monde face à la pandémie ont démontré que tout ne peux pas être résolu par la liberté du marché. […] Il est impératif d’adopter une politique économique proactive orientée vers la “promotion d’une économie qui favorise la diversité productive et créativité entrepreneuriale (business creativity)” (encycl. Laudato Si’), et rende possible la création des emplois et non leur destruction ».
Pour François, l’élément essentiel de cette mutation est bel et bien la gouvernance globale des partenaires privés et publics dont il est partisan. Dans son message de 2021 au FMI et à la Banque Mondiale, il déclare ainsi que la campagne d’expérimentation génique à but vaccinal actuel offre un cadre privilégié à ce partenariat libre de toute contrainte démocratique : « Ici, je réitère mon appel aux leaders gouvernementaux, aux entreprises et organisations internationales de faire l’effort d’œuvrer ensemble pour fournir des vaccins pour tous, en particulier aux plus vulnérables et à ceux qui sont le plus dans le besoin. […] Il demeure le besoin urgent d’un plan global qui puisse créer de nouvelles institutions et régénérer celles qui existent, spécialement celles de la gouvernance globale, et ainsi contribuer à bâtir un nouveau network de relations internationales pour promouvoir le développement humain intégral de tous les peuples ».
C’est un leitmotiv pour François. Déjà Jean XXIII (encyclique Pacem in terris), le Concile Vatican II (constitution Gaudium et spes), et surtout Benoît XVI (encyclique Caritas in veritate) avaient identifié « un besoin urgent d’une véritable autorité politique mondiale » (§ 67). Mais, comme il le fait dans son encyclique Laudato Si’ de 2015, ou encore dans son message à l’ONU de la même année « pour une écologie intégrale », François, lui, ne cesse de réclamer une gouvernance globale plus forte notamment face au changement climatique. Cet appel adressé aux décideurs pour qu’ils se mobilisent contre le changement climatique, s’inscrit dans une critique de l’économie de marché, du consumérisme et de la compétition commerciale inhérente qui reflète l’agenda des élites globalistes : le consommateur et la compétition n’ont pas de place dans un marché captif aux mains d’un oligopole ; de même les dangers, notamment climatiques ou infectieux, qui pèsent sur la planète ont sonné le glas de l’état-nation westphalien tout comme de ce qui pouvait subsister ici ou là de démocratie. Place à la gouvernance mondiale technocratique.
François ne cesse donc d’appeler de ses vœux un « nouvel ordre mondial » dont la « pandémie » serait la matrice. Le vrai « drame », aujourd’hui, « serait de gâcher la chance que nous donne la crise du COVID-19 ». On aura reconnu le story telling désormais célèbre du chairman du WEF Klaus Schwab, « La pandémie représente une fenêtre d’opportunité rare mais étroite pour repenser, réinventer et réinitialiser notre monde ». Pour François, « Le chemin du salut [je souligne] pour l’humanité passe par la création d’un nouveau modèle de développement », et donc par les politiques que justement la gouvernance globale prône, tel que le revenu universel minimum (notamment face au COVID), ou encore bien entendu la transition « verte » et décarbonée.
Le pape de Bayer-Monsanto et Johnson & Johnson : un tournant historique
La papauté avait déjà connu dans le passé de sévères crises. Elle a pu devenir tour à tour le jouet de pontifes avides de pouvoir dont l’ambition était toute terrestre, ou au contraire le jouet de princes désireux de s’appuyer sur son prestige. Rome a cherché des soutiens ou des accommodements extérieurs parfois embarrassants. Pie VIII condamna en 1830 les insurgés catholiques polonais pour complaire au Tsar. Léon XIII excommunia les insurgés irlandais catholiques pour s’attirer les faveurs de l’Empire britannique. Le Vatican négocia longuement avec Lénine, passa un accord avec Mussolini et signa un concordat avec Hitler… Mais ici nous sommes face à un tournant historique. Jamais Rome n’avait été tentée d’embrasser les idéaux de ces régimes avec lesquels elle cherchait un compromis. Jamais la papauté n’avait eu pour ambition de devenir un de leur relais.
Aujourd’hui, pourtant, l’institution qui revendique une juridiction universelle sur les chrétiens s’affirme en même temps comme la partenaire d’une gouvernance mondiale technocratique placée sous l’égide des grandes multinationales. Elle se veut la partenaire « spirituelle » de l’élite technocratique et corporate qui aspire à dominer totalement la planète. Cette adhésion à l’agenda de ce néocapitalisme global a été formalisée par le lancement à Rome du Conseil pour un Capitalisme Inclusif. Il rassemble auprès du pape, dans une confrérie de « Guardians », des CEO œuvrant pour un capitalisme « éthique », « vert » et « équitable »… avec notamment ceux de Johnson & Johnson, Merck, Bank of America, BP ou Bayer-Monsanto — Bayer-Monsanto dont l’expertise en éthique et en écologie est mondialement reconnue. « Un nouveau partenariat historique entre des leaders des plus grands groupes mondiaux financiers et commerciaux et le Vatican […]. Il témoigne de l’urgence de rassembler les impératifs moraux tant que commerciaux pour réformer le capitalisme en une force puissante pour le bien de l’humanité. Sous l’égide morale de Sa Sainteté le pape François […] ».
Placé sous la responsabilité de Lynn Forester de Rothschild, Managing Partner d’Inclusive Capital Partners, ce Conseil « suivra les avertissements du pape François » et « répondra aux demandes de la société qui réclame un modèle de croissance plus équitable et soutenable ». Sans surprise, le site web (à la page « commitments ») de nos capitalistes inclusifs est calqué sur les pages de celui des dix-sept Global Goals onusiens et davosiens pour 2030. Le WEF, on l’a compris, déploie une rhétorique qui peut sembler « de gauche » : il insiste sur les responsabilités écologiques des grands acteurs économiques actuels en particulier vis-à-vis du climat, sur leur volonté inclusive de ne négliger aucune minorité, sur leur souci de donner à tous sa chance, sur leur désir d’accueillir les réfugiés… De même, François se présente comme le pape « vert », gay friendly, ami des migrants, adversaire du changement climatique. Tout autant d’éléments décisifs du marketing que la gouvernance globale attache au nouveau paradigme économique qu’elle entend promouvoir.
Nous retrouvons d’ailleurs un discours semblable — avec tous ses tics de langage — à celui de Davos dans les documents du Dicastère pour la Promotion du Développement Humain Intégral institué le 17 août 2016 par la fusion de diverses autres commissions. Elle « exprime les soucis du Saint-Siège à propos des problèmes de justice et de paix, notamment ceux liés aux migrations, à la santé, au œuvres charitables et à la protection de la création » ; et ce en particulier « pour toute la famille humaine confrontée à la pandémie du COVID-19 ». Bien entendu, c’est à tous ceux qui sont partie prenante — les stakeholders — du destin de la planète et donc du développement humain qu’il revient de trouver les solutions adéquates.
Le pape de la IVe Révolution Industrielle et du transhumanisme
« Développée » par le père Philip Larrey, « en collaboration avec le Dicastère pour la Promotion du Développement Humain Intégral, avec le Saint-Siège ainsi qu’avec un consortium de leaders et de “luminaires”, Humanity 2-0 cherche à unir l’humanité autour de la cause commune de créer un monde meilleur pour nos enfants ». Humanity 2.0 « est un vecteur pour faciliter des entreprises collaboratives entre le secteur public, le privé et celui “basé sur la foi” — des secteurs traditionnellement cloisonnés ». On notera la présence de CEO tels que ceux de CISCO, Virgin ou Publicis dont le partenariat corporate vient bénir les ambitions du dit « vecteur ». Cependant, quasiment aucune référence chrétienne sur ce site, dominé par le visage d’Athéna, si ce n’est une citation de Thomas d’Aquin.
Son chairman, le père Larrey, est prêtre et doyen de la faculté de philosophie de l’Université du Latran mais aussi un apôtre de la Quatrième Révolution Industrielle chère à Klaus Schwab (actoninstitute.it). Il est aussi l’auteur du livre Artificial Humanity où il étale sa foi dans l’Intelligence Artificielle future — comme une entité réellement intelligente ! — et formule le souhait qu’elle reste humaine.
François, en affichant sa foi dans ce qu’il pense être la technologie de demain, reprend presque mot pour mot ce discours sur l’IA, et appelle les chrétiens à « prier pour une IA “humaine” » : « La robotique peut nous rendre possible un monde meilleur si elle demeure liée au bien commun. […] Prions pour que le progrès de la robotique et de l’intelligence artificielle puisse toujours servir l’humanité. […] Nous pourrions dire : qu’elle “soit humaine” ». Non, «l’IA, la robotique et les autres innovations technologiques doivent être utilisées de telle sorte qu’elles contribuent au service de l’humanité et à la protection de notre maison commune», déclare-t-il Forum de Davos de 2018. On reconnait là un des thèmes chères au courant transhumaniste tel que l’expose Yuval Noah Harari un de ses portes paroles médiatiques. L’IA serait potentiellement dangereuse, mais pour que le bon peuple soit protégé de ces périls, il faut que l’élite technocratique la dirige…
L’idéologie transhumaniste, en particulier la croyance en la grande convergence bionumérique qu’il faut faire advenir, est un des points clefs de la IVe Révolution Industrielle prônée par Davos. L’humain et la machine doivent fusionner autour du data, avec l’aide de l’édition génomique et d’implants informatiques, en vue de créé « l’humain augmenté ». La barrière entre le biologique aléatoire et la technologie informatique programmable doit sauter. L’idée de vie tout comme celle de liberté sont obsolètes : la vie et en particulier l’âme humaine ne sont que des algorithmes particulièrement complexes de réactions chimiques et électromagnétique. Quiconque détiendra le data de ces algorithmes sera en mesure de « hacker » l’humain, comme le prétend Yuval Noah Harari devant ses maîtres de Davos en 2018. L’espérance en la possibilité de réaliser une vie éternelle ici-bas, soit en déjouant le vieillissement cellulaire, soit par un transfert de données cérébrales dans quelque disque dur surpuissant, commence à mobiliser de gros investissements. Même avec beaucoup d’imagination, on ne voit pas très bien comment concilier cette vision avec l’enseignement des prédécesseurs de François.
Cela n’a pas empêché le Père Larrey, dans le cadre des Global Leaders de présider des conférences à Rome, de concert avec Carlos Moreira et David Ferguson, tous deux penseurs du transhumanisme, co-auteurs du Transhumancode et liés comme il se doit au WEF de Davos avec leur Think Tank oiste — dont une en juillet 2019 rien de moins que sur cette même thématique du Transhuman Code. Nos bons apôtres de l’utopie technocratique à venir ont d’ailleurs recommencé en octobre 2021 sur le thème de la « Technology that Empowers Humanity »…
« Si nous voulons que tout reste comme tel… »
L’historien ne peut que s’interroger : comment une telle mutation est-elle possible ? Les divers scandales d’abus sexuels auxquels Bergoglio est personnellement mêlé fournissent un début d’explication. Le pape a couvert pendant longtemps d’éminents prélats (McCarrick, Zanchetta, Maradiaga et d’autres encore) pourtant visés par de très graves accusations d’abus sexuels et de corruptions financières. Il a fallu que les crimes soient étalés de manière publique pour qu’il devînt impossible pour lui de ne plus les démettre de leur fonction. Le pape s’est montré tel qu’il est : un homme d’appareil prêt à toutes les extrémités pour protéger ses collaborateurs. Mais parallèlement, c’est ce même pape qui cherchait à donner satisfaction à l’opinion publique en adoptant une politique générale très agressive envers les prêtes accusés d’abus sexuels du même ordre. Un homme d’appareil tenu par l’esprit de corps, doublé d’un communicant comme se doit de l’être tout bon stakeholder moderne, toujours prêt à défléchir les accusations avec du story-telling bien huilé.
C’est donc sans motif que les conservateurs s’inquiètent de l’exposition de statuettes de la Pachamama dans une église non loin du Vatican comme d’une manifestation de syncrétisme voire de néopaganisme écologiste. Pas plus que ne doivent être prises pour argent comptant les déclarations publiques bruyantes « pour la planète », « pour le climat » ou « pour l’environnement » des stakeholder financiers ou industriels de Davos. Ces déclarations révèlent seulement l’appétit de l’élite globale de faire main-basse sur ce qu’il reste de biens naturels lui échappant encore. Non, pas plus que ses partenaires, François ne vénère la Terre-Mère : il « fait de la com’ ».
Oui, à l’évidence, le monde change et Rome change aussi. Le sommet de la hiérarchie catholique ne souhaite pas se retrouver dans une position contre-culturelle : elle préfère suivre l’idéologie dominante, jusqu’à son transhumanisme. À cela je propose une première explication très simple : la papauté est désormais extrêmement faible et François ne s’y résout pas. Quel que soit le prix. De par le monde, les églises sont vides ou en train de se vider comme en Amérique latine. Ne s’accrochent que des groupes socialement ultra minoritaires, disséminés, et tous marqués à des degrés divers par un net conservatisme, voire par le traditionalisme. Le Vatican est devenu une institution d’un autre âge, inadaptée à la taille et à l’influence des communautés qu’il supervise. Le pape n’a plus les moyens de s’adresser à tous les humains comme s’il était une autorité spirituelle et morale écoutée par des centaines de millions de condisciples dans le monde. Son seul atout face au monde sécularisé, c’est ce qu’il représente encore en théorie et non en réalité : une certaine aura associée à sa soutane blanche, la Place et la Basilique Saint-Pierre, le palais du Vatican, la Sixtine, les Gardes suisses (s’ils sont vaccinés !) et les universités pontificales.
Or François a bâti sa vie sur une conformité aux cadres hiérarchiques auxquels il s’identifie. Il a mené toute sa carrière sous le signe de son adhésion conformiste au gré des flots à tous les discours dominants qui se sont succédés : depuis celui de Peròn jusqu’à celui de Schwab. Or, le catholicisme, trop affaibli, n’est désormais plus en mesure de lui fournir un schéma de pensée socialement hégémoniques, tandis que son instinct le plus profond de bureaucrate lui interdit de se soustraire à la pensée grégaire du moment. François n’aurait donc pas pu opter de se consacrer à la petite minorité catholique qui écoute encore le pape sans provoquer aux yeux du grand public la disparition de la Rome pontificale dans une forme d’anonymat et d’oubli. Un choix impossible pour un homme d’appareil. Non, son désir est de rester fidèle à l’institution romaine telle qu’il la voit : celle-ci doit rester un acteur planétaire — comme avant en un sens. Pour cela, la Rome de François a fait le choix d’essayer de devenir un stakeholder de la gouvernance globale en allouant à ses titanesques corporate partenaires ce qui reste de prestige séculaire à la papauté. Pour cela, elle a décidé de collaborer activement à l’instauration d’un système totalitaire global fondé sur la surveillance numérique et les expérimentations géniques. « Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi ! ».
Par Matthieu Smyth, Professeur à l’Université de Strasbourg (France) (Sciences religieuses)
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